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'Le Médiateur européen et les citoyens dans l'Europe de demain', Discours du Médiateur européen, M. le Professeur P. Nikiforos Diamandouros, aux 'Entretiens européens d'Epernay', Epernay, France, le 25 octobre 2003

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de pouvoir intervenir aujourd'hui à cette table ronde dans le cadre des "Entretiens européens d'Epernay", en plus sur un thème qui me tient énormément au cœur, à savoir les citoyens européens et leur position dans l'Europe élargie. Je voudrais tout d'abord chaleureusement remercier mon collègue Bernard STASI, Médiateur de la République et Président de l'association des Entretiens européens d'Epernay, de m'avoir invité aujourd'hui, et de m'avoir ainsi donné la possibilité de m'associer à cette initiative exemplaire qui met le citoyen européen au centre du débat et qui - tout en son honneur - a lieu sous le haut patronage du Président de la République française.

Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous entretenir sur le rôle du Médiateur européen dans l'Europe des citoyens de demain.

Comme vous le savez, le Médiateur européen a été instauré par le Traité de Maastricht. L'institution même est active depuis septembre 1995, d'abord sous la direction de mon prédécesseur Monsieur Jacob SÖDERMAN, ancien Médiateur national de la Finlande, et, depuis le 1er avril 2003, sous ma propre responsabilité.

Dans les huit ans qui se sont écoulés, nous avons traité plus de 13 000 plaintes. Mais au lieu de vous décrire les activités du Médiateur européen dans le passé, je voudrais contempler le futur et vous faire part de comment je vois mon rôle de Médiateur européen dans l'Europe élargie.

Le Médiateur européen en tant que promoteur et défenseur des droits des citoyens

Le Médiateur européen joue, à côté des cours et tribunaux dans les Etats membres et au niveau de l'Union, un rôle essentiel dans la promotion et la protection des droits des citoyens européens. J'estime qu'il ne m'incombe pas uniquement la tâche de réagir aux plaintes que je reçois, mais que j'ai également un rôle "pro-actif", c'est-à-dire celui de promouvoir les droits des citoyens et de garantir que ces droits soient protégés efficacement.

Dans ce cadre, la protection des droits de l'homme, des droits fondamentaux et des droits constitutionnels est fondamentale. Ce rôle deviendra encore plus important lorsque 10 nouveaux Etats membres rejoindront l'Union au mois de mai de l'année prochaine. Comme le montre l'activité et surtout la dénomination même des Médiateurs nationaux dans ces Etats, les droits de l'homme auront une importance majeure à jouer dans l'Union de demain.

Je voudrais ici faire une petite parenthèse pour remarquer le lien inséparable et presque circulaire entre la mauvaise administration et le non-respect des droits de l'homme. Personne ne pourra en effet nier que le fait qu'une administration ne respecte pas un droit de l'homme équivaut à un cas de mauvaise administration. D'autre part, une administration qui n'applique pas une bonne administration porte atteinte à un des droits fondamentaux qui sont maintenant inscrits dans la Charte, à savoir le droit à une bonne administration (Article II-41). Surveiller que ces droits soient respectés entre donc logiquement dans la compétence du Médiateur.

Dans ce rôle, il me faut travailler en étroite collaboration avec mes collègues les médiateurs nationaux, régionaux et locaux, ainsi qu'avec les organes similaires dans les Etats membres comme les commissions des pétitions nationales. Cette collaboration s'impose, par ailleurs, du fait que la Charte des Droits Fondamentaux prévoit que ses dispositions s'adressent non seulement aux institutions, organes et agences de l'Union, mais aussi, dans le respect du principe de subsidiarité, aux Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union.

Le Médiateur européen et la future Constitution pour l'Europe

Laissez-moi maintenant en venir au cœur de mon exposé. Tout comme mon prédécesseur, j'ai pu participer de près aux travaux de la Convention chargée de rédiger le Projet de Traité Constitutionnel, en tant qu'observateur. Tous les deux, nous avons saisi cette occasion pour faire plusieurs propositions à la Convention, pour le bénéfice des citoyens européens.

Je voudrais d'abord mentionner que deux de nos propositions ont été fructueuses. La première, qui était d'ailleurs partagée par beaucoup d'autres, était que la Charte des Droits Fondamentaux devrait être incluse dans le futur Traité. La Convention, sous la présidence de Valéry GISCARD d'ESTAING, a choisi la meilleure option en incluant la Charte comme Partie II dans le Projet de Traité.

Notre deuxième proposition était que la future Constitution devrait également inclure un article comme base juridique pour l'adoption d'une loi sur la bonne administration. Cette proposition a été retenue dans l'Article III-304 du Projet de Traité qui stipule que "dans l'accomplissement de leurs missions, les institutions, les organes et les agences de l'Union s'appuient sur une administration européenne ouverte, efficace et indépendante", et ajoute que "la loi européenne fixe les dispositions spécifiques à cet effet." La Commission nous a indiqué qu'au cours de l'année prochaine elle envisage rédiger un projet de loi dans ce sens.

