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Rapport spécial du Médiateur européen à l'attention du Parlement européen faisant suite au projet de recommandation adressé au Conseil de l'Union européenne dans la plainte 917/2000/GG
Special Report
Case 917/2000/GG - Opened on Tuesday | 29 August 2000 - Recommendation on Thursday | 01 March 2001 - Special report on Tuesday | 29 August 2000 - Decision on Tuesday | 17 December 2002
(fait conformément à l'article 3, paragraphe 7, du statut du Médiateur européen[1])
La plainte
La plainte a été adressée par Statewatch, un organisme privé, en juillet 2000. Les faits pertinents, tels qu'ils sont allégués par le plaignant, sont récapitulés ci-après.
Le plaignant avait obtenu copie d'ordres du jour et de "résultats des discussions" concernant des réunions du Conseil de l'Union européenne relatives à la justice et aux affaires intérieures. Il avait constaté que nombre des documents repris dans les "résultats des discussions" ne figuraient pas sur les ordres du jour de ces réunions. Cet organisme avait également appris qu'un certain nombre de documents, comme les documents de séance et les documents SN (sans numéro) n'étaient généralement pas repris dans les ordres du jour ni dans les "résultats des discussions".
Le 27 janvier 1999, le plaignant a envoyé un courrier au Conseil pour demander "tous les documents de séance, les documents officieux, les documents de réunion, les documents sans numéro, etc." qui avaient été présentés lors de réunions spécifiques qui s'étaient déroulées au cours du mois de janvier 1999 et qui n'étaient pas repris dans les ordres du jour de ces réunions. Dans sa réponse datée du 24 mars 1999, le Conseil a estimé que les demandes d'accès aux documents présentées en vertu de la directive 93/731/CE du Conseil du 20 décembre 1993 sur l'accès du public aux documents[2] devait contenir les éléments permettant d'identifier les documents demandés. Le Conseil a affirmé ne pas être en mesure d'identifier les documents concernés, s'ils existaient. Selon le Conseil, les ordres du jour et "résultats des discussions" déjà communiqués au plaignant ou qui pourraient être demandés par ce dernier constituaient les seuls moyens d'identifier les documents.
Le plaignant a alors adressé une demande confirmative dans laquelle il signalait que rien ne garantissait que l'accès aux "résultats des discussions" auxquels faisait référence le Conseil serait accordé. Il signalait également qu'il se pourrait que les documents de ce type puissent ne pas figurer sur les ordres du jour ou dans les "résultats des discussions" bien qu'ils fassent partie intégrante de la procédure décisionnelle. Il a semblé ainsi au plaignant que le Conseil ne disposait pas d'une liste ou d'un document reprenant tous les documents diffusés avant ou pendant une réunion. Dans sa décision sur la demande confirmative, le Conseil a informé le plaignant que sur la base des "résultats des discussions", il avait identifié 79 nouveaux documents qui avaient été présentés lors des réunions et qu'il refusait l'accès à 15 d'entre eux. Les documents énumérés n'incluaient qu'un seul document SN (sans numéro).
À l'occasion d'une autre demande présentée le 25 janvier 1999, le plaignant a demandé l'accès à "tous les documents (à diffusion restreinte, limitée, documents officieux, document de réunion, documents de séances, documents SN et tout autre document, etc.)" qui avaient été présentés lors d'une réunion du groupe de travail sur la coopération policière (réunion d'experts - interception des télécommunications) les 3 et 4 septembre 1998. La réponse du Conseil a été quasiment identique à celle donnée précédemment. Le plaignant a présenté une demande confirmative, soulignant que selon l'ordre du jour, seul un document de 4 pages (diffusé par le Conseil) avait été diffusé avant cette réunion qui avait duré deux jours et portait sur cinq questions de fond. Dans sa décision sur la demande confirmative, le Conseil a informé le plaignant que sur la base des "résultats des discussions", il avait identifié deux autres documents, tous deux accessibles.
