Norite pateikti skundą dėl ES institucijos ar įstaigos?

Rapport spécial du Médiateur européen au Parlement européen faisant suite au projet de recommandation au Conseil de l'Union européenne dans la plainte 2395/2003/GG

 

(conformément à l'article 3, paragraphe 7, du statut du Médiateur européen[1])

Synthèse

            Le présent rapport spécial concerne la question de savoir si le Conseil devrait siéger en public lorsqu'il agit en sa qualité de législateur. L'enquête du Médiateur fait suite à une plainte introduite en décembre 2003. Actuellement, le degré d'ouverture au public des réunions du Conseil lorsqu'il agit en sa qualité de législateur est limité par le règlement intérieur du Conseil. Il suffirait dès lors, pour ouvrir les réunions en question au public, que le Conseil modifie son règlement intérieur. Selon le Médiateur, l'absence d'action du Conseil dans ce sens constitue un cas de mauvaise administration. Cette conclusion est fondée sur les considérations suivantes: (a) L'article premier, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne établit un principe général selon lequel le Conseil et les autres institutions et organes communautaires doivent prendre leurs décisions «dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture» et (b) le Conseil n'a pas soumis de raisons valables pour lesquelles il serait dans l'incapacité de modifier son règlement intérieur dans le but d'ouvrir au public les réunions en question.

            Le Conseil estime que l'article premier, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne indique simplement que l'Union future devrait être aussi ouverte que possible, mais qu'à l'époque de la rédaction du traité, ce n'était pas encore possible. Cependant, le temps est un facteur important dans le processus de concrétisation de cet objectif. Le Médiateur considère dès lors que l'analyse ne peut se limiter aux dispositions introduites par le traité d'Amsterdam et qu'il y a lieu également de tenir compte des développements ultérieurs. À cet égard, il importe de souligner que le Conseil lui-même a introduit dans son nouveau règlement intérieur adopté en 2000 des règles prévoyant une plus grande ouverture au public de ses réunions lorsqu'il agit en sa qualité de législateur. Selon le Médiateur, le Conseil a ainsi indiqué clairement que des mesures devaient et pouvaient être prises en vue d'accroître la transparence de son activité législative. L'adoption du nouveau règlement intérieur en 2000 confirme également qu'il était et qu'il est possible d'agir ainsi en vertu du droit communautaire dans son état actuel.

            En l'occurrence, les plaignants ont fait référence à une disposition du traité établissant une Constitution pour l'Europe, selon laquelle le Conseil siège en public lorsqu'il délibère et vote sur un projet d'acte législatif (cf. article 50, paragraphe 2, du traité constitutionnel). Pour ne laisser planer aucun doute, il convient de signaler que le rapport spécial du Médiateur s'appuie sur les traités existants ainsi que sur le droit communautaire en son état actuel et non sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

La plainte

L'affaire soumise par les plaignants

            En décembre 2003, les plaignants, un député européen membre du parti politique allemand CDU («Christlich Demokratische Union Deutschlands») et un représentant de l'organisation des jeunes de la CDU, se sont plaints auprès du Médiateur que les réunions du Conseil agissant en sa qualité de législateur n'étaient ouvertes au public que dans les limites prévues par les articles 8 et 9 du règlement intérieur du Conseil du 22 juillet 2002[2] (JO L 230 du 28.8.2002, p. 7).

Les démarches des plaignants auprès du Conseil

            Le 18 septembre 2003, les plaignants ont adressé au Conseil une lettre ouverte à ce sujet.

