Cérémonie de remise de la décoration de Chevalier de la Légion d'Honneur par Madame Noëlle Lenoir, Ministre française déléguée aux affaires européennes, Discours prononcé par le Médiateur européen, M. Jacob Söderman, Strasbourg, le 3 septembre 2002

 

Madame la Ministre,

Excellences, Mesdames et Messieurs !

C'est un très grand honneur pour moi ainsi que pour l'institution que je représente d'être présent aujourd'hui à cette occasion. Je suis profondément reconnaissant au Président de la République ainsi qu'au Gouvernement français de m'avoir décerné le prestigieux titre de Chevalier de la Légion d'Honneur. Et je vous suis particulièrement reconnaissant, Madame la Ministre, de vous être déplacée personnellement pour me remettre cette décoration.

Un jour d'été, il y a 45 ans, un jeune homme était assis sur un banc, sous un arbre, dans le cimetière de Montmartre, à proximité de la tombe de Guy de Maupassant. Ce jeune homme était arrivé à Paris avec quelques amis pour visiter des clubs de jazz dans le quartier de St Germain des Prés. Ils savaient que des musiciens de jazz noirs américains venaient jouer là durant l'été. A Paris, ils étaient reconnus comme des musiciens de premier ordre et respectés comme des êtres humains, ce qui n'était pas le cas, en ce temps-là, aux Etats Unis.

Ce jeune étudiant avait traversé les expériences de sa génération. En tant qu'enfant, il avait entendu les hurlements d'Hitler à la radio. Sa ville natale avait été bombardée par l'ennemi et son père tué à la guerre. Il avait grandi avec une nation qui a reconstruit une société, et partagé les difficultés et les espoirs de cette époque.

Ce jour d'été, il était un homme privilégié. Il se recueillait sur la tombe d'un écrivain qui était un maître dans l'art de décrire les aspects humains de la vie avec compassion. Il avait écouté d'excellents musiciens jouer des airs issus de l'oppression et apportant de la joie à l'Europe. Il avait découvert une nation où le respect et la tolérance étaient mis en pratique dans la vie quotidienne et où le joueur de jazz le plus apprécié était un gitan, jouant de la guitare avec seulement deux doigts à sa main gauche, Django Reinhardt.

Un passant n'aurait sans doute vu qu'un jeune étudiant pâle assis sur un banc. Mais il est possible qu'il se soit passé quelque chose d'essentiel. Il se peut que cette expérience ait cristallisé ma vision de l'humanité et de sa raison d'être.

Madame la Ministre,

En étudiant les obligations et les devoirs liés à cette haute distinction, j'ai découvert que le plus important était d'accepter les valeurs de la République. Je peux vous assurer que cela ne sera pas un fardeau pour moi. Je les ai vécues dans une période de ma vie pendant laquelle l'âme humaine est la plus ouverte aux expériences qui ont une influence durable.

Permettez-moi, Madame la Ministre, de vous réitérer ma sincère gratitude pour la courtoisie que vous m'avez faite, ainsi qu'à mon personnel, de venir me remettre cette distinction.

Je suis très heureux et honoré d'accepter la décoration de Chevalier de la Légion d'Honneur.

Merci de votre attention.