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Décision du Médiateur européen concernant la plainte 905/97/PD contre la Commission européenne


Strasbourg, le 7 mai 1999

Monsieur,
Le 20 octobre 1997, vous m'avez adressé, en ma qualité de Médiateur européen, une plainte concernant la Commission européenne. Vous affirmiez que la Commission ne s'était pas conformée à un arrêt du Tribunal de première instance annulant une décision de la Commission concernant le pourvoi du poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan.
J'ai transmis votre plainte au Président de la Commission européenne le 11 novembre 1997. La Commission m'a envoyé son avis le 29 janvier 1998 et je vous en ai donné communication en vous invitant à formuler toutes observations que vous jugeriez utiles. Vos observations sur l'avis de la Commission me sont parvenues le 26 février 1998.
Le 4 juin 1998, j'ai écrit à nouveau à la Commission en lui demandant de me soumettre le dossier de l'affaire. Le 13 juillet 1998, la Commission m'a envoyé son second avis avec la documentation en annexe et je vous en ai donné communication en vous invitant à présenter toutes observations que vous jugeriez utiles. Vos observations sur le second avis de la Commission me sont parvenues le 5 novembre 1998.
Je vous fais part à présent des résultats de mon enquête.

LA PLAINTE


Les circonstances de la plainte sont en substance les suivantes: au printemps 1994, vous avez fait acte de candidature au poste, publié par l'avis de vacance COM/026/94 du 17 mars 1994, de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan. Selon l'avis de vacance, les conditions spéciales à remplir pour le poste étaient les suivantes:
"..connaissance approfondie des traités et politiques communes des relations extérieures de la Communauté. Connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et les républiques d'Asie centrale en question. Connaissance du russe et/ou allemand, langues locales serait un avantage."

Le 8 août 1994, la Commission a décidé de nommer un autre candidat, M. K., au poste en question. Vous avez introduit un recours contre cette décision et par arrêt du 2 octobre 1996, le Tribunal de première instance a annulé la décision au motif que la Commission n'avait pas respecté les conditions de l'avis de vacance d'emploi et que son appréciation des faits était manifestement erronée. Dans son arrêt, le Tribunal a observé qu'à l'audience, la Commission avait admis qu'au moment de sa nomination M. K. ne disposait pas d'une
"une connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et les républiques d'Asie centrale."

Il convient également d'observer que le Tribunal a déclaré que la Commission - si aucun candidat ne répondait aux conditions définies dans l'avis de vacance - était libre de mettre fin à la procédure par cette constatation et de publier ensuite un nouvel avis de vacance d'emploi avec d'autres conditions, posées dans l'intérêt du service.
Après l'annulation, la Commission a décidé de nommer M. K. par intérim au poste en question jusqu'à ce qu'une décision définitive sur le pourvoi permanent du poste puisse être prise. Conformément aux procédures internes de recours de la Commission, le plaignant a déposé une réclamation contre cette décision. La Commission a rejeté cette réclamation par décision du 13 mai 1997.
Afin de pourvoir le poste de façon permanente, la Commission a publié un nouvel avis de vacance d'emploi, COM/083/97. Dans ce nouvel avis, la Commission avait supprimé la condition précitée. De plus, il n'était plus indiqué que la connaissance du russe et/ou de l'allemand et de langues locales serait un avantage. La Commission avait remplacé ces conditions par d'autres de nature plus générale. Le plaignant a présenté sa candidature à ce nouvel avis de vacance d'emploi tout en introduisant une réclamation interne contre l'avis de vacance, arguant que celui-ci devait contenir la condition précitée et la disposition concernant les langues. Par note du 1er juillet 1997, un organe dénommé Comité consultatif des nominations a informé le plaignant qu'il avait recommandé à l'Autorité investie du pouvoir de nomination de ne pas le retenir pour cet emploi. Par la suite, M. H. a été nommé au poste avec effet au 1er octobre 1997. Par décision du 22 septembre 1997, la Commission a rejeté la réclamation que le plaignant avait déposée contre l'avis de vacance d'emploi.
C'est dans ce contexte que la plainte a été déposée auprès du Médiateur européen. Le plaignant a argué que la Commission n'avait pas pris les mesures appropriées pour se conformer à l'arrêt du 2 octobre du Tribunal de première instance. Selon lui, c'est à tort que la Commission avait nommé M. K. par intérim au poste en question après l'annulation de sa nomination permanente et, en second lieu, la Commission n'était pas habilitée à modifier les conditions requises pour le poste dans le deuxième avis de vacance d'emploi.