            Le 19 novembre 2003, M. Solana, Secrétaire général du Conseil, a répondu, au nom du Conseil, à cette lettre ouverte. M. Solana y affirmait que l'article 8 du règlement intérieur du Conseil reflétait le compromis trouvé à la réunion du Conseil européen de Séville. Il ajoutait que les délibérations du Conseil précédant un vote sur des actes législatifs étaient déjà ouvertes au public et étaient rendues accessibles au public intéressé par des moyens audiovisuels. M. Solana observait qu'il en allait de même pour la présentation par la Commission de ses principales propositions législatives et pour le débat qui s'ensuivait au sein du Conseil. M. Solana estimait donc qu'une part substantielle de l'activité législative du Conseil était déjà ouverte au public. De surcroît, pratiquement tous les documents relatifs à l'activité législative du Conseil étaient accessibles sur la base du règlement (CE) n° 1049/2001. M. Solana ajoutait que l'idée d'ouvrir les travaux législatifs du Conseil au public bénéficiait (comme démontré par les délibérations de la Convention) d'un très large soutien et que la proposition des plaignants devrait par conséquent être à nouveau discutée dans le contexte de la préparation à la mise en œuvre du nouveau traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Les arguments des plaignants

            Dans leur plainte au Médiateur, les plaignants ont soumis les arguments suivants:

            Les plaignants soulignaient que le Conseil était, avec le Parlement européen, l'organe législatif de l'Union européenne et que les décisions adoptées par le Conseil avaient un impact sur la vie des citoyens européens. Or, malgré cette importance centrale, le Conseil ne siégeait en public que dans des circonstances exceptionnelles et dans une mesure limitée.

            Les plaignants rappelaient que l'article 49, paragraphe 2, du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe - rédigé par la Convention en 2003 - était formulé comme suit:

«Le Parlement européen siège en public, ainsi que le Conseil des ministres lorsqu'il examine et adopte une proposition législative.»

            De l'avis des plaignants, de nombreux éléments juridiques et politiques plaidaient en faveur d'une possibilité d'ouverture immédiate des réunions du Conseil au public.

            Selon eux, lorsque la nouvelle Constitution entrerait en vigueur, les sessions du Conseil agissant en sa qualité de législateur deviendraient de toute façon publiques. Ils faisaient valoir que le résultat atteint par la Convention ainsi que les réactions aux niveaux européen et national ne laissaient aucun doute quant à la conviction acquise par l'Europe que l'ouverture des réunions du Conseil au public serait une bonne chose dans la mesure où cela renforcerait la confiance des citoyens dans les décisions prises à Bruxelles.

            Les plaignants soutenaient en outre que la pratique actuelle du Conseil n'était pas conforme à l'objectif défini à l'article premier, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne («TUE»), lequel dispose que dans l'UE, les décisions «sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens». Selon eux, la transparence de l'action de l'UE devait aujourd'hui être considérée comme un principe général du droit qui devrait se refléter pleinement dans le règlement intérieur du Conseil.

            Ils estimaient en outre que l'exclusion du public ne servait aucun objectif d'ordre supérieur, entendait uniquement protéger les gouvernements des États membres contre tout contrôle des citoyens européens et n'avait que des répercussions négatives sur l'intégration européenne et les citoyens.

            Les plaignants estimaient dès lors que le règlement intérieur du Conseil devait être modifié de manière à prévoir que le Conseil agissant dans sa capacité législative siège toujours en public.

 

L'enquête

L'avis du Conseil

            Le Médiateur a transmis la plainte au Conseil pour avis.

            Dans son avis, le Conseil a formulé les commentaires suivants:

            Le principe d'ouverture défini notamment à l'article premier, paragraphe 2, du TUE revêt une importance majeure. Néanmoins, cette disposition est formulée dans des termes généraux suggérant davantage un objectif qu'une règle absolue. Le langage de cette disposition est programmatique, comme démontré clairement par la formule «marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite».

            La pratique actuelle du Conseil en matière de publicité de ses réunions est conforme à son règlement intérieur. Les plaignants semblent estimer que le règlement intérieur lui-même constitue un cas de mauvaise administration. Toutefois, l'adoption du règlement intérieur (dont la base juridique figure expressément à l'article 207, paragraphe 3, du traité CE) est une affaire politique et institutionnelle. Les articles 8 et 9 du règlement intérieur ont été modifiés à la suite d'un compromis trouvé entre les États membres en juin 2002 lors du Conseil européen de Séville.

            Le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe prévoit que le Conseil siège en public lorsqu'il examine et adopte des propositions législatives. L'inclusion de cette disposition dans un projet de Constitution semblerait d'ailleurs confirmer qu'il ne s'agit pas d'une question de mauvaise administration ou de pratique administrative, mais d'une question juridique et politique ne relevant pas du mandat du Médiateur.

            Dans son avis, le Conseil a en outre fait référence aux accords existants concernant l'information du public sur les activités législatives du Conseil, parmi lesquels figure l'accès aux documents en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001.

            À la lumière de ces considérations, le Conseil a estimé qu'il n'y avait pas eu mauvaise administration et que l'affaire soumise par les plaignants ne relevait pas du mandat du Médiateur.

Les observations des plaignants

            Dans leurs observations, les plaignants ont maintenu leur plainte. Selon eux, le fait que l'article premier, paragraphe 2, du TUE établisse un objectif formulé en termes généraux et non une règle absolue ne fait pas obstacle à leur demande d'ouverture des réunions du Conseil au public. Au contraire, ils estiment qu'il découle de la valeur programmatique de cette disposition et de l'objectif que les décisions soient prises dans le plus grand respect «possible» du principe d'ouverture, une obligation de progresser dans la mise en pratique de ce principe. Pour un organe législatif comme le Conseil, siéger en public est la forme classique d'ouverture du processus décisionnel, tel que pratiquée par les organes législatifs de tous les États membres de l'Union.

            Le pouvoir du Conseil d'organiser ses procédures internes ne l'exempte pas de son obligation de respecter et de promouvoir les principes de l'Union. La formulation du règlement intérieur et son application pourraient dès lors se heurter à des principes d'ordre supérieur et constituer dès lors un cas de mauvaise administration.

            Selon les plaignants, l'issue des travaux sur le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe marque un développement qualitativement nouveau face au principe du caractère public des réunions du Conseil lorsqu'il agit en sa qualité de législateur. Ce principe deviendra un principe général du droit au plus tard au moment de l'adoption de la Constitution par les chefs d'État et de gouvernement des États membres.

L'enquête complémentaire

            Après un examen attentif de l'avis du Conseil et des observations des plaignants, le Médiateur a estimé devoir procéder à une enquête complémentaire.

La demande d'informations complémentaires

            Fin juin 2004, le Médiateur a donc adressé une lettre au Conseil. Dans cette lettre, le Médiateur signale que l'article 49, paragraphe 2, du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe a également été intégré dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe, adopté tout récemment au Conseil européen de Bruxelles. Le Médiateur souligne que bien que non encore ratifié par les États membres, tous ont accepté ce traité. Il rappelle également que le règlement intérieur du Conseil est adopté par le Conseil, c'est-à-dire par les représentants des États membres.

            À la lumière de ces considérations, le Médiateur a demandé au Conseil de l'informer sur les éventuels obstacles à la modification de son règlement intérieur demandée par les plaignants, dès lors que le traité établissant une Constitution pour l'Europe et comprenant la disposition susmentionnée a été accepté par les États membres.

La réponse du Conseil

            Dans sa réponse, le Conseil a de nouveau souligné l'importance qu'il accorde au principe de transparence. Il a par ailleurs indiqué que le traité établissant une Constitution pour l'Europe doit encore être ratifié par les États membres. Par ailleurs, le simple fait que la clause en question ait été intégrée dans la partie I du traité constitutionnel démontre que l'affaire soumise par les plaignants est une question politique et constitutionnelle et non une question de mauvaise administration.

            En conclusion, le Conseil a réitéré son opinion selon laquelle il n'y a pas de mauvaise administration puisqu'il a agi en totale conformité avec les règles pertinentes en vigueur.

Les observations des plaignants

            Les plaignants n'ont soumis aucune observation complémentaire.

Le projet de recommandation du médiateur

Le projet de recommandation

            Le 9 novembre 2004, le Médiateur a adressé le projet de recommandation suivant au Conseil, conformément à l'article 3, paragraphe 6, du statut du Médiateur européen:

«Le Conseil de l'Union européenne devrait réexaminer son refus de décider de se réunir publiquement lorsqu'il agit dans sa capacité législative.»

