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Décision De la Médiatrice européenne clôturant son enquête sur la plainte 2281/2011/OV contre la Commission européenne

Le contexte de la plainte

1. Les membres du personnel des institutions de l'Union européenne ont droit, s'ils ont des enfants, à des allocations familiales; il s'agit en l'occurrence: i) d'une allocation de foyer, ii) d'une allocation pour enfant à charge; et iii) d'une allocation scolaire. La présente plainte concerne un litige relatif au versement de ces allocations.

2. La plaignante a été mariée à un fonctionnaire de la Commission (M. X). La plaignante et M. X ont deux enfants. En 2009, la plaignante et son époux se sont séparés. Dans sa décision du 9 juillet 2009, le tribunal belge compétent a sommé M. X de verser à la plaignante les allocations suivantes: a) une pension alimentaire/allocation scolaire de 400 euros par enfant et par mois, et b) une pension alimentaire de 2 500 euros par mois. