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Discours du Médiateur européen, M. Jacob Söderman, Séminaire sur les 3 A pour rapprocher l'union européenne des citoyens, Forum européen sur les services de conseil aux citoyens, Bruxelles, Belgique, 5 décembre 2002

Chers participants,

Pour les citoyens européens, le nouveau Traité constitutionnel doit, avant tout, assurer la sauvegarde de leurs droits fondamentaux et des droits de l'homme. Il est impératif que les relations de l'Union européenne avec les conventions internationales de droits de l'homme et le statut juridique de la Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne soient clarifiés.

La meilleure façon d'y parvenir serait de donner la possibilité à l'Union européenne d'adhérer aux conventions internationales des droits de l'homme, y compris la Convention européenne des Droits de l'Homme, et de rendre la Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne contraignante partout où le droit communautaire est appliqué.

Les citoyens européens sont également en droit d'attendre que des recours juridictionnels efficaces soient clairement établis dans le Traité constitutionnel. Ces recours devraient permettre aux citoyens d'obtenir justice de la façon la plus simple possible. Les instances judiciaires devraient être les principaux garants de la primauté du Droit et du respect des droits fondamentaux. Les recours non juridictionnels, tels que les médiateurs ou organes similaires à tous les niveaux de l'Union européenne, devraient également être clairement mentionnés afin de promouvoir ces droits et de résoudre les litiges entre l'administration et le citoyen d'une manière flexible.

Une initiative positive

L'initiative prise par le Président de la Convention, Monsieur Giscard d'Estaing, de publier un avant-projet de Traité constitutionnel, est particulièrement positive. Cette procédure ouverte permet à toute personne intéressée par le futur de l'Union de discuter et de faire des propositions dans le cadre de la rédaction du projet de Traité constitutionnel. Cette procédure est bien plus démocratique que d'autres précédentes et se doit d'être saluée.

Comme vous le savez peut-être, j'ai l'honneur de participer aux débats de la Convention européenne en qualité d'observateur. J'ai, à ce titre, fait certaines propositions qui concernent directement le Médiateur, le droit de pétition et les droits fondamentaux. De ce fait, je serais heureux d'avoir avec vous un échange concernant ces propositions et suis également tout à fait disposé à répondre à vos questions concernant mon travail en tant que Médiateur européen.

Droits Fondamentaux et Droits de l'Homme

Le Traité constitutionnel actuellement en cours de rédaction devrait inclure les droits fondamentaux et les droits de l'homme que l'Union doit observer. Ces droits devraient être présentés de manière claire et accessible pour les citoyens européens.

Le Groupe de Travail sur la Charte des Droits Fondamentaux et sur l'adhésion à la Convention européenne des Droits de l'Homme, présidé par le Commissaire António VITORINO, a présenté un rapport à la Convention fin octobre. Ses conclusions laissent espérer qu'une large majorité soutiendra une proposition rendant possible l'adhésion de l'Union européenne à la Convention Européenne des Droits de l'Homme. A mon sens, il serait même préférable que l'Union puisse adhérer à tous les instruments internationaux de protection des droits de l'homme, dans la mesure où au moins les Nations Unies et le Bureau International du Travail ont adopté des dispositions qui sont d'importance pour le bien-être des citoyens européens.

Il est également probable que la Convention soutiendra l'idée de rendre contraignante en droit communautaire, la Charte proclamée à Nice.

Ceci constituerait un grand pas en avant pour les citoyens européens. Tout en assurant que les droits des citoyens soient reconnus dans le Traité constitutionnel, je pense qu'il est tout aussi important d'établir clairement les voies de recours disponibles lorsque ces droits ne sont pas respectés.

Recours et Primauté du Droit

Dans l'une de mes propositions à la Convention européenne, j'ai suggéré un amendement au Traité qui confirmerait l'existence dans l'Union d'une coopération entre Médiateurs et organes parlementaires traitant des pétitions. L'idée est que chaque citoyen de l'Union dispose d'une voie de recours efficace par le biais d'un réseau de médiateurs et de commission des pétitions. Cette voie de recours devrait être formellement intégrée dans le Traité et les citoyens devraient en être informés.

Les citoyens européens souhaitent que le droit communautaire soit correctement appliqué et que les droits fondamentaux soient respectés à tous les niveaux de l'Union. Cela sous-entend que des recours réels soient disponibles en cas de non respect du droit.

L'avant-projet de Traité constitutionnel ne prévoit pas que les citoyens soient informés des recours qui leurs sont ouverts en cas de mauvaise application du droit communautaire. Il n'y est fait mention ni du droit de recourir à des juridictions nationales ni aux médiateurs tant européen que nationaux. En fait, l'actuelle disposition du Traité qui confère aux citoyens le droit de se plaindre en cas de mauvaise administration de la part des institutions ou organes communautaires, semble avoir été oubliée, alors même que le bureau du Médiateur est au service des citoyens, fonctionne avec succès depuis sept ans et reçoit à présent plus de 2000 plaintes par an.

J'ai largement propagé mes vues sur la nécessité de mentionner dans le Traité constutionnel le réseau des médiateurs et des commission des pétitions comme voie de recours pour les citoyens. Pour qu'un tel réseau soit réellement efficace, il doit comprendre des médiateurs ou organes similaires à tous les niveaux dans les Etats membres.