L'ENQUÊTE


L'avis de la Commission
Dans son avis, la Commission a d'abord observé que les deux réclamations internes du plaignant avaient été traitées selon les procédures normales de la Commission, qui permettent au plaignant d'exposer ses arguments par écrit et au cours d'une réunion.
En ce qui concerne la nomination par intérim de M. K., la Commission a déclaré que cette mesure avait fait l'objet de longues discussions dans les services concernés, qui avaient abouti à la conclusion que, dans l'intérêt du service, M. K. devait continuer à occuper ce poste par intérim. Cette solution était jugée préférable à une vacance temporaire du poste ou à son pourvoi par un autre fonctionnaire déjà en service au Kazakhstan ou au siège de la Commission à Bruxelles. La Commission déclarait également que si elle avait agi autrement, il aurait été nécessaire de trouver un fonctionnaire qui remplisse toutes les conditions du premier avis de vacance d'emploi et qu'en tout état de cause le plaignant lui-même n'en remplissait pas toutes les conditions. Selon toute probabilité, personne n'aurait rempli les conditions fixées dans le premier avis de vacance d'emploi. La Commission a donc estimé qu'elle avait pris les mesures requises par la jurisprudence des tribunaux de la Communauté, en particulier l'arrêt Frederiksen (IV), afin de se conformer à l'arrêt du 2 octobre 1996.
En ce qui concerne la modification des conditions requises intervenue dans le deuxième avis de vacance d'emploi, la Commission a déclaré qu'il résultait clairement de la jurisprudence qu'elle avait le droit de modifier toute condition d'emploi dans l'intérêt du service. De plus, la Commission a souligné que la modification des conditions requises dans le second avis de vacance d'emploi était conforme à sa politique générale en matière de pourvoi des postes de chef de délégation.
Les observations du plaignant
Dans ses observations, le plaignant a maintenu sa plainte. Il a suggéré que le Médiateur devrait présider une réunion entre le plaignant et les fonctionnaires responsables de la Commission en vue d'arriver à une solution de la situation du plaignant.

L'ENQUÊTE COMPLÉMENTAIRE


Après un examen attentif de l'avis de la Commission et des observations du plaignant, le Médiateur a demandé à la Commission de lui soumettre tous les documents et notes relatifs aux longues discussions intervenues dans les services compétents, auxquelles la Commission s'était référée dans son avis. De plus, le Médiateur a demandé à la Commission de lui présenter tous les documents et notes relatifs à la seconde procédure de nomination.
Le second avis de la Commission
Dans son second avis, la Commission a déclaré qu'elle ne possédait aucun document écrit concernant les longues discussions susmentionnées dans les services compétents. A l'usage exclusif du Médiateur, elle a soumis tous les documents et notes relatifs à la première et à la seconde procédures de nomination. Ces documents étaient soumis uniquement au Médiateur, étant donné qu'ils contenaient des données sur d'autres candidats.
De plus, la Commission a déclaré qu'elle n'avait nullement cherché à exclure le plaignant, mais qu'elle avait agi dans l'intérêt du service.
Les nouvelles observations du plaignant
Le plaignant a maintenu sa plainte. Il a déclaré qu'un fonctionnaire qui gagne un recours devant les tribunaux communautaires est en réalité mal traité et interdit d'accès à l'avenir à tous les postes équivalents. Il a renouvelé sa suggestion au Médiateur de présider une réunion entre lui-même et les fonctionnaires responsables de la Commission en vue de trouver une solution amiable pour la plainte.

