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Décision du Médiateur européen concernant la plainte 577/2001/OV contre la Commission européenne


Strasbourg, le 20 Novembre 2001

Messieurs,

Le 11 avril 2001, vous m'avez présenté, en ma qualité de Médiateur européen, une plainte au nom de l'EARL D. dirigée contre la décision de la Commission concernant la demande de remboursement de la contribution communautaire accordée à l'EARL D. dans le cadre du projet JOP 2 en Pologne (Référence : J2BNPDARHA).

J'ai transmis votre plainte au président de la Commission le 7 mai 2001. La Commission m'a envoyé son avis le 28 juin 2001. Je vous en ai donné communication en vous invitant à formuler vos observations, ce que vous avez fait le 18 septembre 2001. Je vous informe à présent des résultats de mon enquête.

LA PLAINTE

Selon les plaignants, les faits pertinents sont les suivants :

Dans le cadre du projet JOP 2, l'EARL D. (ci-après "le plaignant") a participé à un projet agricole en Pologne, qui a démarré en janvier 1997. Le plaignant a reçu une contribution financière de la part de la Communauté pour la mise en oeuvre de ce projet.

En juillet 1998, deux agents de la Commission ont contrôlé les documents comptables du plaignant.

Dans une lettre adressée au plaignant en date du 8 décembre 1999, la Commission fait remarquer que, au cours de l'inspection, le plaignant n'a pas présenté les documents demandés concernant la comptabilisation des factures et des paiements effectués au titre du projet JOP. De plus, la Commission avait détecté une confusion entre le compte professionnel du plaignant et les comptes privés. Enfin, il est apparu qu'un paiement effectué par le plaignant à l'un de ses consultants avait été restitué au plaignant.

Le 26 février 2000, la Commission a donc demandé le remboursement de la contribution financière octroyée au plaignant.

Le 2 mai 2000, le plaignant s'est entretenu à Luxembourg avec des agents de la Commission afin d'expliquer la situation et de présenter les documents comptables demandés par la Commission.

Le 26 février 2001, la Commission a confirmé sa demande de remboursement de la contribution financière assortie d'intérêts.

Le plaignant fait remarquer que, au moment de l'inspection, les documents comptables demandés par les agents de la Commission se trouvaient chez son comptable et que, bien que le plaignant leur ait proposé d'aller visualiser ces documents, ils ont refusé de le faire.

Pour ce qui est de la confusion entre les comptes privés et le compte professionnel du plaignant, ce dernier indique que le seul but était de ne pas mélanger la contribution financière attribuée pour le projet JOP avec les sommes utilisées pour les activités de ses entreprises.

En ce qui concerne la somme d'argent restituée par le consultant, le plaignant indique qu'il avait eu besoin d'une aide financière pour la mise en ouvre du projet et qu'il avait de ce fait emprunté une certaine somme à l'un de ses consultants.

Enfin, le plaignant souligne que l'étude de faisabilité ayant été acceptée par la Commission, il ne voyait pas pourquoi il devrait rembourser la contribution.

À la lumière de ce qui précède, le plaignant a déposé une plainte auprès du Médiateur le 11 avril 2001. Le plaignant a demandé l'annulation de la demande de remboursement de la contribution présentée par la Commission en date du 8 décembre 1999, puisqu'il ne se considérait responsable d'aucune faute: la co-entreprise créée en Pologne fonctionnait bien et le projet avait été mis en oeuvre. Le plaignant avait toujours travaillé en toute transparence avec son intermédiaire et, si faute il y avait eu au cours de la mise en oeuvre du projet, celle-ci était du ressort de la Commission.

L'ENQUÊTE

L'avis de la Commission

Dans ses observations, la Commission explique qu'un contrat-cadre a été conclu le 4 mars 1996 entre la Commission et une banque française agissant en qualité d'intermédiaire financier (ci-après "IF"). Le 17 janvier 1997, la Commission et l'IF ont signé le contrat spécifique et, le 29 janvier 1997, l'IF et le plaignant ont signé le contrat de financement, précisant les conditions d'octroi de la contribution au plaignant.

