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Décision dans l'affaire 1756/2013/ZA sur la décision de la Commission européenne de rejeter le diplôme d'enseignement supérieur du plaignant comme étant irrecevable
Decision
Case 1756/2013/ZA - Opened on Wednesday | 16 October 2013 - Decision on Monday | 07 December 2015 - Institution concerned European Commission ( Critical remark )
L'affaire porte sur le refus de la Commission européenne d'accepter que le diplôme national présenté par le plaignant pour être recruté par la Commission atteste le caractère d'enseignement supérieur de sa formation.
La Médiatrice, au terme de son enquête, a contesté la position de la Commission. Elle a donc proposé à la Commission une solution, que cette dernière a rejetée. La Médiatrice a contacté la représentation permanente de l'État membre concerné et lui a demandé de l'aider à clarifier la nature du diplôme du plaignant. L'avis rendu par la représentation a étayé l'évaluation initiale de la Médiatrice. Malgré cela, la Commission n'a pas modifié son point de vue.
Par conséquent, la Médiatrice a décidé de clore cette enquête en formulant un commentaire critique.
Le contexte de la plainte
1. Le plaignant, dont le nom a été inscrit sur une liste de réserve des agents contractuels du groupe de fonctions III dans les délégations de l'Union, a postulé en 2012 pour un poste à la Commission et a été retenu. Cependant, la Commission a refusé de l'engager. Elle a affirmé que le diplôme qu'il avait présenté pour attester son enseignement supérieur ne remplissait pas les conditions requises et qu'il ne satisfaisait donc pas aux exigences de l'appel à manifestation d'intérêt en question (ci-après l'appel) et aux dispositions juridiques applicables aux agents contractuels. [1]
2. Le plaignant est titulaire d'un diplôme spécifique délivré par un institut de formation continue – enseignement de promotion sociale dans le cadre de la Fédération Wallonie-Bruxelles en Belgique[2], qui ne correspond pas, selon la Commission, à un diplôme d'enseignement supérieur. Si la Commission reconnaît que les diplômes nationaux doivent se voir accorder la valeur qui leur est donnée par le droit national applicable, elle a néanmoins effectué sa propre appréciation de la valeur du diplôme du plaignant au regard du droit national applicable et a conclu qu'il ne sanctionnait pas un niveau d'enseignement supérieur.
3. Le plaignant a contesté cette position et affirmé qu'en vertu du droit belge, son diplôme sanctionne un niveau d'enseignement supérieur. Sa position a été corroborée par un certificat délivré par les autorités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui confirme sans équivoque que le diplôme du plaignant sanctionne un niveau d'enseignement supérieur.
4. La Médiatrice a ouvert une enquête sur l'allégation du plaignant selon laquelle la Commission européenne a estimé à tort que son diplôme ne remplissait pas les conditions requises, ainsi que sur sa demande visant à ce que (i) la Commission révoque sa décision et déclare recevable la candidature du plaignant, et que soit (ii) elle lui offre un poste équivalent, soit (iii) elle l'indemnise pour le préjudice qu'il a subi en raison de la perte de revenus, de l'expérience professionnelle manquée et du dommage moral. [3]
Décision prétendument abusive de déclarer le diplôme irrecevable et demande correspondante
La proposition de solution de la Médiatrice
5. Le 29 novembre 2014, la Médiatrice a présenté une proposition de solution. Dans sa proposition de solution, la Médiatrice a tenu compte des arguments et avis présentés par les parties.
6. La Médiatrice renvoie à la jurisprudence pertinente des juridictions de l'Union selon laquelle l'exigence de la possession d'un diplôme doit s'entendre au sens que donne à cette expression la législation propre à l'État membre où le candidat a fait les études.[4] Elle soutient donc que l'attestation délivrée par les autorités compétentes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, selon laquelle "le diplôme du plaignant sanctionne un parcours d'enseignement supérieur", devrait suffire pour prouver que le diplôme du plaignant est de niveau supérieur.