Selon le plaignant, lors de la mise en ligne de son registre public le 1er janvier 1999, le Conseil avait publié les instructions suivantes:
"Les documents confidentiels, les documents à diffusion restreinte, les documents sans numéro et les documents officieux ne figureront pas dans le registre public. C'est la raison pour laquelle dorénavant ces documents ne seront plus mentionnés dans les documents officiels du Conseil (notamment dans les projets d'ordre du jour et les résultats des discussions)".
Le plaignant a estimé que rien ne justifiait l'exclusion délibérée de ces documents des ordres du jour, des "résultats des discussions" et du registre public. Il a affirmé qu'en l'absence de la liste complète des documents examinés par le Conseil, les citoyens n'étaient pas en mesure de bien comprendre les délibérations. Le plaignant a estimé que dans un cas comme dans l'autre, le Conseil n'avait pas précisé que des recherches complémentaires avaient été faites afin de déterminer les documents qui avaient été présentés aux deux réunions. De plus, le Conseil n'avait fourni aucune liste de documents ni abordé la question.
En substance, le plaignant a énoncé les griefs suivants:
- Le Conseil ne lui a pas fourni les documents demandés, c'est-à-dire (1) tous les documents de séance, les documents officieux, les documents de réunion, les documents sans numéro, etc. qui avaient été distribués lors des réunions spécifiques au cours du mois de janvier, dont il avait fait la demande le 27 janvier 1999 et (2) tous les documents (restreints, limités, documents officieux, documents de réunion, documents de séance, documents sans numéro et tout autre document, etc.) qui avaient été présentés lors d'une réunion du groupe de travail sur la coopération policière (réunion d'experts - interception des télécommunications) les 3 et 4 septembre 1998.
- Le Conseil n'a pas fourni ou n'a pas dressé de liste de ces documents.
L'enquête
La plainte a été envoyée au Conseil de l'Union européenne pour avis.
L'avis du Conseil
Dans son avis, le Conseil formule les commentaires récapitulés ci-après:
Dans le cas présent, 85 documents ont été identifiés dont 68 remis au plaignant. En termes plus généraux, la présente plainte soulève une question de principe liée à la manière dont a procédé le Conseil.
Les règles du Conseil en matière d'accès aux documents, contrairement à celles de certains États membres, n'établissent pas de distinction entre les documents préparatoires et les documents définitifs: ces deux types de documents relèvent de la directive 93/731 s'ils sont "détenus" par le Conseil, y compris ses organes préparatoires (commissions et groupes de travail). Tous les documents préparatoires ne sont toutefois pas de cette nature.
D'une part, il y a des documents qui, tout en étant préparatoires, représentent cependant un certain degré de "finalité, au sens qu'ils peuvent être considérés comme le produit d'un processus de consultation préliminaire et/ou comme représentant une vue précise de l'état des délibérations du Conseil sur un certain dossier à un certain point dans le temps (comme par exemple, la version finale des "résultats des discussions" reflétant la position des délégations sur un dossier donné). Ces documents revêtent généralement la forme de documents officiels qui, à l'exception d'un très petit nombre de documents classés confidentiels, secret ou top secret et relatifs à des questions de sécurité et de défense ou à la gestion militaire ou non militaire des différends, figurent dans le registre public des documents du Conseil, accompagnés au moins de leur numéro de document.
D'autre part, il y a des documents représentant les premières réflexions d'un individu ou d'un très petit groupe d'individus ayant apporté leur contribution aux délibérations du Conseil, qui, dans certains États membres, ne seraient sans doute pas considérés comme des documents "finaux" ou "officiels" susceptibles d'être mis à la disposition du public. Ce fut le cas, par exemple, lorsque le Secrétaire général a fait circuler un projet de note ou un rapport résumant les positions des délégations sur un certain dossier aux membres du groupe de travail ou de la commission concerné(e): à ce stade, un projet ne reflète que la perception personnelle d'un seul fonctionnaire, perception pouvant être incomplète ou fausse. Ce sont des documents de ce type qui sont généralement diffusés sous forme de documents officieux, documents sans numéro ou documents de séance, ou de façon informelle. Leur caractéristique commune réside dans leur nature purement transitoire et préliminaire: si leur contenu se voit confirmé ou si les idées qu'ils contiennent sont reprises par le groupe de travail ou la commission auxquels ils sont adressés, ce contenu finit par se retrouver dans un document figurant dans le registre public.
Le Conseil a reconnu qu'en vertu du principe de bonne administration, le registre devrait comporter les références de tous les documents relevant de cette première catégorie, à l'exception d'un très petit nombre de documents dont la nature spécifique exige un traitement particulier. Le Conseil n'a cependant pas jugé nécessaire ou approprié de maintenir un registre complet et centralisé de chacun des documents diffusés à ses membres ou à leurs représentants, quelque préliminaire ou transitoire qu'il soit. En fait, une telle approche constituerait une charge administrative trop lourde pour son Secrétariat général. Concernant la réclamation du plaignant selon laquelle ces documents devraient figurer dans les ordres du jour ou les "résultats des discussions" des réunions concernées, les règles du Conseil relatives à l'accès aux documents prévoient l'accès aux documents sous leur forme existante mais ne font pas obligation au Conseil de les inclure dans d'autres éléments d'information donnés.
Le problème crucial était évidemment de déterminer le moment précis où un projet de document ou un document informel doit être considéré comme un document susceptible d'être enregistré et archivé. Cette question faisait l'objet d'un débat dans le contexte de la proposition de règlement de la Commission basé sur l'article 255, paragraphe 2, du traité CE. À ce stade, le Conseil n'était donc pas en mesure de prendre position concernant les critères à appliquer à cet effet.
Les observations du plaignant
Le plaignant a maintenu sa plainte et apporté les précisions suivantes:
Contrairement à ce qu'a affirmé le Conseil, les "réflexions" d'un "individu" peuvent avoir une importance plus ou moins grande, s'il s'agit par exemple du Secrétaire général du Conseil. De même, un document présenté par un "très petit groupe d'individus" peut être un document reflétant l'opinion d'un ou plusieurs gouvernements ou un projet de mesure quasi-définitif. Affirmer qu'il n'y a pas lieu d'enregistrer, d'archiver, de noter ou de rendre accessible aux citoyens les documents lorsqu'ils sont produits par un "individu" ou un "très petit groupe de personnes" est une idée extrêmement dangereuse en démocratie.
L'idée n'était pas de savoir si des documents d'une nature "purement transitoire ou préliminaire" étaient reflétés dans le document final mais plutôt si les citoyens avaient le droit de connaître les arguments avancés et lesquels étaient acceptés et lesquels rejetés. Les citoyens ont le droit de connaître les influences exercées lors de la détermination de la politique publique.
La décision 93/731 ne fait pas la distinction entre les "documents officiels" et les documents "d'une nature purement transitoire et préliminaire". Elle entend par le terme "document" tout document détenu par le Conseil. La réponse du Conseil témoigne du non-respect, par ce dernier, de cette définition.
Suggérer, comme l'a fait le Conseil, que la tenue d'un registre complet et centralisé de tous les documents diffusés aux membres et représentants du Conseil constituerait une tâche administrative trop lourde n'est pas en accord avec les principes de bonne gestion administrative, sans parler des règles démocratiques de base.
Le plaignant a joint une copie des "résultats des discussions" de la réunion des 3 et 4 septembre 1998 qu'il a obtenue entre-temps et a souligné que ce document établissait une liste de documents qui, en dehors des documents qui avaient été mentionnés par le Conseil dans sa décision sur la demande d'accès du plaignant, avaient été présentés lors de cette réunion. Au vu de ce document, le plaignant a estimé que l'examen par le Conseil de ces "résultats" avait été, pour le moins qu'on puisse dire, partiel.
Le plaignant a par conséquent invité le Médiateur à adresser une recommandation au Conseil.