            Le Médiateur européen a motivé son projet de recommandation comme suit:

 

1   L'étendue des attributions du Médiateur

1.1  L'article 195 du traité CE attribue au Médiateur la mission d'examiner les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes communautaires. Le traité ne fournit aucune définition de la notion de «mauvaise administration». Dans son rapport annuel 1997[3], en réponse à une demande de clarification du Parlement européen, le Médiateur a proposé la définition suivante: «Il y a mauvaise administration lorsqu'un organisme public n'agit pas en conformité avec une règle ou un principe qui s'impose à lui.» Le Parlement européen s'est rallié à cette définition[4].

1.2  Sur cette base, le Médiateur considère que le fait que la pratique actuelle du Conseil soit conforme aux règles en vigueur adoptées par le Conseil lui-même ne signifie pas qu'il ne peut y avoir mauvaise administration. Une mesure adoptée par une institution ou un organe communautaire peut toujours constituer un cas de mauvaise administration si elle n'est pas conforme à un principe ayant force obligatoire pour cette institution ou cet organe.

1.3  Le Conseil semble arguer que le degré d'ouverture des réunions du Conseil dans sa capacité législative est une décision politique qui ne relève pas du mandat du Médiateur. Le Médiateur admet que l'adoption du règlement intérieur du Conseil sur la base de l'article 207, paragraphe 3, du traité CE, est une question politique et institutionnelle qu'il appartient au Conseil de régler. Cependant, la présente plainte ne porte pas sur la manière dont le Conseil organise ses procédures internes, mais sur la question de savoir si le public peut être exclu des réunions du Conseil dans sa capacité législative. Comme souligné à juste titre par les plaignants, les organes législatifs siègent en public dans tous les États membres de l'Union européenne. L'article premier, paragraphe 2, du TUE dispose que dans l'Union, les décisions doivent être prises «dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture». Dans ces circonstances, le Médiateur considère que le Conseil n'a pas stipulé que la question de l'accès du public à ses réunions est une question purement politique qui ne peut dès lors être soumise à un quelconque contrôle.

1.4  Le Conseil affirme en outre que l'intégration d'une disposition telle que l'article 49, paragraphe 2, dans la partie I du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe démontre précisément que la question soulevée par les plaignants est une question politique et constitutionnelle et non une question de mauvaise administration. Le Médiateur n'est pas convaincu par cet argument. Pouvoir s'informer sur l'action des organes législatifs revêt une importance fondamentale pour les citoyens. La meilleure façon de concrétiser cet objectif est indubitablement d'ouvrir au public les débats desdits organes. Compte tenu de l'importance du principe d'ouverture dans ce domaine, il n'est pas surprenant qu'une disposition le consacrant ait été incluse d'abord dans le projet de traité constitutionnel, puis dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe adopté par les États membres en juin 2004 lors du Conseil européen de Bruxelles[5].

1.5  Pour éviter tout malentendu, le Médiateur estime utile de préciser que la présente plainte ne porte pas sur l'activité législative du Conseil en tant que telle, mais sur la question de savoir si les réunions du Conseil doivent être publiques lorsqu'il agit dans sa capacité législative.

1.6  Sur la base de ce qui précède, le Médiateur a estimé que la question soulevée dans la présente plainte relève du mandat qui lui a été conféré par l'article 195 du traité CE.

2   Le manque d'ouverture des réunions du Conseil lorsqu'il agit en sa qualité de législateur

2.1  À la base, les plaignants allèguent que la pratique actuelle du Conseil de ne pas ouvrir au public toutes les réunions où il agit dans sa capacité législative n'est pas conforme à l'objectif défini à l'article premier, paragraphe 2, du TUE, selon lequel dans l'UE, les décisions «sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens».

2.2  Le Conseil reconnaît l'importance cruciale du principe d'ouverture établi, entre autres, à l'article premier, paragraphe 2, du TUE. Toutefois, il affirme que les termes généraux de cette disposition suggèrent davantage un objectif qu'une règle absolue et que le langage en est programmatique. Dès lors, le Conseil estime qu'il n'y a pas acte de mauvaise administration dans sa pratique actuelle dictée par les articles 8 et 9 de son règlement intérieur.