Le 25 novembre 1997, l'IF a transmis à la Commission les correspondances du plaignant concernant le changement de consultants externes. Les offres des nouveaux consultants dataient du 25 septembre 1997. La Commission note que dans sa plainte, le plaignant prétend avoir commencé à investir sur la co-entreprise en Pologne en juillet 1997. La Commission soulève toutefois la question de savoir pourquoi le plaignant a fait appel, en septembre 1997, à de nouveaux consultants pour réaliser une étude de faisabilité - qui est toujours un préalable à l'investissement - alors que l'investissement avait déjà eu lieu en juillet 1997.

La Commission poursuit en indiquant qu'elle a reçu l'étude de faisabilité et le décompte des frais engagés le 10 juillet 1998 et non pas en décembre 1997 comme le prétend le plaignant.

Le 14 août 1998, la Commission a demandé des preuves de paiement indiquant les sommes exactes versées aux nouveaux consultants externes. Une lettre du 16 octobre 1998 et un fax du 20 octobre 1998 adressés par l'IF ont permis à la Commission de découvrir qu'un compte bancaire de l'un des consultants avait été débité d'un montant de 921.166 BEF, et crédité de 910.912 BEF à quelques jours d'intervalles. Cette transaction indiquait un possible reversement au plaignant de la somme versée par celui-ci au consultant.

Le 23 novembre 1998, le consultant a envoyé une lettre à la Commission indiquant que la somme en question avait été versée au plaignant à titre de prêt sans intérêt et qu'elle devait lui être remboursée par le plaignant après réception de la contribution communautaire. La Commission a pris note du fait que cette déclaration est venue du consultant et non pas du plaignant.

Suite à un fax envoyé par la Commission le 28 mai 1999, deux agents de la Commission ont réalisé une inspection sur place le 1er juillet 1999. L'inspection a permis de constater, d'une part, qu'au cours des transactions réalisées dans le cadre du projet JOP, il y avait eu confusion entre les comptes privés et le compte professionnel du plaignant et, d'autre part, qu'il n'existait aucun contrat écrit de prêt sans intérêt entre le consultant et le plaignant. C'est seulement après l'inspection qu'un contrat a été signé.

Le 8 décembre 1999, la Commission a adressé au plaignant une lettre de demande de remboursement de la contribution. Cette décision de la Commission se fonde sur trois raisons : 1) il était impossible de vérifier la comptabilisation des factures et des paiements effectués au titre du projet JOP sur les comptes du plaignant, la documentation n'ayant pas été présentée aux agents de la Commission; le plaignant a prétendu que les documents se trouvaient chez son comptable qui était en congé au moment de l'inspection; 2) la plupart des paiements avaient été effectués à partir des comptes privés et non par le compte professionnel du plaignant; 3) le montant de la facture réglée par le plaignant à l'un de ses consultants a immédiatement été reversé au plaignant. Au moment de l'inspection, il n'existait pas de contrat pour ce prêt sans intérêt.

Le 2 mai 2000, la Commission s'est entretenue avec des représentants du plaignant mais ce dernier n'a pas fourni d'éléments nouveaux ni la documentation complète et persuasive à l'appui de ses allégations.

Le 2 février 2001, la Commission a confirmé sa demande de remboursement de la contribution.

Enfin, la Commission fait remarquer que l'étude de faisabilité réalisée par les consultants du plaignant manquait de sérieux et qu'elle n'était pas bien préparée: les informations statistiques données dans un des chapitres de l'étude n'étaient pas récentes, tout un chapitre ne correspondait qu'à une simple traduction de contrats signés par le plaignant par le passé, et les libellés utilisés dans l'un des tableaux inclus dans l'étude n'étaient qu'une reproduction des libellés utilisés dans une autre étude de faisabilité.

Les observations du plaignant

Le plaignant indique qu'il a commencé à investir sur la co-entreprise en juillet 1997, car c'était une obligation administrative pour pouvoir avancer dans le projet. Cet apport d'argent a été limité et l'investissement se rapportant à l'étude de faisabilité n'a commencé qu'en automne 2000. Le plaignant n'est pas responsable du retard d'information de la Commission, puisque l'IF avait les documents en mains à chaque fois et dans les temps.

L'étude de faisabilité a été remise à l'IF le 21 janvier 1998. Le plaignant n'est pas responsable de ce qui s'est passé entre cette date et le 10 juillet 1998, date à laquelle la Commission prétend avoir reçu l'étude.

