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Discours du Médiateur Européen -Le Citoyen, l'Administration et le Droit communautaire

(Salutations)

La citoyenneté de l'Union a été établie par le Traité de Maastricht. La citoyenneté de l'Union complète mais ne remplace pas la citoyenneté nationale.

Le Traité d'Amsterdam contribue à développer la notion de citoyenneté de l'Union en réaffirmant les principes constitutionnels sur lesquels est fondée l'Union. L'Article A du Traité sur l'Union, tel que modifié, se réfère à :

une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible d'ouverture et le plus près possible des citoyens.

Et comme nous l'a rappelé le Ministre de la Justice de Suède Madame Laila FREIVALDS dans son discours d'ouverture du congrès, l'Article F, tel que modifié, affirme que:

L'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit...

Les sessions de travail sur le thème "Le Citoyen, l'Administration et le Droit communautaire" ont été habilement présidées par Madame Elisabeth PALM, Présidente de la Cour d'Appel Administrative de Götenborg et par Monsieur le Dr. Hans Ragnemalm, juge à la Cour de justice des Communautés européennes. J'aimerais également adresser mes remerciements à tous les rapporteurs nationaux ainsi qu'au rapporteur communautaire Monsieur GARZÓN CLARIANA pour leurs excellents rapports.

Lors des sessions de travail, ont été examinées les possibilités de donner vie à la notion de citoyenneté par une administration du droit communautaire plus responsable, plus ouverte, plus humaine et plus orientée vers le service à tous les niveaux de l'Union.

Nous avons bien évidemment tenu compte du fait que l'administration du droit communautaire est en partie directe - effectuée par les institutions et organes communautaires - et en partie indirecte - effectuée par les autorités administratives dans les Etats membres.

Chacune des quatre sessions de travail était consacrée à un sujet spécifique.

Le premier sujet traitait des normes de bonne administration au niveau communautaire.
Le second sujet était le rôle de la Commission en tant que "Gardienne du Traité". Nous avons examiné en particulier les procédures administratives qu'utilise la Commission lorsqu'elle traite des plaintes de citoyens concernant des infractions au droit communautaire par les Etats membres.
Dans la troisième session de travail, nous nous sommes intéressés à l'accès des citoyens à des documents détenus par les institutions et organes communautaire.
Dans la dernière session de travail, nous avons examiné les recours juridictionnels et non-juridictionnels dont disposent les citoyens pour protéger leurs droits.

Je ferai rapport séparément sur les débats qui ont eu lieu dans chacune des quatre sessions.


1 Normes de bonne administration au niveau communautaire

Dans la première session de travail, deux principes concernant des normes d'administration ont été généralement approuvés. Le premier est que toutes les autorités publiques doivent respecter le principe de l'Etat de droit: ne pas agir en conformité avec le droit ne peut jamais être considéré comme un acte de bonne administration. Le second est que l'administration est là pour servir le citoyen et non l'inverse: l'administration devrait donc être orientée vers le service.

Le fait qu'un Code de bonne conduite administrative pourrait jouer un rôle significatif pour améliorer la qualité de l'administration a également été généralement approuvé, un tel code informerait à la fois les citoyens et les fonctionnaires du niveau de service qui devrait être fourni.

Le rapport général a attiré l'attention sur l'intention de la Commission d'adopter un code de bonne conduite administrative pour régir la conduite des fonctionnaires. Certains participants à la session de travail ont trouvé qu'il n'était pas souhaitable qu'une institution adopte de telles règles elle-même. Ils considéraient que le Médiateur européen devrait être responsable de l'élaboration d'un tel code. Cependant, le fait que la Commission adopte un code elle-même, plutôt que cela lui soit imposé, soulignerait son engagement à une administration orientée vers le service.

Les participants ont généralement approuvé le fait que les dispositions d'un code deviendraient juridiquement contraignantes, qu'il soit adopté comme loi "dure"(hard law) ou "souple"(soft law). Certaines personnes ont exprimé la crainte qu'une loi "dure" serait moins ouverte à une évolution progressive vers des normes nouvelles et meilleures. Cependant, le souhait des citoyens d'avoir des droits clairs et applicables serait satisfait au mieux si la Commission adoptait son Code sous la forme d'une décision.