2.3  Le Médiateur reconnaît que l'article premier, paragraphe 2, du TUE ne contient pas une règle précise, mais plutôt un principe général. Il n'en reste pas moins, cependant, que cette disposition ordonne clairement aux institutions et organes de veiller à ce que toutes les décisions communautaires soient prises dans le plus grand respect «possible» du principe d'ouverture. Le Médiateur considère dès lors qu'il y a lieu de déterminer si l'ouverture de toutes les réunions du Conseil lorsqu'il agit en sa capacité de législateur est possible et, dans l'affirmative, s'il existe néanmoins des raisons valables de ne pas le faire.

2.4  Le Médiateur constate, comme le souligne d'ailleurs aussi le Conseil, que certaines réunions du Conseil dans sa capacité législative sont déjà publiques en vertu des règles énoncées aux articles 8 et 9 du règlement intérieur du Conseil. Ce règlement intérieur a été adopté par le Conseil lui-même, c'est-à-dire par un organe composé d'un représentant de chaque État membre (article 203 du traité CE). Le Médiateur observe par ailleurs qu'en octobre 2004, les États membres de l'UE ont signé le traité établissant une Constitution pour l'Europe, lequel contient une clause expresse déclarant que le Conseil doit siéger en public lorsqu'il délibère et vote sur un projet d'acte législatif. Bien que ce traité ne soit pas encore ratifié par tous les États membres selon leurs exigences constitutionnelles respectives, le Médiateur considère que le seul fait que les représentants des États membres se soient sentis en mesure d'accepter une telle disposition, semble indiquer qu'il serait possible d'ouvrir dès à présent lesdites réunions du Conseil au public. Conscient néanmoins d'avoir pu peut-être négliger des considérations éventuellement importantes à cet égard, le Médiateur a adressé en juin 2004 une lettre au Conseil lui demandant de l'informer sur les éventuels obstacles que ce dernier voyait à la modification de son règlement intérieur telle que demandée par les plaignants. Dans sa réponse, le Conseil n'en a mentionné aucun. Le Médiateur a dès lors considéré qu'il serait possible pour le Conseil de décider que le public soit admis à ses réunions lorsqu'il agit en sa qualité de législateur, sauf raisons valables de ne pas le faire.

2.5  Le Médiateur a examiné attentivement les arguments soumis par le Conseil: celui-ci ne fait toutefois référence à aucun principe ou objectif d'ordre supérieur susceptible de justifier son refus d'ouvrir ses réunions au public lorsqu'il agit dans sa capacité législative. Le Médiateur note au contraire que le Conseil a souligné l'importance majeure qu'il accorde à la notion de transparence. Dans sa lettre du 19 novembre 2003 adressée aux plaignants, le secrétaire général du Conseil a même admis que l'idée d'ouvrir les travaux législatifs du Conseil au public bénéficiait d'un très large soutien.

2.6  Dans son avis, le Conseil a par ailleurs fait référence aux accords existants concernant l'information du public sur les activités législatives du Conseil, parmi lesquels figure l'accès aux documents en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001. Le Médiateur considère que ces accords, bien qu'importants et louables, sont sans pertinence dans la présente enquête qui concerne l'accès aux réunions du Conseil et non l'information sur ces réunions.

3   Conclusion

            À la lumière de tout ce qui précède, le Médiateur a conclu que le refus du Conseil de décider, sans raisons valables, de siéger en public lorsqu'il agit en sa qualité de législateur constituait un cas de mauvaise administration.

L'avis circonstancié du Conseil

            Après avoir reçu le projet de recommandation, et conformément à l'article 3, paragraphe 6, du statut du Médiateur européen, le Conseil a fait parvenir un avis circonstancié le 17 février 2005.

            Dans cet avis circonstancié, le Conseil a formulé les commentaires suivants:

            L'article 2, paragraphe 1, du statut du Médiateur attribue au Médiateur la mission de déceler les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes communautaires. Le règlement intérieur du Conseil n'est pas en soi une «action» du Conseil, mais réglemente la manière dont le Conseil exerce son action.

            Le Conseil ne peut souscrire à la distinction apportée par le Médiateur entre la manière dont le Conseil organise ses procédures internes et le fait que le public ne soit pas admis à toutes les réunions du Conseil dans sa capacité législative. En fait, le degré d'ouverture des réunions du Conseil est un des choix politiques effectués par le Conseil lorsqu'il a organisé ses procédures internes. L'organisation des travaux du Conseil revêt une importance majeure pour ses membres, et le fait que les dispositions actuelles soient le suivi d'une décision politique du Conseil européen - la plus haute instance politique dans l'UE - démontre ipso facto la sensibilité politique de cette question.

            Le Conseil persiste donc à penser que la présente plainte ne relève pas du mandat du Médiateur.

            L'article premier, paragraphe 2, du TUE, dispose que «[l]e présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens» (mise en évidence ajoutée). Le raisonnement du Médiateur semble reposer sur l'hypothèse incorrecte que les termes mis ici en évidence sont superflus. L'article premier, paragraphe 2, n'est pas directement applicable. Plus important encore, par sa formulation, cette disposition a un caractère programmatique. Cette formulation ne permet en tout cas pas d'apprécier le cadre juridique dans lequel opère le Conseil par rapport à l'article premier, paragraphe 2; tout au plus indique-t-elle que la future Union doit être la plus ouverte possible, mais au moment de la rédaction du traité sur l'UE, ce n'était pas encore possible.

            En effet, l'article 3 du TUE dispose que «[l']Union dispose d'un cadre institutionnel unique qui assure la cohérence et la continuité des actions menées en vue d'atteindre ses objectifs, tout en respectant et en développant l'acquis communautaire.»

            L'article 207, paragraphe 3, du traité CE est quant à lui formulé comme suit:

«Le Conseil adopte son règlement intérieur.

Pour l'application de l'article 255, paragraphe 3, le Conseil élabore, dans ce règlement, les conditions dans lesquelles le public a accès aux documents du Conseil. Aux fins du présent paragraphe, le Conseil détermine les cas dans lesquels il doit être considéré comme agissant en sa qualité de législateur afin de permettre un meilleur accès aux documents dans ces cas, tout en préservant l'efficacité de son processus de prise de décision. En tout état de cause, lorsque le Conseil agit en sa qualité de législateur, les résultats et les explications des votes, ainsi que les déclarations inscrites au procès-verbal, sont rendus publics.»

            L'article premier, paragraphe 2, du TUE n'est pas hiérarchiquement supérieur à l'article 207 du traité CE. Il s'agit dans les deux cas de dispositions du droit communautaire primaire. En effet, dans la mesure où l'article premier, paragraphe 2, n'établit même pas un principe régissant le droit actuel, mais proclame plutôt un objectif général à long terme, il ne peut prévaloir sur le langage explicite et clair de l'article 207.

            En outre, les termes actuels de l'article premier, paragraphe 2, du TUE, et de l'article 207, paragraphe 3, du traité CE datent, dans les deux cas, de l'époque du traité d'Amsterdam, indiquant ainsi que la première disposition ne reflète pas une opinion plus récente que la seconde. Au contraire, l'article 207, paragraphe 3, est le témoignage concret - pour ce qui concerne le fonctionnement du Conseil - du point jusqu'où les auteurs des Traités ont estimé pouvoir pousser l'objectif défini à l'article premier, paragraphe 2.

            Le Conseil a conclu en déclarant être convaincu que son règlement intérieur ne constituait pas un cas de mauvaise administration.

Les observations des plaignants

            Dans leurs observations, les plaignants ont maintenu leur plainte et ajouté les commentaires suivants:

            Il est vrai que l'article premier, paragraphe 2, du TUE et l'article 207, paragraphe 3, du traité CE sont des dispositions du droit communautaire primaire et se trouvent donc au même niveau en termes de hiérarchie des normes. L'article premier, paragraphe 2, du TUE ne prime donc pas sur l'article 207, paragraphe 3, du traité CE.

