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Projet de recommandation du Médiateur européen dans le cadre de l'enquête d'initiative sur l'accès du public aux documents (616/PUBAC/F/IJH)


Contexte de l'enquête

En juin 1996, le Médiateur a lancé une enquête d'initiative sur l'accès du public aux documents détenus par les institutions et organes communautaires autres que le Conseil et la Commission.

La raison spécifique ayant motivé l'ouverture d'une enquête est le fait que le Médiateur a reçu un certain nombre de plaintes semblant indiquer que le personnel des institutions et organes communautaires n'a pas toujours reçu des instructions adéquates concernant la façon de répondre aux demandes de documents et que ceux-ci sont parfois communiqués avec un retard considérable.

Une raison plus générale est que la mission du Médiateur consiste notamment à améliorer les relations entre les institutions et organes communautaires et les citoyens européens. La création de l'institution du Médiateur était destinée à affirmer l'attachement de l'Union à des formes d'administration démocratiques, responsables et transparentes. De ce point de vue, cette enquête est apparue judicieuse, car l'accès du public aux documents constitue un aspect important de la transparence.

L'objet principal de l'enquête

Il n'existe actuellement dans le traité et dans le droit communautaire aucune disposition concernant l'accès du public aux documents. Toutefois, la déclaration n°17 annexée à l'Acte final du traité sur l'Union Européenne est rédigée en ces termes:

La conférence estime que la transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public envers l'administration. En conséquence, la conférence recommande que la Commission soumette au Conseil, au plus tard en 1993, un rapport sur des mesures visant à accroître l'accès du public à l'information dont disposent les institutions.

La Commission et le Conseil ont en conséquence adopté des règles propres et publiques concernant l'accès aux documents qu'ils détiennent(1).

De telles règles peuvent promouvoir la transparence et les bonnes relations entre les citoyens et les institutions et organes communautaires, et ce de trois façons:

  • le processus d'adoption des règles oblige l'institution ou l'organe à étudier, pour chaque type de documents, si la confidentialité est nécessaire ou non. Dans le cadre de l'engagement de l'Union en faveur de la transparence, ce processus peut en lui-même favoriser un plus grand degré d'ouverture;
  • si des règles sont adoptées et rendues publiques, les personnes qui demandent des documents peuvent connaître leurs droits. Les règles elles-mêmes peuvent également faire l'objet d'un examen et d'un débat publics;
  • des règles plus claires peuvent favoriser la bonne administration, en aidant les fonctionnaires à répondre de façon adéquate et rapide aux demandes de documents émanant du public.

Il a donc été décidé de concentrer l'enquête d'initiative sur la question de savoir si les institutions et organes communautaires autres que le Conseil et la Commission avaient adopté des règles publiques concernant l'accès aux documents qu'ils détiennent.

Dans l'état actuel du droit communautaire, l'enquête a été limitée à la question de l'existence et du caractère public de telles règles. Elle ne s'est pas préoccupée de savoir si les règles en elles-mêmes étaient adéquates pour garantir le degré de transparence que les citoyens européens attendent de l'Union. En réalité, les règles de la Commission et du Conseil sont très limitées en comparaison de celles qui régissent certaines administrations nationales. En particulier, elles n'imposent pas la publication de registres des documents. Elles ne confèrent pas non plus le droit d'accéder aux documents détenus par un organe mais originaires d'un autre.

Institutions et organes couverts par l'enquête

L'enquête s'est intéressée à quinze institutions et organes communautaires qui sont:

  • les institutions communautaires au sens de l'article 4 du traité, autres que le Conseil et la Commission,
  • quatre organes créés par le traité, et
  • huit agences communautaires décentralisées sur les dix existantes. (Les deux autres agences, l'Office communautaire des variétés végétales et l'Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, n'ont pas été incluses dans le champ de l'enquête, car elles n'étaient pas encore opérationnelles).

L'enquête

Le Médiateur a demandé à ces institutions et organes des informations sur leur situation concernant l'accès du public aux documents, et notamment s'ils avaient adopté des règles générales facilement accessibles au public ou des directives internes au personnel concernant l'accès du public et la confidentialité.

Les réponses contenaient des informations sur les exigences de confidentialité et sur les politiques d'information, ainsi que sur les règles et instructions concernant l'accès du public aux documents.

Les exigences de confidentialité

Certaines réponses faisaient référence au fait que le droit communautaire exige la confidentialité de certains types de documents. Cette information est importante, car les règles concernant l'accès aux documents adoptées au titre de l'organisation interne doivent être en accord avec les obligations légales de confidentialité. Toutefois, aucune institution ni aucun organe ne permet au public d'accéder à tous les documents non couverts spécifiquement par les obligations légales de confidentialité.

Les politiques d'information

Plusieurs réponses exposaient la politique d'information de l'institution ou de l'organe. Dans de nombreux cas, elles témoignaient d'une volonté affirmée de fournir des informations sous une forme utilisable et facilement accessible, destinées aussi bien à des publics spécifiques qu'au grand public. Dans certains cas, l'ouverture et la transparence font partie intégrante du mandat de l'institution ou de l'organe. Dans d'autres, elles procèdent d'une décision de principe. La volonté d'ouverture et de transparence dans le cadre de la politique d'information a été soulignée dans les réponses émanant du Parlement Européen, en ce qui concerne son activité politique, de la Cour de justice en ce qui concerne son activité judiciaire et du Comité économique et social, de la Banque européenne d'investissement, du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, de l'Agence européenne pour l'environnement et de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, en ce qui concerne leurs activités dans leurs domaines respectifs.

La fourniture d'informations contribue de façon importante à la transparence et est essentielle pour faciliter la participation collective ou individuelle des citoyens aux activités de la Communauté. Le Médiateur a donc accueilli avec satisfaction ces renseignements concernant les stratégies d'information positives des institutions et organes communautaires.

Toutefois, une stratégie d'information ne remplace pas des règles précises concernant les réponses à apporter aux citoyens qui prennent l'initiative de demander des documents qui n'ont pas été placés dans le domaine public. Les citoyens sont notamment en droit de s'intéresser à l'organisation et au fonctionnement des institutions et organes financés par des fonds publics. Cela pourrait les conduire à demander communication de documents administratifs, qui ne font pas généralement l'objet d'une stratégie d'information.

L'adoption de règles et instructions concernant l'accès du public aux documents

D'après sa réponse, l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur a déjà adopté des règles concernant l'accès du public aux documents. Le Médiateur a donc décidé qu'il n'était pas nécessaire de poursuivre l'enquête en ce qui concerne cet organisme.

Les réponses émanant de la Fondation européenne pour la formation, de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail et de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies indiquent que ces organismes ont l'intention d'adopter dans un avenir proche des règles et instructions sur l'accès du public aux documents. La Cour de justice et la Banque européenne d'investissement ont déclaré qu'elles allaient étudier la possibilité d'adopter de telles règles et, en ce qui concerne la Banque, qu'une étude sur la question était déjà en cours.

L'Institut monétaire européen explique qu'il s'occupe de questions extrêmement sensibles dans le domaine monétaire et financier et que l'article 11, paragraphe 2, de ses statuts prévoit que tous les documents élaborés par l'IME sont confidentiels à moins que son conseil n'en décide autrement. Cette réponse concerne les documents dans le domaine monétaire.

La réponse du Comité des régions indique que celui-ci a adopté le code de conduite commun du Conseil et de la Commission sous forme d'instructions internes et qu'il prépare actuellement les mesures nécessaires pour informer le public du fait que ce code s'applique également aux demandes de documentation adressées au Comité des régions.

La réponse de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments indique que le personnel de cette agence a reçu des instructions en ce qui concerne l'accès du public et qu'il utilise le même système de classification que la Commission, du moins pour certains documents.

Nouvelles enquêtes

En septembre 1996, le Médiateur a écrit à nouveau aux trois organes qui avaient indiqué qu'ils projetaient d'adopter des règles et instructions ainsi qu'à la Banque européenne d'investissement, qui avait dit étudier la question, pour leur demander une copie des règles adoptées.

Il a également écrit au Parlement Européen, à l'Institut monétaire européen, à l'Agence européenne pour l'environnement, au Centre de traduction des organes de l'Union Européenne et à l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, afin de leur demander des informations concernant l'accès aux documents de nature administrative, qui n'étaient pas mentionnées dans leurs réponses à sa première lettre, et pour savoir s'ils adopteraient en ce qui concerne ces documents des règles comparables à celles de la Commission et du Conseil.

Il a enfin écrit à la Cour de justice, à la Cour des comptes, au Comité économique et social et au Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, pour leur suggérer d'envisager l'adoption de règles concernant l'accès du public aux documents, comparables à celles de la Commission et du Conseil.

Résumé de la situation actuelle en ce qui concerne les règles en matière d'accès du public aux documents

Sur la base des réponses reçues aux diverses demandes de renseignements, il apparaît que:

  • l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur a déjà adopté des règles, aisément accessibles au public, concernant l'accès à ses documents,
  • les huit institutions et organes suivants ont décidé d'adopter de telles règles:
    • La Cour de Justice
    • La Cour des Comptes
    • Le Comité des Régions
    • La Fondation Européenne pour la formation
    • La Fondation Européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail
    • Le Centre de traduction des organes de l'Union Européenne
    • L'Observatoire Européen des drogues et des toxicomanies
  • les organes suivants étudient actuellement la possibilité d'adopter de telles règles:
    • Le Parlement Européen
    • La Banque Européenne d'Investissement
    • Le Comité Economique et Social

Décision du Médiateur Européen

Sur la base des informations fournies au Médiateur par les institutions et organes couverts par l'enquête, il apparaît que la plupart d'entre eux, mais pas tous, ont l'intention de suivre le bon exemple montré par le Conseil et la Commission en adoptant des règles relatives à l'accès du public aux documents.

Il est important, à cet égard, de rappeler les exigences du droit communautaire, telles que formulées par la Cour de justice(2):

"Il convient d'admettre que, tant que le législateur communautaire n'a pas adopté une réglementation générale sur le droit d'accès du public aux documents détenus par les institutions communautaires, celles-ci doivent prendre les mesures ayant pour objet le traitement de telles demandes en vertu de leur pouvoir d'organisation interne, lequel les habilite à prendre des mesures appropriées en vue d'assurer le fonctionnement interne dans l'intérêt d'une bonne administration."

Il apparaît donc qu'en ce qui concerne les demandes d'accès aux documents, les institutions et organes communautaires ont une obligation légale de prendre des mesures appropriées pour agir conformément aux intérêts d'une bonne administration. Il convient de rappeler que la Cour de justice est la plus haute autorité en ce qui concerne les questions relevant du droit communautaire.

La bonne administration exige que les institutions et organes communautaires tiennent compte de l'engagement de l'Union en faveur de la transparence. Cet engagement ressort de la déclaration n° 17 annexée à l'Acte final du traité sur l'Union Européenne ainsi que de nombreux actes ultérieurs, notamment l'accord interinstitutionnel sur la démocratie, la transparence et la subsidiarité, du 25 octobre 1993(3). La transparence exige donc non seulement que les documents soient accessibles au public aussi largement que possible, mais également que tout refus de communication de documents soit justifié par une référence à des règles préalablement fixées.

En outre, l'article C du traité sur l'Union Européenne prévoit que "l'Union dispose d'un cadre institutionnel unique qui assure la cohérence et la continuité des actions menées en vue d'atteindre ses objectifs (...)". Les citoyens européens sont donc en droit d'attendre une attitude cohérente en ce qui concerne l'accès du public aux documents. Cela n'exige pas nécessairement qu'un ensemble de règles unique s'applique à toutes les institutions et organes communautaires. Toutefois, cela exclut les différences arbitraires en ce qui concerne l'existence des règles et leur publicité. Aucune des institutions et aucun des organes communautaires couverts par l'enquête n'a présenté d'éléments prouvant que l'adoption de règles relatives à l'accès du public aux documents serait peu pratique ou excessivement contraignante dans sa situation particulière. L'adoption de telles règles est donc une mesure appropriée en ce qui concerne le traitement des demandes de documents.

Conclusion

Sur la base de l'analyse qui précède, le Médiateur a conclu en décembre 1996 que le fait de ne pas adopter et de ne pas rendre aisément accessibles au public des règles régissant l'accès du public aux documents constitue un cas de mauvaise administration.

Recommandations

Compte tenu de ce qui précède, le Médiateur soumet les projets de recommandations suivants aux institutions et organes couverts par l'enquête qui n'ont pas encore adopté de règles concernant l'accès du public aux documents:

  1. Ces institutions et organes devraient adopter dans les trois mois des règles concernant l'accès du public aux documents.
  2. Ces règles devraient concerner tous les documents qui ne sont pas déjà couverts par des dispositions légales existantes autorisant l'accès ou exigeant la confidentialité.
  3. Ces règles devraient être rendues aisément accessibles au public.

En ce qui concerne la Cour de justice, le Parlement Européen et l'Institut monétaire européen, ces recommandations ne concernent que les documents administratifs.

Les institutions et organes concernés ont été informés de ces projets de recommandations conformément à l'article 3, paragraphe 6, du statut du Médiateur Européen. Ils doivent lui faire parvenir leur avis circonstancié dans un délai de trois mois. Cet avis pourrait consister en une acceptation de la décision du Médiateur et en une description des mesures prises pour mettre en oeuvre les recommandations.



(1) Le Conseil et la Commission ont adopté un code de conduite commun (JO 1993 L 340/41), appliqué en vertu de la décision du Conseil du 20 décembre 1993 relative à l'accès du public aux documents du Conseil (JO 1993 L 340/43) et de la décision de la Commission du 8 février 1994 relative à l'accès du public aux documents de la Commission (JO 1994 L 46/58).

(2) Affaire C-58/94, Royaume des Pays-Bas c/ Conseil de l'Union Européenne, arrêt du 30 avril 1996.

(3) JO 1993 C 329/133.