Le projet de recommandation du Médiateur
Le 1er mars 2001, le Médiateur, en application de l'article 3, paragraphe 6, de son statut, a adressé le projet de recommandation suivant au Conseil:
"1) Il incombe au Conseil de l'Union européenne de réexaminer la demande du plaignant et de lui donner accès aux documents demandés, sous réserve de l'application de l'une ou plusieurs exceptions énumérées à l'article 4 de la décision 93/731."
2) Il incombe au Conseil d'établir une liste ou un registre de tous les documents présentés au Conseil et de rendre cette liste ou ce registre accessible aux citoyens".
Les fondements de ces projet de recommandations sont énoncés ci-après:
1 Non-présentation des documents
1.1 Le plaignant a affirmé que le Conseil n'avait pas fourni les documents qu'il lui avait demandés, à savoir (1) tous les documents de séance, les documents officieux, les documents de réunion, les documents SN (sans numéro), etc. qui avaient été présentés lors de réunions spécifiques au cours du mois de janvier, documents demandés le 27 janvier 1999 et (2) tous les documents (restreints, limités, documents officieux, documents de réunion, documents de séance, documents SN et tout autre document) qui avaient été présentés lors d'une réunion du groupe de travail sur la coopération policière (réunion d'experts - interception des télécommunications) des 3 et 4 septembre 1998.
1.2 Le Conseil n'a fait aucun commentaire particulier concernant cet aspect de la plainte. Des commentaires qu'il a fait concernant le second grief du plaignant, il semble toutefois ressortir que le Conseil semble avoir jugé que les documents concernés ne relevaient pas du champ d'application de la directive 93/731/CE du Conseil du 20 décembre 1993 sur l'accès du public aux documents[3] et qu'il n'avait donc pas à accorder l'accès à ces documents. Le Conseil a suggéré qu'une distinction doive être faite entre, d'une part, les documents qui, bien que préparatoires, représentent toutefois un certain degré de "finalité", et d'autre part, les documents d'une nature purement transitoire ou préliminaire. Il est apparu que le Conseil estimait que les règles d'accès aux documents ne s'appliquaient qu'à la première de ces deux catégories
1.3 L'article premier de la décision 93/731 dispose ""Le public a accès aux documents du Conseil dans les conditions prévues par la présente décision". Le terme "document du Conseil" est défini à l'article premier, paragraphe 2, comme étant "tout écrit contenant des données existantes détenu par le Conseil, quel que soit le support sur lequel il est enregistré, sous réserve de l'article 2, paragraphe2".
1.4 La décision 93/731 doit être lue dans le contexte du Code de conduite relatif à l'accès du public aux documents du Conseil et de la Commission[4], adopté par le Conseil et la Commission le 6 décembre 1993, auquel renvoient les considérants de la décision 93/731. Ce code de conduite dispose, entre autres: "le public aura le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission et le Conseil". Sur cette base, le Tribunal de première instance est parvenu à la conclusion suivante: "La décision 93/731 a pour but de traduire le principe d'un accès aussi large que possible des citoyens à l'information, en vue de renforcer le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public dans l'administration".[5]
1.5 Compte tenu de ces dispositions, le Médiateur a estimé que rien ne justifiait la distinction opérée par le Conseil. La décision 93/731 porte sur l'accès à tout document détenu par le Conseil, quelle que soit sa nature. Ceci est conforme au principe de transparence inscrit dans le droit communautaire. Le Médiateur rejoint le plaignant lorsqu'il estime que les citoyens devraient avoir le droit de savoir quels ont été les documents présentés au Conseil afin de déterminer les influences exercées dans la détermination de la politique publique. Il semble utile d'ajouter que cela ne signifie pas que le Conseil soit tenu de donner accès à tous ces documents dans la mesure où la directive 93/731 prévoit un certain nombre d'exceptions dans lesquelles l'accès peut être légitimement refusé.
1.6 Le Médiateur est conscient du fait qu'en vertu de l'article 255, paragraphe 2, du traité CE, un règlement relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission doit être adopté dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam. Or, un tel règlement n'avait pas encore été adopté. Comme l'a expliqué le Médiateur dans son projet de recommandation relatif à la plainte 916/2000/GG, il estime, lorsqu'il enquête sur un éventuel cas de mauvaise administration, que sa tâche première et fondamentale est d'établir si l'administration "a agi de façon illégale". Le Médiateur a estimé que cet examen devait, par nécessité, s'appuyer sur le droit dans son état actuel.