LA DÉCISION


1 La décision de la Commission de pourvoir le poste par intérim
1.1. Au cours de l'action en justice que le plaignant a exercée contre la nomination de M. K. au poste de chef de délégation, la Commission a admis que M. K. ne remplissait pas les conditions requises pour le poste. Après l'annulation de cette nomination par le Tribunal de première instance, la Commission a nommé M. K. à ce poste par intérim. Cet intérim a duré presque une année entière. Le plaignant a considéré que la Commission n'avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l'arrêt du Tribunal de première instance.
1.2. La question est donc de savoir si la Commission s'est conformée aux règles et principes ayant pour elle force obligatoire, y compris l'article 176 du traité CE, selon lequel l'institution dont émane l'acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du Tribunal qui a annulé l'acte.
1.3. L'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-106/92, Frederiksen contre le Parlement (IV) (1995) ECR II-99, est particulièrement important pour l'appréciation de cette question. En l'espèce, les faits étaient en bref les suivants: le Tribunal de première instance avait annulé une nomination, contestée par M. Frederiksen, au motif que la personne nommée ne remplissait pas les conditions fixées dans l'avis de vacance de poste (arrêt Frederiksen (I)). Le Parlement a fait appel de ce jugement devant la Cour de justice et a demandé en même temps le sursis à l'exécution de l'arrêt du Tribunal de première instance. Cette demande a été rejetée par la Cour de justice, ainsi que l'appel. Entre le rejet de la demande de sursis à l'exécution et celui de l'appel, le Parlement a nommé par intérim la personne dont la nomination avait été annulée. C'est cette décision qui était contestée dans l'affaire Frederiksen (IV). Le Tribunal de première instance a estimé qu'en prenant cette décision, le Parlement avait omis de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l'arrêt Frederiksen (I). Dans ses motifs, le Tribunal déclarait que la nomination par intérim d'une personne dont la nomination avait été annulée parce qu'elle ne remplissait pas les conditions requises pour le poste dans l'intérêt du service était faite à tort à moins que le Parlement ne pût démontrer qu'aucune autre solution conforme à l'intérêt du service ne s'offrait à lui. Le Tribunal déclarait ensuite que le dossier ne contenait pas les éléments nécessaires concernant la question de savoir si l'Autorité investie du pouvoir de nomination avait essayé de trouver un autre fonctionnaire dont la nomination par intérim répondît mieux à l'intérêt du service. Le Parlement n'ayant pas démontré qu'il n'avait pas d'autre possibilité conforme à l'intérêt du service que la nomination par intérim, le Tribunal de première instance a annulé cette décision.
1.4. En l'espèce, il faut présumer que la Commission a eu tort de nommer par intérim la personne dont la nomination avait été annulée, à moins qu'elle ne démontre qu'il n'existait pas d'autre solution dans l'intérêt du service. Pour justifier sa décision, la Commission a invoqué l'improbabilité de trouver un fonctionnaire répondant aux conditions requises par l'avis de vacance. De plus, elle a déclaré en termes généraux qu'il n'était pas dans l'intérêt du service de laisser le poste vacant ou de le pourvoir par une autre personne.
La référence faite à cette improbabilité et, en termes généraux, à l'intérêt du service, ne permet pas au Médiateur de vérifier que la Commission s'est efforcée activement d'explorer toutes les possibilités de se conformer à l'arrêt du Tribunal de première instance avant de nommer par intérim la personne dont la nomination avait été annulée.
Dans ce contexte, le Médiateur estime que la Commission ne s'est pas conformée aux règles et aux principes ayant pour elle force obligatoire et qu'il s'agit donc d'un cas de mauvaise administration. Le Médiateur adresse donc le commentaire critique suivant à la Commission: les principes de bonne administration requièrent que l'administration se conforme aux règles et aux principes ayant pour elle force obligatoire. Dans le contexte de l'annulation d'une nomination, l'administration ne peut pas procéder à la nomination par intérim d'une personne dont la nomination a été annulée, à moins qu'elle ne démontre qu'aucune autre solution conforme à l'intérêt du service ne s'offre à elle. En l'espèce, la Commission a procédé à la nomination par intérim, qui a duré presque une année entière, de la personne dont la nomination avait été annulée. La Commission a tenté de se justifier en invoquant l'improbabilité de trouver une personne remplissant les conditions requises pour le poste et en invoquant en termes généraux l'intérêt du service. Cet argument ne garantit pas qu'il n'existait pas d'autre solution. La Commission ne s'est donc pas conformée aux principes de bonne administration.
2 La modification des conditions requises dans le deuxième avis de vacance d'emploi
2.1. Le plaignant a fait valoir que la Commission n'avait pas le droit de modifier les qualifications requises pour le poste dans l'avis de vacance d'emploi qui a suivi l'annulation de la nomination de M. K. sur la base du premier avis de vacance.
2.2. Il est de jurisprudence constante que les institutions sont libres de modifier les conditions de l'emploi tant qu'elles le font conformément à l'intérêt du service. Aucun élément n'indique que la modification de ces conditions n'ait pas été fait dans l'intérêt du service. Au contraire, il est apparu qu'en modifiant les conditions requises, la Commission avait rendu la description du poste conforme à celle qu'elle utilise normalement pour le pourvoi de postes analogues.
De plus, la documentation soumise au Médiateur ne fait apparaître aucune irrégularité de l'action de la Commission dans les deux procédures de pourvoi permanent du poste en question.
Le Médiateur estime en conséquence que l'examen de cet aspect de la plainte n'a pas révélé de cas de mauvaise administration.
3 Conclusion
Sur la base de l'enquête qu'il a menée à la suite de la plainte à l'examen, le Médiateur a estimé devoir formuler le commentaire critique qui suit:
Les principes de bonne administration requièrent que l'administration se conforme aux règles et aux principes ayant pour elle force obligatoire. Dans le contexte de l'annulation d'une nomination, l'administration ne peut pas nommer par intérim la personne dont la nomination a été annulée, à moins qu'elle ne démontre qu'aucune autre solution conforme à l'intérêt du service ne s'offre à elle. En l'espèce, la Commission a procédé à la nomination par intérim, qui a duré presque une année entière, de la personne dont la nomination avait été annulée. La Commission s'est efforcée de se justifier en invoquant l'improbabilité de trouver une personne remplissant les conditions requises pour le poste et, en termes généraux, l'intérêt du service. Cet argument ne garantit pas que la Commission ne disposait d'aucune autre solution. La Commission ne s'est donc pas conformée aux principes de bonne administration.

Comme cet aspect de l'affaire a trait à des procédures relatives à des faits spécifiques appartenant au passé, il n'y a pas lieu de rechercher une solution amiable. Aussi, le Médiateur a-t-il décidé de classer l'affaire.
Le Président de la Commission européenne sera également informé de la présente décision.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.
Jacob SÖDERMAN