La nécessité de mentionner les voies de recours juridictionnelles et non juridictionnelles

Une troisième proposition que nous avons faite, mais qui malheureusement n'a pas, jusqu'à ce jour, connu le même résultat positif que les deux précédentes, était que soit clairement inscrit, dans le futur Traité Constitutionnel, un chapitre ou au moins une mention explicite sur le système de voies de recours juridictionnelles et non-juridictionnelles. Il est, en effet, très important que les citoyens européens sachent quelles voies de recours sont à leur disposition lorsque leurs droits, y compris les droits qu'ils ont obtenus à travers les Traités, sont violés, que ce soit par les autorités nationales, ou par les institutions et organes de l'Union.

La possibilité de se plaindre au Médiateur européen est déjà mentionnée dans le Projet de Traité, et je m'en réjouis. Je tiens uniquement à signaler que les Articles 48 et III-237 du projet de Traité mentionnent erronément que le Médiateur européen est "nommé" par le Parlement européen, alors qu'il est en fait "élu". J'espère que ceci pourra être rectifié au cours de la Conférence Intergouvernementale.

Restent donc les possibilités de recours non juridictionnelles, à savoir de s'adresser aux médiateurs nationaux et aux commissions des pétitions dans les Etats membres, qui ne sont toujours pas mentionnées dans le Projet de Traité. Ceci pourrait se faire dans la Partie III du Traité, par exemple dans l'article III-8 qui concerne la Citoyenneté. La Commission ainsi que le Parlement ont clairement indiqué qu'ils soutiennent notre proposition.

Offrir aux citoyens la capacité de choisir entre des voies de recours juridictionnelles et non juridictionnelles améliore la qualité de la démocratie et renforce la position de ces citoyens.

Il est maintenant à espérer qu'au cours de la Conférence Intergouvernementale, cette suggestion sera retenue. Je mets tout en œuvre à cette fin, car il me semble qu'il s'agit d'une condition sine qua non d'une Europe qui se veut aussi être une Europe des citoyens.

Le Médiateur européen et l'élargissement

Dans un peu plus de 6 mois, nous serons rejoints par environ 75 millions de nouveaux citoyens titulaires de la "citoyenneté européenne". L'élargissement de l'Union européenne à 10 nouveaux Etats Membres au 1er mai 2004 représente un vrai défi -- je pense par exemple aux nouvelles langues - mais en même temps une réelle opportunité pour l'Europe au début du 21ème siècle. C'est un vrai pas en avant et "une nouvelle étape dans le processus créant une Union sans cesse plus étroite" entre les peuples de l'Europe", pour utiliser la terminologie de l'actuel premier Article du Traité sur l'Union européenne.

Pour le Médiateur européen, aussi, l'élargissement représente une belle opportunité, tant pour approfondir mon travail - je pense notamment au respect de l'Etat de droit dans les futurs Etats membres et au rôle accru que joueront les droits fondamentaux dans l'Union de demain - que pour renforcer la collaboration avec mes collègues dans les nouveaux Etats membres.

Je me suis donc fixé comme objectif d'informer aussi bien que possible nos futurs citoyens européens sur leurs droits liés à la "citoyenneté européenne". Il est indispensable que, dès le premier jour de l'adhésion de leurs pays à l'Union européenne, ces citoyens soient pleinement conscients de leurs nouveaux droits, non seulement ceux liés au marché intérieur et à la libre circulation, au vote pour le Parlement européen et pour les élections municipales, mais également le droit d'adresser une plainte au Médiateur européen ou une pétition au Parlement européen, et de pouvoir aller devant les tribunaux ou médiateurs dans les États membres lorsque leurs droits ne sont pas respectés.

C'est pour cela que le Médiateur européen a été une des premières institutions à fournir des informations sur son site Internet dans toutes les langues des futurs Etats membres et des Etats candidats à l'adhésion. Mon prédécesseur et moi-même avons également participé à l'organisation de séminaires destinés à améliorer la connaissance du droit communautaire dans les futurs Etats membres. Finalement, nous avons élargi notre réseau de liaison en incluant tous les médiateurs des futurs Etats membres et nous avons demandé qu'ils nomment des agents de liaison pour qu'une collaboration encore meilleure puisse s'établir entre nos différents bureaux.

Je pense qu'en tant que Médiateur européen, il m'incombe une tâche d'information particulièrement importante vis-à-vis de l'élargissement. C'est pour cette raison, aussi, qu'avant la date d'adhésion, j'aurai rendu visite à tous mes collègues médiateurs dans les futurs Etats Membres afin que tous ceux et celles qui obtiendront "la citoyenneté européenne" sachent ce que cela signifiera concrètement pour eux.

 

Je vous remercie de votre attention.