2 La Commission en tant que "gardienne du Traité"

Lors de la seconde session a été pris en considération le rôle de la Commission en tant que "gardienne du Traité" prévu par l'Article 155 ainsi que la procédure de l'Article 169 qui concerne les infractions au droit communautaire par les Etats membres.

L'accent a été mis sur le fait que le système de recours au sein de l'Union, de même que le système d'administration, est basé sur le principe de proximité avec le citoyen. Au vu de l'évolution de l'Union, on observe cependant une tendance à l'utilisation plus fréquente de la procédure de l'article 169.

De plus, la Commission a reconnu que les citoyens qui se plaignent d' infractions au droit communautaire par les Etats membres ne constituent non seulement une source d'information précieuse, mais qu'ils ont également droit à des garanties procédurales, ce qu'elle va continuer à développer et à améliorer.

Une distinction claire a été faite au cours de la discussion entre, d'une part, les procédures administratives de la Commission dans le traitement d'une plainte et, d'autre part, sa décision discrétionnaire de porter ou non une infraction devant la Cour de justice.

Plusieurs rapporteurs nationaux ont critiqué les procédures administratives actuelles de la Commission. Ils ont argumenté qu'il était nécessaire d'améliorer la transparence et que des mesures supplémentaires devraient être prises pour que les plaignants soient considérés comme des parties dans la procédure. Il a été suggéré qu'une comparaison avec les droits procéduraux des plaignants dans, par exemple, les affaires de concurrence constituerait un point de départ et que des droits moindres pour les plaignants selon l'Article 169 devraient être expressément justifiés. La possibilité que les droits procéduraux des plaignants puissent bénéficier d'une protection juridictionnelle ne doit pas être exclue.

Il a généralement été reconnu que la Commission jouit d'un large pouvoir discrétionnaire quant à la décision de porter ou non une infraction devant la Cour de justice. Il a été suggéré, cependant, que la Commission devrait motiver une décision de ne pas engager de poursuites. Un autre point de vue était qu'il pouvait exister des raisons politiques valables pour ne pas engager de poursuites, mais qu'il pouvait parfois être trop embarrassant de révéler ces raisons publiquement. Il n'a pas été clairement défini comment cela pourrait être réconcilié avec la notion de citoyenneté d'une Union basée sur le principe de l'Etat de droit.


3 L'accès des citoyens aux documents

Le rapport général contient un chapitre sur la transparence, mais il ne comporte une discussion détaillée que d'un seul aspect du sujet: l'accès du public aux documents. Dans les sessions de travail, la discussion a été plus large. Beaucoup de participants ont insisté sur la nécessité de procédures législatives pour améliorer la transparence. En particulier, une discussion intense s'est développée autour de la comitologie. Des vues divergentes ont été exprimées concernant la relation entre la comitologie et le rôle accru du Parlement européen dans la procédure législative suite aux Traités de Maastricht et d'Amsterdam.

La question de l'accès à des documents de comitologie ont renvoyé la discussion au thème principal de la session. Le débat s'est concentré sur les règles communautaires actuelles. Elles consistent en Décisions adoptées par la Commission et le Conseil, donnant effet à leur code commun d'accès aux documents. D'autres institutions et organes communautaires ont également adopté des règles basées sur celles de la Commission et du Conseil.

Un nombre de critiques des règles actuelles sur l'accès du public aux documents ont été exprimées. En particulier : elles ne s'appliquent pas aux documents "entrants"; elles n'exigent pas la tenue de registres de documents; les délais fixés pour donner une décision quant à l'accès sont trop longs; et les exceptions sont trop restrictives.

En ce qui concerne les registres, il a été expliqué que le Conseil tient un registre des documents et qu'il publiera ce registre au courant de l'année 1998: il est souhaitable que d'autres institutions et organes communautaires suivront ce bon exemple.