7. Le régime applicable aux autres agents de l'Union européenne (RAA), ainsi que les dispositions générales d’exécution de la Commission concernant la procédure de sélection des agents contractuels et l'appel à manifestation d'intérêt exigeaient, pour le poste en question, au minimum "un niveau d'enseignement supérieur sanctionné par un diplôme". Aucune exigence ne portait sur le type d'études de niveau supérieur (qu'elles soient entreprises dans un établissement traditionnel ou un établissement de promotion sociale) ou sur la catégorie particulière de diplôme devant les sanctionner (équivalent ou spécifique).
8. Compte tenu de ce qui précède, la Médiatrice a proposé à la Commission qu'elle révoque "sa décision et déclare expressément que le plaignant remplit les conditions requises pour les postes nécessitant normalement un diplôme d'enseignement supérieur et que soit (i) elle lui offre un poste équivalent à celui dont il a été indûment privé, si un poste se libère, soit, si ce n'est pas possible (ii) elle l'indemnise convenablement pour le préjudice qu'il a subi en raison de la perte de revenus, de l'expérience professionnelle manquée et du dommage moral".
9. Dans sa réponse à la proposition de solution de la Médiatrice, la Commission a maintenu sa position initiale. Elle a affirmé que concernant les diplômes délivrés par les établissements d'enseignement de promotion sociale, comme dans le cas du plaignant, le droit belge distingue les diplômes équivalents à ceux des établissements traditionnels et les diplômes spécifiques, c'est-à-dire délivrés uniquement par les établissements d'enseignement de promotion sociale. Étant donné que le diplôme du plaignant n'était pas équivalent à un diplôme d'enseignement supérieur traditionnel, il ne remplissait pas, selon la Commission, les conditions énoncées dans le RAA et l'appel à manifestation d'intérêt, et le plaignant ne pouvait donc pas être recruté.
10. La Commission a également déclaré avoir appliqué cette approche dans d'autres cas similaires, et a indiqué que, malgré la contestation de cette interprétation par d'autres candidats à travers le mécanisme de plainte prévu à l'article 90, paragraphe 2, du statut du personnel, il n'existe pas à ce jour de jurisprudence de la Cour de justice qui contredise l'interprétation de la Commission.
11. La Médiatrice a observé que, si la Commission a reconnu que les diplômes nationaux doivent se voir accorder la valeur que le droit national applicable leur donne, elle a cependant effectué sa propre appréciation du diplôme du plaignant au regard du droit national applicable. Elle a dès lors contacté la Représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union et lui a demandé d'éclaircir la question. Elle lui a adressé les questions suivantes: - "du point de vue du droit belge, le diplôme du plaignant sanctionne-t-il un parcours d'enseignement supérieur? - dans l'affirmative, le fait qu'il s'agisse d'un diplôme spécifique [...] est-il de nature à remettre en question le niveau supérieur de ce diplôme?"[5]
12. La réponse de la Représentation a conforté l'analyse de la Médiatrice en ce qu'elle a confirmé le niveau supérieur du diplôme du plaignant.[6] Compte tenu de cette information, la Médiatrice a décidé de demander à la Commission de réexaminer sa position en avançant une nouvelle proposition de solution.[7]
13. En réponse à la nouvelle proposition de solution de la Médiatrice, la Commission a maintenu son point de vue. En premier lieu, elle a affirmé que les informations fournies par la Représentation permanente de la Belgique n'avaient pas apporté de nouveaux éléments à l'affaire. En deuxième lieu, la Commission a fait valoir que si conformément à la jurisprudence de l'Union, les autorités nationales déterminent la valeur des diplômes nationaux, cela n'implique pas que les autorités nationales peuvent également déterminer si un diplôme national donne accès à un concours de l'Union ou à un poste au sein de ses institutions. La Commission a soutenu, en troisième lieu, que le diplôme du plaignant n'étant pas équivalent à un diplôme délivré par des établissements d'enseignement supérieur traditionnels, elle n'était pas en mesure de comparer (nombre d'heures, matières, examens, etc.) le diplôme du plaignant avec les diplômes obtenus dans d'autres pays de l'Union et donc de garantir l'égalité de traitement des candidats. En quatrième lieu, la Commission a réaffirmé son argument selon lequel la pratique administrative bien établie que la Commission applique à tous les cas de ce type n'a jamais été contestée par la Cour de justice.