            Cependant, l'article premier, paragraphe 2, du TUE produit des effets juridiques à l'égard de l'Union puisqu'il s'agit d'un «principe» juridiquement contraignant de l'UE. Dès lors, chaque décision de l'UE doit tenir compte de la nécessité de prendre les décisions «dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture». À l'obligation des institutions de tenir compte du principe d'ouverture dans leurs décisions, correspond l'obligation de revoir leurs règles de procédures de base à la lumière de l'article premier, paragraphe 2, du TUE.

            Le fait que l'article premier, paragraphe 2, du TUE déclare que ce traité «marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens» n'est pas contradictoire avec cette opinion vu que le processus de sa mise en œuvre a déjà été entamé avec le traité d'Amsterdam.

L'évaluation de l'avis circonstancié du Conseil par le Médiateur

            Le Médiateur observe que le Conseil fait objection à sa position pour deux raisons. Premièrement, le Conseil estime que la présente plainte ne relève pas du mandat du Médiateur. Deuxièmement, le Conseil estime qu'il n'y a en aucune manière mauvaise administration.

            En ce qui concerne la première de ces objections, il convient de rappeler que l'article 195 du traité CE attribue au Médiateur la mission d'examiner les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes communautaires, à l'exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles. La présente plainte concerne la question de savoir si le Conseil devrait siéger en public lorsqu'il agit dans sa capacité législative. Le Médiateur considère que les réunions du Conseil constituent une «action» du Conseil au sens de l'article 195 du traité CE. Il voit en outre difficilement pourquoi l'adoption du règlement intérieur par le Conseil ne devrait pas également être considérée comme une «action» d'une institution communautaire.

            S'agissant de l'argument du Conseil selon lequel la présente plainte concerne un choix politique qui ne relève pas du mandat du Médiateur, il convient de rappeler que cette plainte ne porte pas sur la manière dont le Conseil organise ses procédures internes, mais sur la question de savoir si le public peut être exclu des réunions du Conseil lorsqu'il agit en sa qualité de législateur. Le Médiateur observe que le Conseil semble arguer que le degré d'ouverture de ses réunions fait partie des choix politiques effectués par le Conseil. De l'avis du Médiateur, et comme expliqué ci-dessous, cette position est difficilement conciliable avec l'article premier, paragraphe 2, du TUE. Même si l'article 207 du traité CE prévoit que le Conseil adopte son propre règlement intérieur, il ne prévoit pas que la décision sur le degré d'ouverture des réunions du Conseil dans sa capacité législative doit être considérée comme un choix politique et laissée à l'appréciation du Conseil. Nonobstant tout débat sur l'effet de l'article premier, paragraphe 2, du TUE, il y a lieu de noter que cette disposition indique que les décisions communautaires doivent être prises dans «le plus grand respect possible» du principe d'ouverture. Rien ne suggère que le degré d'ouverture doit dépendre de la volonté politique des institutions ou organes communautaires concernés. Le Médiateur maintient donc que la présente plainte relève de son mandat.

            Sur le fond, le Conseil attire à juste titre l'attention sur la formulation complète de l'article premier, paragraphe 2, du TUE, à savoir, «[l]e présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens». Le Médiateur admet que cette disposition envisage un processus conduisant à une situation dans laquelle «les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture». Cependant, il ne peut se rallier à l'opinion du Conseil selon laquelle l'article premier, paragraphe 2, du TUE doit être considéré comme une disposition à caractère programmatique sans effet juridique.

            La clause en question figurant à l'article premier, paragraphe 2, du TUE, a été introduite par le traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur en 1999. Comme signalé à juste titre par le Conseil, la formulation actuelle de l'article 207, paragraphe 3, du traité CE a également été adoptée par ce traité. Toutefois, aucun élément de l'article 207, paragraphe 3, n'empêche le Conseil d'ouvrir ses réunions au public lorsqu'il agit en sa qualité de législateur. De l'avis du Médiateur, la référence du Conseil à cette disposition n'est dès lors pas probante.