Des vues divergentes ont été exprimées quant aux délais. Certaines personnes ont soutenu l'idée que l'accès devrait, en principe, être immédiat - en particulier pour faciliter le travail des journalistes qui informent le public.

D'autres ont mis l'accent sur le fait que les procédures de prises de décisions, en particulier en ce qui concerne le Conseil, rendaient difficile un accès rapide aux documents. Il a également été argumenté que la jurisprudence de la Cour de justice exigeant une mise en balance des intérêts dans l'application de certaines exceptions devrait impliqué un temps de réflexion adéquat.

Un grand nombre d'autres points intéressants ont été soulevés, le temps ne me permet d'en mentionner que trois.

Premièrement, l'accent a été mis sur le fait qu'une institution devrait toujours prendre en considération une demande d'accès à un document même si ses règles ne l' obligent pas à donner accès à ce document. Il est évident, cependant, que le principe d'égalité requière que si un document est donné à un citoyen il ne devrait pas être refusé à d'autres.

Deuxièmement, la question a été soulevée de savoir comment contester un refus d'accès à des documents par une agence ou un autre organe communautaire non mentionné comme un défendeur dans l'Article 173 CE. Il est apparu que, par une procédure ou une autre, un recours juridictionnel serait disponible, en plus de la possibilité de se plaindre au Médiateur.

Troisièmement, un point important a été soulevé concernant le futur : quoique le nouvel Article 191aCE concernant le droit d'accès à des documents se réfère uniquement au Parlement européen, à la Commission et au Conseil, le principe de transparence qu'il renferme devrait s'appliquer à l'ensemble de l'administration communautaire.


4 L'accès des citoyens à des recours juridictionnels et non-juridictionnels

Lors de la session finale, les recours juridictionnels et non-juridictionnels dont disposent les citoyens pour protéger leurs droits ont été examinés. Le point de départ de la discussion a été un accord général sur la nécessité de tenir à la disposition des citoyens des mécanismes de recours effectifs dans les cas où leurs droits en matière de droit communautaire ne sont pas respectés et la nécessité que ces mécanismes soient aussi proches que possible des citoyens.

Mention a été faite du travail considérable effectué par le système Euro-Jus de juristes à temps partiel donnant des conseils aux citoyens au sein des bureaux de la Commission dans les Etats membres. Les participants ont tous approuvés le fait que les médiateurs nationaux pouvaient traiter des plaintes relevant du droit communautaire et qu'ils devraient informer les citoyens de ce droit. Les médiateurs nationaux devraient également recevoir le conseil adéquat en matière de droit communautaire pour leur permettre d'aider les citoyens, en particulier en matière de libre-circulation et - lorsque le Traité d'Amsterdam entrera en vigueur - en matière de droit d'asile, d'immigration et de visas.

On a insisté cependant, sur le fait que les médiateurs représentent un complément, et non une alternative, à la protection juridictionnelle du droit communautaire qui, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice devrait toujours être disponible. La coopération entre le Médiateur européen et les médiateurs nationaux pour créer un système effectif de protection non-juridictionnelle pourrait néanmoins contribuer à alléger la charge qui incombe à la fois aux Cours de justice et à la Commission dans son rôle de gardienne du Traité.

Pour conclure, j'aimerais remercier le Président de la FIDE, Monsieur le Professeur Ulf BERNITZ et tous ses collaborateurs qui ont participé à l'organisation de ce congrès pour l'énorme travail qu'ils ont fourni pour faire de cette occasion une réussite ainsi que pour leur aimable hospitalité.

Merci de votre attention.


Le Médiateur européen, M. Jacob Söderman, était le rapporteur général pour le thème "Le Citoyen, l'Administration et le Droit Communautaire" à l'occasion du XVIIIème Congrès FIDE (Fédération internationale de droit européen) qui s'est tenu à Stockholm du 3 au 6 juin 1998. Son rapport général est disponible en anglais et en français.