1.7 Compte tenu de ces considérations, le Médiateur a estimé que l'approche adoptée par le Conseil dans le cas présent constituait un cas de mauvaise administration.
2 Non-présentation ou non-existence d'une liste de tous les documents concernés
2.1 Le plaignant a affirmé qu'en ne fournissant pas une liste de tous les documents concernés ou en n'établissant pas systématiquement un registre ou une liste de ces documents, le Conseil n'avait pas respecté les principes de bonne administration.
2.2 Le Conseil a estimé qu'il n'était pas nécessaire ou approprié de conserver une liste complète et centralisée de tous les documents mis à la disposition de ses membres ou de leurs représentants, quelque préliminaire ou transitoire soit-elle. Selon le Conseil, cela constituerait une charge administrative trop lourde pour son Secrétariat général. Le Conseil a également souligné que son règlement concernant l'accès aux documents prévoyait l'accès aux documents sous leur forme existante mais ne faisait pas obligation au Conseil de les inclure dans des éléments d'information spécifiques.
2.3 Le Médiateur a estimé que le grief du plaignant présentait deux aspects qu'il convenait de traiter de façon distincte: d'une part, la question de savoir si l'accès devait être donné à une liste de documents et, d'autre part, la question de savoir si le Conseil était tenu d'établir une telle liste.
2.4 La décision 93/731 régit l'accès aux documents "détenus" par le Conseil. Le Médiateur a compris les observations du Conseil dans le sens où ce dernier n'établissait pas une liste complète de tous les documents présentés lors des réunions du Conseil. Dans la mesure où le plaignant n'a pas été en mesure d'apporter la preuve du contraire, le Médiateur a estimé que l'allégation en vertu de laquelle le Conseil avait commis un acte de mauvaise administration en n'accordant pas l'accès à une telle liste devait être rejetée.
2.5 Le Médiateur est cependant d'un avis différent en ce qui concerne le fait que le Conseil n'a pas établi une telle liste. Le droit communautaire confère aux citoyens un droit d'accès aux documents détenus par le Conseil. Comme expliqué ci-dessus, ce droit porte sur tous les documents détenus par le Conseil, quelle que soit leur nature. Il est cependant évident que l'exercice de ce droit peut être sérieusement limité, voire contrecarré si un citoyen n'a aucun moyen de savoir quels sont les documents en possession du Conseil. La présente affaire illustre bien les difficultés susceptibles de survenir dans de tels cas. Dans sa première réponse à la demande formulée par le plaignant concernant tous les documents présentés lors de la réunion des 3 et 4 septembre 1998, le Conseil avait estimé que les documents concernés n'avaient pas été identifiés de façon suffisamment précise. Dans sa décision sur la demande confirmative du plaignant, le Conseil avait énuméré un certain nombre de documents et expliqué qu'ils avaient été identifiés à partir des "résultats des discussions". Or, il ressortait du texte de ces "résultats des discussions" qui avait été remis par la suite au plaignant que d'autres documents avaient été présentés lors de la réunion concernée.
2.6 Dans ces circonstances, le Médiateur a estimé que les principes de bonne administration imposaient que pour permettre aux citoyens de bien faire usage de leur droit d'accès aux documents, tous les documents présentés au Conseil devaient être repris dans un document ou un registre accessible aux citoyens. Le travail administratif supplémentaire qu'une telle démarche suppose pour le Conseil doit être accepté compte tenu de l'importance fondamentale que revêt le droit, pour les citoyens, d'avoir accès aux documents détenus par le Conseil afin de garantir la transparence et l'ouverture du processus décisionnel de ce dernier.
