Démocratie en Europe: donner du sens à la participation citoyenne

Rédigé par l’équipe du Médiateur européen

M. Petri Jääskeläinen, médiateur parlementaire de la Finlande, préside le groupe de travail sur les «pouvoirs d'influence».

Les institutions de médiation disposent de toute une série de «pouvoirs d'influence». La manière dont elles utilisent ces pouvoirs dépend de leur objectif, du caractère controversé de la question, et du type de soutien public dont elles disposent. Le groupe de travail sur les «pouvoirs d'influence» a examiné la logique sous-tendant l’utilisation de ces pouvoirs, et les méthodes variées à la disposition des divers bureaux pour développer les relations avec les différentes parties prenantes.

Ces pouvoirs d'influence relèvent de deux grandes catégories, à savoir les pouvoirs formels et informels. Les pouvoirs d'influence formels incluent l’instruction des plaintes, les enquêtes d’initiative, les blâmes et les recommandations, alors que les pouvoirs informels concernent les activités médiatiques, à la fois traditionnelles et en ligne. Malgré leur caractère non coercitif, ces pouvoirs se révèlent souvent forts, car ils sont flexibles et ne peuvent généralement pas être contestés devant une juridiction.

Les travaux du bureau du médiateur parlementaire de la Finlande sont guidés par deux thèmes permanents (l’accessibilité et l’utilisation des deux langues officielles du pays), et par une priorité annuelle accordée aux droits de l’homme. Ces thèmes permanents et renouvelables sont repris lors de chaque inspection, et lorsque le bureau mène des enquêtes de sa propre initiative.

Le Médiateur européen a évolué et a développé son utilisation des enquêtes d’initiative pour s’assurer de leur efficacité. Ces enquêtes doivent être fondées sur des soupçons réels de mauvaise administration, et sont menées dans un esprit constructif et non conflictuel.

Parmi les récents exemples d’enquêtes d’initiative, on peut citer la transparence des négociations sur le commerce transatlantique (TTIP) entre l’UE et les États-Unis, et la responsabilité des travaux législatifs au sein du Conseil de l’Union européenne, où les gouvernements des États membres prennent position sur les projets de lois de l’UE.

Malgré leur caractère non coercitif, ces pouvoirs se révèlent souvent forts, car ils sont flexibles et ne peuvent généralement pas être contestés devant une juridiction.

Les «initiatives stratégiques», en revanche, constituent un outil exploratoire dans le cadre duquel la Médiatrice européenne a sciemment décidé de ne pas utiliser toutes ses compétences (par exemple, les initiatives n’impliquent pas d’inspections). Elles s’efforcent plutôt de soulever un problème, de demander des informations et d’émettre des suggestions.

Ces initiatives ont été utilisées pour montrer que la Médiatrice européenne était consciente des préoccupations des citoyens au sujet d’un problème particulier, et y réagissait rapidement. Un exemple récent, à la suite du mouvement MeToo et des révélations liées, a consisté à demander à 26 institutions et agences de l’UE de décrire les politiques de lutte contre le harcèlement qu’elles ont mises en place. La Médiatrice européenne a ensuite formulé une série de suggestions générales, adressées à l’administration de l’UE, sur la politique et les pratiques en matière de lutte contre le harcèlement.

@oikeusasiamies Petri Jääskeläinen esittää #eno2019 konferenssissa yhteenvedon teemasta "developing soft powers". JO Petri Jääskeläinen framför ett sammandrag om temat "developing soft powers" under #eno2019 konferensen.

M. Petri Jääskeläinen, médiateur parlementaire de la Finlande, donne un aperçu des différentes manières dont les médiateurs peuvent utiliser leurs «pouvoir d’influence».

La discussion s’est concentrée sur les moyens pratiques utilisés par les bureaux de médiation pour sensibiliser le public à leur rôle et à leur travail, associer les parties prenantes, et être plus accessibles au public. Disposer de règles claires sur la manière de s’engager auprès des plaignants, et demander l’avis du public sur la manière dont ils exécutent leurs travaux, peut contribuer à renforcer la crédibilité des bureaux des médiateurs. À cette fin, des actions de sensibilisation peuvent être menées dans tout le pays.