Concernant les résultats de l'inspection, le plaignant fait les remarques suivantes:

En premier lieu, il a été proposé aux agents de la Commission d'aller visualiser les documents demandés, mais ceux-ci ont refusé.

En deuxième lieu, les paiements ont été effectués à partir de comptes privés tout au long du projet, étant donné que les activités extérieures à la firme ne peuvent être prises en compte dans la société.

En troisième lieu, le prêt que le plaignant a obtenu de l'un de ses consultants n'était qu'une somme d'argent donnée à titre d'avance afin de procéder aux investissements. Il n'y avait pas de contrat puisque le consultant avait accepté la demande du plaignant et que ce dernier avait reversé l'argent rapidement.

Lors de l'entretien du 2 mai 2001 au Luxembourg, toute la comptabilité afférente au projet a été mise à la disposition de la Commission.

Enfin, le plaignant indique qu'il pensait avoir toujours agi conformément aux réglementations en vigueur et qu'il faisait confiance à l'IF. Le projet est sérieux et bien réel et la co-entreprise créée en Pologne prend son essor. Le plaignant conclut en disant qu'il n'est plus en mesure de restituer la contribution compte tenu des investissements effectués sur la coentreprise.

LA DÉCISION

1 La demande de remboursement de la contribution octroyée

1.1 Le plaignant demande l'annulation de la demande de remboursement de la contribution présentée par la Commission en date du 8 décembre 1999, estimant qu'il n'est responsable d'aucune faute: la co-entreprise créée en Pologne fonctionnait bien et le projet avait bel et bien été mis en oeuvre. Le plaignant a toujours travaillé en toute transparence avec son intermédiaire et, si faute il y a eu au cours de la mise en oeuvre du projet, celle-ci est du ressort de la Commission.

1.2 Dans son avis, la Commission a noté que, au cours de l'inspection réalisée dans les locaux du plaignant, ce dernier n'a pas fourni les documents demandés. De plus, il y avait eu confusion entre les comptes privés et le compte professionnel du plaignant. Enfin, le montant de la facture réglée par le plaignant à l'un de ses consultants lui a immédiatement été reversé. Or, il n'existait aucun contrat pour justifier cette transaction.

1.3 Le Médiateur note que les conditions de remboursement de la contribution octroyée au titre du programme JOP sont énoncées à la fois dans le contrat-cadre et dans le contrat spécifique. Le point 8 du contrat spécifique conclu entre la Commission et l'intermédiaire financier stipule que : "Les financements communautaires peuvent avoir à être remboursés par le Bénéficiaire, y compris tous les frais engagés, le cas échéant, par la CE au titre de ses demandes de remboursement, conformément aux articles 10.5 et 18.3 du contrat-cadre". Les articles 10.5 et 18.3 du contrat-cadre déterminent les conditions sous lesquelles la Commission peut demander le remboursement de tout ou partie de sa contribution au bénéficiaire. Ces conditions ont lié le plaignant à la signature du contrat de financement.

1.4 Dans le cas présent, il s'avère que la demande de remboursement de la contribution par la Commission était bien fondée: la décision de la Commission se fonde sur trois raisons: 1) il était impossible de vérifier la comptabilisation des factures et des paiements effectués sur les comptes du plaignant, la documentation n'ayant pas été présentée à la Commission; 2) la plupart des paiements avaient été effectués à partir de comptes privés et non par le compte professionnel du plaignant; 3) il y avait un prêt sans contrat entre le plaignant et l'un de ses consultants.

1.5 L'explication donnée par la Commission au plaignant mais aussi au Médiateur pour justifier la demande de remboursement semble ainsi être raisonnable. Sa demande semble donc être conforme aux conditions établies dans le contrat-cadre et le contrat de financement. Aucun cas de mauvaise administration n'a donc été trouvé.

Conclusion

Son enquête l'amenant à conclure qu'il n'y a pas eu en l'occurrence mauvaise administration de la part de la Commission européenne, le Médiateur classe l'affaire.

Le président de la Commission sera informé de la présente décision.

Je vous prie d'agréer, Messieurs, l'expression de mes sentiments distingués.

 

Jacob SÖDERMAN