2.7 Sur la base de ces considérations, le Médiateur est amené à conclure que le fait que le Conseil n'a pas établi de liste ou de registre de tous les documents présentés au Conseil constitue également un acte de mauvaise administration. Dans la mesure où une solution à l'amiable ne semblait pas possible, le Médiateur a adressé un projet de recommandation au Conseil, conformément à l'article 3, paragraphe 6, de son statut.
L'avis circonstancié du Conseil
Après avoir reçu le projet de recommandation et conformément à l'article 3, paragraphe 6, du statut du Médiateur européen, le Conseil a adressé un avis circonstancié au Médiateur le 28 mai 2001.
Les commentaires du Conseil sont récapitulés ci-après:
"1. Concernant le deuxième projet de recommandation du Médiateur, le Conseil aimerait préciser, à titre de remarque préliminaire, qu'il souscrit entièrement à la conclusion du Médiateur selon laquelle la décision 93/731 porte sur l'accès à tout document détenu par le Conseil, quelle que soit sa nature. Il n'a jamais affirmé que les règles régissant l'accès aux documents ne s'appliquaient qu'aux documents représentant un certain degré de "finalité" et non aux textes de nature transitoire et préliminaire. Le point que le Conseil désirait soulever dans son commentaire sur la plainte était que cette distinction est pertinente lorsqu'il s'agit de savoir s'il est nécessaire à une bonne administration d'établir un registre complet de tous les textes écrits, quelque éphémères qu'ils fussent, diffusés lors d'une réunion du Conseil ou d'un de ses organes préparatoires.
2. Le Conseil reconnaît qu'il y a manifestement lieu d'établir un registre de tous les documents - quelle que soit leur forme ou leur dénomination, qu'ils soient officiels ou officieux - présentés au Conseil ou à l'un de ses organes préparatoires et constituant l'une des bases de leurs délibérations et discussions ou influençant le processus décisionnel de l'institution ou résumant "l'état d'avancement" d'un dossier donné.
3. (...)
4. (...)
5. Dans sa réponse à cette recommandation, le Conseil reconnaît que, contrairement à ce qui constitue sa pratique actuelle, les documents officieux qui répondent aux critères énoncés ci-dessus (au point 2) devraient figurer au registre public. Le Conseil accepte par conséquent le deuxième projet de recommandation du Médiateur.
6. Afin d'en assurer la mise en pratique, les services du Secrétariat général seront informés que tous les documents présentés au Conseil ou à ses organes préparatoires et constituant la base des délibérations du Conseil ou des discussions de ses organes préparatoires ou ayant une influence sur le processus décisionnel de l'institution ou résumant l'état d'avancement d'un dossier donné devront, dans la mesure du possible, être diffusés sous forme de documents officiels ou, si cela n'est pas possible en raison de circonstances exceptionnelles, être mis sous cette forme dans les meilleurs délais.
7. Cela ne signifie cependant pas que tous les documents ou textes, quelque éphémères qu'ils puissent être, qui sont diffusés lors d'une réunion du Conseil ou de l'un de ses organes préparatoires doivent être enregistrés dans un registre public. En pratique, mis à part les documents qui constituent l'une des bases de discussion lors d'une réunion d'un groupe de travail, d'une commission ou d'un autre organe du Conseil, il arrive qu'au cours des réunions, d'autres textes - suggestions de la Présidence, d'un délégué d'un État membre, d'un représentant de la Commission ou d'un fonctionnaire du Secrétariat général, soient communiqués aux délégations. Ces documents ont souvent simplement pour objet de remplacer ou de compléter les interventions orales et leur durée de "vie utile" est généralement très limitée: soit ces suggestions sont immédiatement rejetées pendant la réunion au cours de laquelle elles sont produites - auquel cas elles ne sont pas conservées -, soit leur contenu est repris dans un document ultérieur qui résume les débats d'une réunion. Dans ce dernier cas, d'une part, on n'ajoute en rien à la cause de la transparence en faisant figurer dans un registre le document original, écrit à la machine ou manuscrit, sur lequel le texte est apparu pour la première fois dans la mesure où, soit son contenu est reflété par la suite dans un document qui figure au registre public, soit il n'a pas été utilisé au cours du processus. Par ailleurs, l'établissement et la tenue d'un registre complet de tous ces documents constituerait une charge administrative très lourde pour le Secrétariat général du Conseil et irait par-là clairement à l'encontre du principe de bonne administration [note de bas de page non mentionnée].