Il est nécessaire de nouer des alliances pour obtenir des résultats. Le groupe de travail a étudié à quel point il importe que les différents organes (y compris le médiateur) s’expriment d’une seule voix au sujet d’une question. Cela incite davantage une administration à prendre des mesures.

Il existe d’autres moyens d’utiliser les «pouvoirs d'influence», tel le soutien à la société civile, en particulier dans les pays où elle est sous pression. Une idée particulièrement innovante a consisté à inviter les parties prenantes à débattre du programme d’enquête de la Médiatrice pour l’année à venir.

Implications du règlement général sur la protection des données pour le travail des médiateurs et des commissions des pétitions

Rédigé par le secrétariat du comité européen de la protection des données

M. Rafael Ribó i Massó, médiateur de la Catalogne, et M. Joao Silva, du comité européen de la protection des données, participent au groupe de travail sur le RGPD.

Secrétariat du comité européen de la protection des données (CEPD) 1

Depuis son entrée en vigueur, le 25 mai 2018, le RGPD suscite les interrogations de différents secteurs, dont les pouvoirs publics et les institutions, sur la manière dont il s’applique à eux. Le RGPD représente une évolution, et non une révolution, dans le domaine de la protection des données. Non seulement un grand nombre des dispositions de la précédente directive sur la protection des données ont été transposées dans le nouveau règlement (de manière plus développée pour plusieurs d’entre elles) 2, mais l’approche fondée sur des principes et technologiquement neutre de la directive reste au cœur du règlement.

L’objectif général du RGPD est clair: fixer les règles de protection des personnes physiques en ce qui concerne le traitement et la libre circulation de leurs données. Il entend toutefois, de manière tout aussi importante, protéger leurs droits fondamentaux et, en particulier, leur droit à la protection des données à caractère personnel (un droit fondamental à part entière, consacré par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne).

Pour savoir si le RGPD s’applique, il est important de revenir en arrière et d’examiner les notions de base. Le concept de donnée à caractère personnel désigne toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Cette définition a été élaborée et interprétée au fil du temps dans la jurisprudence de l’UE et les avis de l’ancien groupe de travail «article 29» (devenu le comité européen de la protection des données) 3

En revanche, le traitement fait référence à toute intervention sur les données à caractère personnel, par des moyens automatisés ou non. Le RGPD s’applique spécifiquement au traitement des données à caractère personnel effectué, en tout ou en partie, par des moyens automatisés, et au traitement, par des moyens non automatisés, de données à caractère personnel qui font partie d’un fichier de données ou sont destinées à en faire partie. Cette définition et ses composantes figurent également dans la jurisprudence de l’Union européenne.

@Europarl_CAT: Rafael Ribó presenta les conclusions sobre #GDPR a la sessió plenària
@Europarl_ES: Rafael Ribó presenta las conclusiones sobre #GDPR en sesión plenaria
@Europarl_EN: Rafael Ribó reports the conclusions of #GDPR at Plenary Session
#ENO2019

M. Rafael Ribó, médiateur de la Catalogne, présente les conclusions du groupe de travail sur le RGPD à la session plénière.

Un autre concept essentiel est celui de responsable du traitement. Ce responsable, personne physique ou morale, autorité ou organisme public, seul ou avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement, et est chargé, en vertu du principe de responsabilité, de démontrer le respect du RGPD4 Il convient de souligner que cette tâche ne relève pas de la mission ni de la responsabilité des délégués à la protection des données (DPD) que chaque organisation est censée nommer. 5

Enfin, toute personne, institution ou organisme traitant des données à caractère personnel doit s’assurer qu’il ou elle dispose d’une base juridique adéquate pour effectuer le traitement, conformément au principe de légalité. Le RGPD offre différentes bases juridiques.6 Le consentement de la personne concernée est une telle base. Toutefois, lors du traitement de données à caractère personnel, les institutions publiques devraient réfléchir attentivement à la base juridique la plus adaptée à l’exécution de leurs tâches.7

Il convient donc que les autorités et organismes publics, tels les médiateurs nationaux et les commissions des pétitions, se conforment au RGPD.