Un médiateur dans tous les Etats membres

Ayant œuvré comme Médiateur depuis plus de 13 ans - d'abord en tant que Médiateur national puis comme Médiateur de l'Union européenne- je suis d'avis que, face à un litige avec une administration publique, les citoyens européens devraient disposer d'une voie de recours non juridictionnelle. Cette voie de recours peut être soit un Médiateur soit un organe similaire ayant un mandat constitutionnel.

Naturellement, il appartient à chaque État Membre de décider de l'étendue et de la nature des pouvoirs de cet organe, à condition toutefois qu'il garantisse la promotion d'une bonne administration et la primauté du Droit, contribuant ainsi à l'amélioration des relations entre administration et citoyens. En cas de litige avec une administration publique, il est nécessaire qu'il existe un organe habilité à résoudre des plaintes individuelles. Cet organe devrait également avoir la possibilité de prendre des initiatives afin de promouvoir de meilleures procédures et pratiques administratives.

Il est tout à fait possible d'avoir à la fois une Commission des Pétitions et un Médiateur qui coopèrent efficacement. Telle est la situation au sein de l'Union européenne, où la coopération entre ces organes profite incontestablement aux citoyens. La Commission des Pétitions, en qualité d'organe politique, devrait se concentrer sur des questions de principe où expérience et influence politiques sont nécessaires pour arranger les choses. Le Médiateur devrait, par principe, se charger des plaintes individuelles des citoyens. Il est utile que la Commission des pétitions supervise le travail du Médiateur en recevant son rapport annuel afin de lui prodiguer des conseils et de lui indiquer la voie à suivre.

12 des 15 Etats membres de l'Union européenne se sont dotés à ce jour d'un médiateur national. L'Allemagne dispose d'une commission des pétitions très efficace au niveau national et de médiateurs opérant au niveau régional. L'Italie n'a pas pour l'instant de médiateur national ou de commission des pétitions, mais dispose d'un réseau actif de médiateurs régionaux. Au Luxembourg, il n'existe pas, pour le moment, de recours non juridictionnel pour les litiges individuels entre les citoyens et l'administration publique. Aussi bien en Italie qu'au Luxembourg, il existe néanmoins des propositions prévoyant la mise en place d'un médiateur national. Tous les 10 pays candidats appelés à se joindre à l'Union européenne en 2004 disposent, en outre, d'un médiateur national ou d'un organe similaire.

Bonne Administration

Le droit fondamental à une bonne administration, établi par l'Article 41 de la Charte de Nice, constitue un engagement en faveur d'un ensemble cohérent de bonnes pratiques administratives au niveau de l'Union européenne.

Les citoyens européens de tous les États Membres souhaitent une administration européenne ouverte, responsable et au service du citoyen. L'avant-projet de Traité constitutionnel fait quelques allusions à ces principes, toutefois, il ne contient rien qui soit de nature à remédier à la situation actuelle qui permet à chaque administration d'avoir sa propre conception quant à la manière de traiter les citoyens. Le Parlement européen a adopté un Code de Bonne Conduite Administrative en septembre 2001 et a demandé au Médiateur d'appliquer ce Code dans son travail. Il ne s'agit pas encore d'une loi contraignante, même si les principes qu'il contient sont basés sur la jurispridence de la Cour de justice des Communautés européennes.

Je suis d'avis que le Traité constitutionnel devrait établir une base juridique claire pour une législation administrative européenne s'appliquant également à toutes les institutions et à tous les organes de l'Union.

Ouverture et Subsidiarité

Il y a eu débat autour de la question de maintenir ou non dans le Traité constitutionnel la formule "une union sans cesse plus étroite", actuellement contenue dans l'article 1 du Traité sur l'Union européenne. A mon sens, les principes qui suivent ces mots dans l'actuel Article 1, revêtent une importance encore plus grande. Cet Article dispose que l'Union est une union entre les peuples de l'Europe, dans laquelle :

"les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens."

Prendre des décisions près du citoyen se traduit par le principe de subsidiarité tel qu'introduit par le Traité de Maastricht. Le Traité d'Amsterdam a ajouté le principe d'ouverture.

Cet important engagement en faveur de l'ouverture et de la subsidiarité n'est pas contenu dans l'avant-projet, pas plus que ne l'est le droit du citoyen d'accéder aux documents publics, tel que contenu dans l'article 255 du Traité instituant la Communauté européenne et qui constitue un élément essentiel d'ouverture.

A mon avis, le Traité constitutionnel devrait clairement établir l'ouverture et la subsidiarité comme principes fondamentaux de l'Union.

 

Il semble qu'un second avant-projet pourrait être publié avant Noël. J'espère que le premier avant-projet présenté en octobre sera affiné et développé de manière à prendre en compte les questions importantes que j'ai soulevées.

Il me paraît clair que des progrès sont à faire afin d'assurer :

  • qu'une autorisation constitutionnelle soit donnée en vue de l'adhésion de l'Union européenne aux conventions internationales de droits de l'homme, y compris la Convention européenne des Droits de l'Homme ;
  • que la Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée à Nice en décembre 2000, soit rendue contraignante en droit communautaire ;
  • que les citoyens soient informés des recours dont ils disposent lorsque leurs droits, y compris leurs droits fondamentaux, ne sont pas respectés. Ces recours comprennent les tribunaux et les médiateurs et commissions des pétitions à tous les niveaux de l'Union ;
  • qu'il existe une base juridique garantissant une administration ouverte, responsable et au service du citoyen ;
  • que l'ouverture et la subsidiarité soient établis comme principes fondamentaux.

C'est ainsi que les citoyens européens pourront réellement avoir confiance en l'Union européenne.

Je vous remercie pour votre attention.