8. Concernant le premier projet de recommandation du Médiateur, le Conseil aimerait souligner qu'à la suite de la demande présentée par le plaignant, il avait dans un premier temps identifié, sur la base des résultats des délibérations, 85 documents dont 68 avaient été diffusés. Après nouvelle vérification, le Secrétaire général avait conclu qu'aucun document supplémentaire, comme le demandait le plaignant, ne pouvait être identifié. Le Conseil estime par conséquent que le premier projet de recommandation du Médiateur a déjà été pleinement mis en œuvre.
9. (...)".
Évaluation de l'avis circonstancié du Conseil par le Médiateur
Dans son premier projet de recommandation, le Médiateur avait invité le Conseil à réexaminer la demande du plaignant et à donner accès aux documents demandés, sous réserve de l'application d'une ou plusieurs des exceptions énumérées à l'article 4 de la décision 93/731. Le Conseil estime que cette recommandation a été pleinement mise en œuvre, dans la mesure où il avait déjà identifié 85 documents dont 68 avaient été communiqués au plaignant. Ces chiffres figuraient déjà dans l'avis du Conseil sur la présente plainte. Or le plaignant a fourni au Médiateur, avec ses observations sur cet avis, une copie des "résultats des discussions" pour la réunion du groupe de travail sur la coopération policière des 3 et 4 septembre 1998[6]. Ce document fait référence à cinq ou six documents qui ont été présentés à cette réunion. Ces documents ne sont pas mentionnés par le Conseil dans sa réponse à la demande d'accès aux documents présentée par le plaignant. Le Médiateur considère par conséquent que le Conseil n'a pas totalement mis en œuvre sa première recommandation.
Le Médiateur se félicite que le Conseil ait accepté le second projet de recommandation et envisage des mesures pour donner suite à cette décision. Les considérations contenues dans l'avis du Conseil, notamment à son point 7, soulèvent toutefois des doutes quant à la réelle mise en œuvre de ce projet de recommandation. Certes, le Conseil accepte que " tous les documents présentés au Conseil ou à ses organes préparatoires et constituant la base des délibérations du Conseil ou des discussions de ses organes préparatoires ou ayant une influence sur le processus décisionnel de l'institution ou résumant l'état d'avancement d'un dossier donné" soient repris dans une liste ou un registre. Toutefois il poursuit en excluant de ces documents certains documents "éphémères" dont la "vie utile" est considérée comme extrêmement limitée. Il n'existe nulle part de définition précise de ce type de document. Le Médiateur n'exclut pas que certaines "suggestions de forme" rédigées et diffusées à l'occasion d'une réunion puissent ne pas être enregistrées si leur seul but est de remplacer (ou de compléter) des interventions orales. Or, ces "suggestions de forme" ne sont mentionnées qu'à titre d'exemple par le Conseil, sans garantie que ces documents ne soient rien de plus qu'une alternative ou un complément à une intervention orale[7]. Le principal critère que semble avoir en tête le Conseil pour définir ces documents consisterait en une durée de "vie utile" très limitée. Il est cependant difficile de savoir comment appliquer ce critère en toute objectivité.
En outre, même si une proposition est reflétée par la suite dans un document figurant dans le registre public, les citoyens peuvent avoir intérêt à en connaître l'auteur. Il en va de même si une proposition n'est pas acceptée et ainsi non reprise dans un tel document.
Le Médiateur reconnaît que le fait d'enregistrer tous les documents présentés au Conseil sur une liste ou un registre accessible aux citoyens va engendrer un travail administratif supplémentaire. Il continue toutefois de croire que ceci devrait être accepté compte tenu de l'importance cruciale que revêt le droit pour les citoyens d'avoir accès aux documents détenus par le Conseil en vue de garantir l'ouverture et la transparence du processus décisionnel de ce dernier.