Par conséquent, lors du traitement des données à caractère personnel, les médiateurs et les commissions des pétitions seront, en principe, tenus de respecter le RGPD. Cela signifie en pratique qu'ils se conformeront à ses principes et obligations. Ces derniers incluent, sans toutefois s'y limiter, les fonctions suivantes: assurer la transparence et l’information des personnes concernées; garantir les droits des personnes physiques à l’égard de leurs données à caractère personnel; conserver une trace des activités de traitement des données; notifier les violations de données, et désigner un DPD.

De plus, chaque État membre est tenu de désigner une ou plusieurs autorité(s) chargée(s) de la protection des données (APD) pour surveiller l’application du règlement général sur la protection des données. Ceci s’applique également aux organismes publics soumis au RGPD (à l’exception des juridictions dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle).8 Par conséquent, les médiateurs nationaux et les commissions des pétitions seront, en principe, soumis à la supervision des APD, et devront se concerter avec ces dernières pour toute question concernant leurs activités de traitement de données (entre autres compétences, les APD peuvent également fournir des conseils et des orientations). Cela signifie également que les organismes publics sont soumis à différents types de mesures correctives, y compris les amendes prévues dans le RGPD. Dans ce dernier cas, un État membre peut établir les règles déterminant si et dans quelle mesure des amendes peuvent être imposées à des autorités publiques et à des organismes publics.9 Les décisions des APD peuvent toutefois faire l’objet d’un recours juridictionnel.10

En conclusion, le RGPD a permis à la législation en matière de protection des données d’évoluer, mais ne l’a pas radicalement modifiée. Les autorités et organismes publics, tels que les médiateurs nationaux et les commissions des pétitions, devraient donc être tenus de se conformer au RGPD, ce qui implique d’être soumis aux obligations et à la surveillance associées au respect du règlement.

[1] Le présent avis, rédigé par le secrétariat du CEPD, ne constitue ni ne reflète les opinions du comité ou de ses membres, et ne saurait être interprété comme une source d’orientations fournies par le comité au sujet des conditions prévues dans le RGPD. De plus amples informations sur le CEPD sont disponibles à l’adresse suivante: https://edpb.europa.eu/about-edpb/about-edpb_en.

[2] À titre d’exemple, la transformation du groupe de travail «article 29» en comité européen de la protection des données, le développement du rôle et des pouvoirs des autorités de contrôle, et un accent renforcé sur le principe de responsabilité.

[3] Voir, en particulier, l’avis sur le concept de données à caractère personnel (04/2007): https://ec.europa.eu/justice/article-29/documentation/opinion-recommendation/files/2007/wp136_en.pdf.

[4] Un avis du groupe de travail «article 29» (01/2010) sur le concept de responsable du traitement et de sous-traitant de données est disponible à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/justice/article-29/documentation/opinion-recommendation/files/2010/wp169_en.pdf. Il a également été examiné dans le cadre de la jurisprudence de la CJUE.

[5] Les lignes directrices du CEPD concernant le rôle des délégués à la protection des données peuvent être consultées à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/newsroom/article29/item-detail.cfm?item_id=612048.

[6] Voir l’article 6 du RGPD.

[7] À propos du concept de consentement, voir les lignes directrices du CEPD: https://ec.europa.eu/newsroom/article29/item-detail.cfm?item_id=623051.

[8] Voir les articles 51, 55 (paragraphe 3) et 57 du RGPD.

[9] Se reporter au considérant 150 et à l’article 83 du RGPD. Voir en particulier l’article 83, paragraphe 7, du RGPD.

[10] Voir l’article 78 du RGPD.

Les conséquences des défis démographiques et du vieillissement de la population

Rédigé par l’équipe du Médiateur européen

M. Joaquim Pedro Cardoso da Costa, médiateur adjoint du Portugal, préside le groupe de travail sur les défis démographiques.

L’espérance de vie moyenne dans l’Union européenne est passée de 60 ans dans les années 1960 à plus de 80 ans aujourd’hui, tandis que le taux de fécondité tombait à moins de 1,6 enfant par femme. Les pays de l’UE peinent à s’adapter à cette évolution et à répondre aux besoins des personnes âgées en matière de soins de santé et de logement.