14. Enfin, la Commission a suggéré que si le plaignant satisfaisait aux exigences visées à l'article 82, paragraphe 2, point b) ii), du RAA[8], il pourrait participer à l'appel à manifestation d'intérêt en cours, après quoi son recrutement en tant qu'agent contractuel du groupe de fonctions III pourrait être envisagé.
15. Le plaignant a été informé de la réponse de la Commission et de sa suggestion, qu'il a refusée.
L'analyse de la Médiatrice après la proposition de solution
16. La Médiatrice déplore que la Commission ait refusé pour la deuxième fois sa proposition de solution en soutenant que même si le diplôme du plaignant est de niveau supérieur, il n'est pas équivalent à un diplôme délivré par un établissement d'enseignement supérieur "traditionnel" et n'est donc pas recevable. Comme l'a confirmé la Représentation permanente de la Belgique, s'il est vrai que le droit belge en vigueur maintient une distinction entre les diplômes équivalents et spécifiques en fonction de leur source (délivrés par un établissement traditionnel ou non), cela ne change rien au fait qu'ils sont de niveau supérieur selon les termes de l'appel à manifestation d'intérêt[9].
17. La Médiatrice fait une nouvelle fois observer que la seule exigence dudit appel était que les diplômes des candidats soient de niveau supérieur, ce que les autorités belges ont confirmé en l'espèce. En outre, l'appel ne contenait pas de disposition ou de description particulière quant au type de diplôme de niveau supérieur requis.
18. La Médiatrice reconnaît que le statut du personnel laisse aux institutions une importante marge d'appréciation en ce qui concerne leurs procédures de recrutement[10]. Il appartient à la seule Commission, et non à l'État membre délivrant un diplôme, de décider si celui-ci permet à un candidat de postuler pour un poste au sein des institutions de l'Union. Toutefois, si la Commission souhaitait restreindre son critère d'admissibilité aux diplômes de niveau supérieur délivrés exclusivement par les établissements d'enseignement traditionnels, elle aurait dû le mentionner dans l'appel à manifestation d'intérêt.
21. En outre, la Médiatrice relève une nouvelle fois que, conformément à la législation de l'Union en vigueur[11], la Commission est dans l'obligation de respecter la nature des diplômes telle que décidée par les autorités nationales qui les délivrent. Le fait de comparer les heures, les matières, les examens, etc. des études sanctionnées par un diplôme délivré par un type d'établissement national avec ceux des études dans d'autres types d'établissements reviendrait à remettre en cause la décision de l'État membre sur la nature du diplôme.
22. Compte tenu de l'analyse qui précède, la Médiatrice est d'avis que la Commission a commis un cas de mauvaise administration en considérant irrecevable le diplôme du plaignant alors qu'il satisfaisait aux exigences énoncées dans l'appel à manifestation d'intérêt. Étant donné que la Commission persiste dans son refus de donner suite à ses propositions de solution, la Médiatrice constate que rien n'indique qu'une recommandation formelle puisse être acceptée par la Commission. Par conséquent, elle décide de classer l'affaire en formulant le commentaire critique ci-après.
Conclusion
Sur la base de son enquête sur cette plainte, la Médiatrice clôture le dossier par la conclusion et le commentaire critique suivants:
La Commission a rejeté le diplôme du plaignant sur la base d'exigences supplémentaires qui ne figuraient pas dans l'appel ou la législation de l'Union applicable. Il s'agit en l'occurrence d'un cas de mauvaise administration.
Le plaignant et la Commission seront informés de la présente décision.