Il convient cependant de tenir compte du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission[8]. L'article 11, paragraphe 1, de ce règlement, adopté sur la base de l'article 255, paragraphe 2, du traité CE, dispose que chaque institution rend accessible un registre de documents. L'article 11, paragraphe 2, du règlement dispose que ce registre contient un numéro de référence pour "chaque" document. Comme souligné dans l'article 11, paragraphe 1, l'obligation de tenir un tel registre a pour objectif de "permettre aux citoyens de jouir de manière concrète des droits résultant du présent règlement". L'article premier du règlement précise cependant que le règlement vise garantir un accès aussi large que possible aux documents. Il convient également de noter que conformément à son article 2, paragraphe 3, ce règlement s'applique à "tous" les documents détenus par une institution. Le règlement ne semble pas établir de distinction entre les documents en fonction d'une limitation possible de leur "vie utile".
Le Médiateur en conclut que le règlement 1049/2001 a créé une obligation juridique relative à l'établissement et la mise à disposition d'un registre public reprenant tous les documents présentés au Conseil. Il estime en outre que ce règlement peut être interprété pour indiquer que l'accès doit être donné à tous les documents qui ont été soumis au Conseil afin d'être pris en compte ou examinés par ce dernier et qui devraient par conséquent être mis à la disposition des citoyens. Le Médiateur note que l'article 11, paragraphe 3, du règlement fait obligation au Conseil, à la Commission et au Parlement européen, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour instaurer un registre qui doit être en service au plus tard le 3 juin 2002.
Dans ces circonstances, le Médiateur estime qu'il n'est pas nécessaire et qu'il n'a pas à rappeler son deuxième projet de recommandation sous forme de recommandation au Conseil. Toutefois, le Médiateur souhaite que le Parlement européen s'exprime sur cette affaire, ce qui serait très utile pour garantir la bonne application du règlement.
La recommandation du Médiateur
Selon le Médiateur, l'avis circonstancié du Conseil, bien qu'acceptant ses deux projets de recommandations, n'apporte pas les assurances nécessaires que la première de ces recommandations ait été pleinement mise en œuvre. Le Médiateur réitère par conséquent le premier projet de recommandation sous forme de recommandation au Conseil:
Il incombe au Conseil de l'Union européenne de réexaminer la demande du plaignant et de donner accès aux documents demandés, sous réserve de l'application d'une ou plusieurs exceptions énumérées à l'article 4 d la décision 93/731.
Le Parlement européen pourrait envisager d'adopter cette recommandation sous la forme d'une résolution.
Strasbourg, 30.11.2001
Jacob SÖDERMAN
[1] Décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 9 mars 1994, concernant le statut et les conditions générales d'exercice des fonctions du médiateur, JO L 113 du 4.5.1994, p. 15
[2] JO L 340 du 31.12.1993, p. 43; modifiée par la décision 96/705/CE, CECA, Euratom du Conseil du 6 décembre 1996 (JO L 325 du 14.12.1996, p. 19)
[3] JO L 340 du 31.12.1993, p. 43; modifiée par la décision 96/705/CE, CECA, Euratom du Conseil du 6 décembre 1996 (JO L 325 du 14.12.1996, p. 19)
[4] JO L 340 du 31.12.1993, p. 41.
[5] Arrêt du 17 juin 1998 dans l'affaire T-174/95, Svenska Journalistförbundet/Conseil, Recueil 1998, II-2298, paragraphe 66.
[6] Ceci est mentionné au point 2.5 de la lettre adressée au Conseil par le Médiateur le 1er mars 2001 et contenant les projets de recommandation.
[7] Selon le Conseil, les documents qui, à son avis, ne doivent pas être nécessairement inclus dans le registre ont "souvent" pour fonction de remplacer ou de compléter une intervention orale. Il semble s'ensuivre que des documents qui n'ont pas cette fonction puissent également, selon lui, ne pas figurer sur la liste ou le registre.
[8] JO L 145 du 31.05.2001, p. 43
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