Le groupe de travail a débuté en étudiant l’évolution de la situation démographique dans deux pays spécifiques de l’UE, ce qui a permis aux médiateurs de rendre compte de la situation des personnes âgées dans leur pays et des efforts qu'ils ont accomplis pour les aider.

Les bureaux du médiateur ont désigné le syndrome du «village vide» comme la plus grande difficulté sur le plan humain. Après la chute du rideau de fer, de nombreux jeunes ont quitté certaines régions d’Europe centrale et orientale pour s’installer en Europe occidentale. Ce phénomène a aggravé les premières vagues d’émigration, et, combiné à une baisse des taux de fécondité, a entraîné la désintégration du tissu social, en particulier dans les villages, laissant des personnes âgées seules et vulnérables. Leurs besoins ne sont pas seulement matériels, mais aussi affectifs.

Les personnes âgées souffrent principalement de discrimination dans les domaines du marché du travail, des services publics et des frais d’assurance.

L’âgisme a fait l’objet de débats intenses. Les personnes âgées souffrent principalement de discrimination dans les domaines du marché du travail, des services publics et des frais d’assurance. Des frais d’assurance exorbitants tendent à dissuader les personnes de plus de 70 ans de voyager. Les personnes âgées se heurtent aussi à de nombreux obstacles lorsqu’elles demandent un traitement médical ou souhaitent rejoindre des membres de leur famille dans un autre État membre de l’UE. Le groupe de travail a également débattu des cas de mauvais traitements infligés aux personnes âgées par leurs propres parents ou par le personnel des maisons de retraite, ainsi que du manque de soutien aux personnes qui s’occupent d'un proche dépendant.

Les gouvernements sont également confrontés à des difficultés. D'une part, les politiques visant à prévenir l’exode rural et à encourager les jeunes à rester sont coûteuses. De plus, l’hospitalisation des personnes âgées vivant seules constitue une lourde charge pour les systèmes de santé et de sécurité sociale. Une proportion élevée de personnes de 65 ans et plus suivent un traitement médicamenteux à long terme, souffrent d’une maladie chronique et/ou sont en surpoids.

Un autre défi démographique, sans rapport avec le vieillissement de la population, est lié à la présence de grandes familles roms, dont le taux d’analphabétisme est élevé, dans certains pays de l’UE. Afin d’améliorer leurs niveaux d’éducation, les gouvernements doivent fournir aux enfants roms des programmes adaptés à leurs besoins, et les préparer à l’intégration sur le marché du travail et dans la société en général.

Les personnes âgées ont besoin d’un soutien et d’une aide d’institutions indépendantes et fiables, telles que les bureaux de médiateurs. Le rôle de ces bureaux dans la protection des droits se développe. Ils sont notamment habilités à effectuer des contrôles sur place dans les établissements psychiatriques privés et publics, dans les maisons de retraite, et dans les foyers pour enfants.

Les institutions de médiation jouent également un rôle majeur en expliquant leurs droits aux personnes âgées. Certaines animent des émissions télévisées hebdomadaires pour décrire leur travail, et adaptent le langage aux besoins des personnes atteintes d’une déficience cognitive. Par ailleurs, les bureaux de médiateurs organisent régulièrement des consultations afin d’aider les personnes âgées dans leurs relations avec les pouvoirs publics. En portant plainte pour âgisme auprès de la cour constitutionnelle, plusieurs bureaux de médiateurs ont contribué à résoudre des problèmes de logement, et ont garanti un revenu minimum aux personnes âgées.

Le groupe de travail a conclu en présentant des suggestions d’amélioration. Certains bureaux de médiateurs plaident en faveur d’une coordination accrue avec les secteurs privé et public, par exemple en ce qui concerne les visites à domicile et le contrôle des agences de service public, telles les forces de police. Dans le contexte de la numérisation croissante, les bureaux de médiateurs exhortent les gouvernements à étendre l’utilisation des solutions numériques aux personnes âgées, tout en veillant à ce que des solutions de remplacement restent disponibles.