            Le Conseil estime que l'article premier, paragraphe 2, du TUE indique simplement que l'Union future devrait être aussi ouverte que possible, mais qu'à l'époque de la rédaction du traité, ce n'était pas encore possible. Cependant, même si cette opinion est pertinente, le Médiateur considère que le Conseil a omis de prendre en considération deux éléments importants: premièrement, l'article premier, paragraphe 2, du TUE indique clairement que dans l'Union européenne, les décisions doivent être prises «dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture». Cet article précise donc sans ambiguïté la voie à suivre par l'Union et ses institutions et le Conseil n'a dès lors ni appréciation ni choix politique à effectuer par rapport à cette voie. Cependant, le Conseil n'a pas présenté de raisons objectives expliquant pourquoi il serait dans l'incapacité d'avancer dans cette voie en ouvrant au public ses réunions lorsqu'il agit dans sa capacité législative. Deuxièmement, le temps est un facteur important dans le processus de concrétisation de cet objectif. Le Médiateur considère dès lors que l'analyse ne peut se limiter aux dispositions introduites par le traité d'Amsterdam et que les développements ultérieurs doivent également être pris en compte. Dans ce contexte, il importe de noter que le Conseil lui-même, dans son nouveau règlement intérieur adopté en 2000, a introduit des règles prévoyant une plus grande ouverture de ses réunions lorsqu'il agit en sa qualité de législateur. De l'avis du Médiateur, le Conseil a ainsi indiqué clairement que des mesures doivent et peuvent être prises pour accroître la transparence de son activité législative. L'adoption du nouveau règlement intérieur du Conseil en 2000 confirme également qu'il a été et est possible d'agir dans ce sens en vertu du droit communautaire actuel.

            Dans leur plainte, les plaignants soutiennent que l'adoption d'un projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe en 2003, ainsi que sa signature par tous les États membres de l'UE en 2004, constituent des événements importants - et pertinents par rapport à leur démarche. Ce traité n'a pas encore été ratifié par tous les États membres et n'est donc pas encore entré en vigueur. Pour ne laisser planer aucun doute, il convient de signaler que l'appréciation de la présente affaire par le Médiateur s'appuie sur les traités existants ainsi que sur le droit communautaire en son état actuel et non sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

            Le Médiateur maintient dès lors que le refus du Conseil de décider, sans raisons valables, de siéger en public lorsqu'il agit en sa qualité de législateur constitue un cas de mauvaise administration.

La recommandation du Médiateur 

            Eu égard à ce qui précède, le Médiateur reformule son projet de recommandation en recommandation au Conseil comme suit:

 «Le Conseil de l'Union européenne devrait réexaminer son refus de décider de se réunir publiquement lorsqu'il agit dans sa capacité législative.»

            Le Parlement européen pourrait envisager d'adopter cette recommandation sous la forme d'une résolution.

 

 Strasbourg, le 4 octobre 2005

 

 P. Nikiforos DIAMANDOUROS

 


 

[1]        Décision 94/262 du 9 mars 1994 du Parlement européen concernant le statut et les conditions générales d'exercice des fonctions du médiateur, JO L 113 du 4.5.1994, p. 15.

[2]        JO L 230 du 28.8.2002, p. 7. Le texte de ces dispositions est cité dans le projet de recommandation du Médiateur formulé dans le cadre de la présente plainte et est disponible (en anglais et en allemand) sur le site internet du Médiateur européen (http://www.euro-ombudsman.eu.int).

[3]        Voir pp. 22-23.

[4]        Voir le rapport annuel 2002 du Médiateur européen, p. 18.

[5]        Il est peut-être utile de signaler que l'article 49, paragraphe 2, du projet de traité constitutionnel est devenu l'article 50, paragraphe 2, du traité établissant une Constitution pour l'Europe et a été légèrement reformulé. La disposition est en effet maintenant formulée comme suit: «Le Parlement européen siège en public, ainsi que le Conseil lorsqu'il délibère et vote sur un projet d'acte législatif.»