Emily O'Reilly
Strasbourg, le 07/12/2015
Version française finale de la décision relative à la plainte 1756/2013/ZA
(la version anglaise de la décision n'est pas signée)
[1] Conformément à l'appel (CAST/RELEX/2008) qui a reproduit l'article 82, paragraphe 2, point b) i), du régime applicable aux autres agents de l'Union européenne (RAA), le recrutement en tant qu'agent contractuel requiert au minimum dans le groupe de fonctions III "un niveau d'enseignement supérieur sanctionné par un diplôme, ou un niveau d'enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l'enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins". En l'espèce, seule la première exigence entre en ligne de compte.
[2] Le système d'enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles comprend des "établissements d'enseignement supérieur de plein exercice" et des "établissements d'enseignement de promotion sociale". Les premiers sont des établissements d'enseignement supérieur "traditionnels", tandis que les seconds visent à offrir un enseignement de niveau secondaire et supérieur tout au long de la vie aux personnes dont le parcours éducatif ne suit pas la trajectoire traditionnelle parce qu'ils souhaitent, par exemple, cumuler emploi et études. Les études entreprises au niveau supérieur au sein d'un établissement d'enseignement de promotion sociale peuvent être sanctionnées par des diplômes qui sont soit équivalents à ceux octroyés par les établissements d'enseignement supérieur traditionnels ("diplômes équivalents"), soit spécifiques à ces études ("diplômes spécifiques"). Les diplômes spécifiques sont délivrés lorsque les études qu'ils sanctionnent ne sont pas proposées par les établissements traditionnels ou sont différentes des études entreprises dans les établissements traditionnels.
[3] Pour en savoir plus sur le contexte de la plainte, l'argumentation des parties et l'enquête de la Médiatrice, prière de consulter le texte intégral de la proposition de solution de la Médiatrice à l'adresse suivante: http://www.ombudsman.europa.eu/cases/correspondence.faces/en/61517/html.bookmark
[4] Voir, par analogie, l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, C-108/88, ECLI:EU:C:1989:325, points 49, 50 et 51, et l'arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T-2/90, ECLI:EU:T:1991:11.
[5] L'article 3, paragraphe 3, du statut du Médiateur dispose que "[l]es autorités des États membres sont tenues de fournir au Médiateur, lorsqu'il en fait la demande, par l'intermédiaire des représentations permanentes des États membres auprès des Communautés européennes, toutes les informations qui peuvent contribuer à éclaircir des cas de mauvaise administration de la part des institutions ou organes communautaires, sauf si ces informations sont couvertes soit par des dispositions législatives ou réglementaires relatives au secret soit par des dispositions en empêchant la transmission. Néanmoins, dans ce dernier cas, l'État membre intéressé peut permettre au Médiateur de prendre connaissance de ces informations à condition qu'il s'engage à ne pas en divulguer le contenu."
[6] Dans sa réponse, la Représentation permanente de la Belgique a déclaré: "du point de vue du droit belge [...], le diplôme du plaignant sanctionne effectivement un parcours d'enseignement supérieur. [L]e fait qu'il s'agisse d'un diplôme spécifique à l'enseignement de promotion sociale n'est pas de nature à remettre en question le niveau supérieur de ce diplôme." (original français). Elle a également ajouté que la distinction entre les titres dits "équivalents" et les titres dits "spécifiques" "n'a aucune implication sur le niveau d'enseignement des titres ou grades".
[7] Pour en savoir plus sur la proposition de solution de la Médiatrice, veuillez consulter le texte intégral de la proposition de solution de la Médiatrice, disponible ici: http://www.ombudsman.europa.eu/cases/correspondence.faces/en/61518/html.bookmark
[8]L'article 82, paragraphe 2, point b) ii), du RAA dispose que le recrutement en tant qu'agent contractuel requiert au minimum "[...] ou un niveau d'enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l'enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins".
[9] Voir la note de bas de page nº 1.
[10] Arrêt de la Cour de justice du 3 avril 2003, Parliament/Samper, C-277/01 P, ECLI:EU:C:2003:196, point 42.
[11] Voir la note de bas de page n° 4.
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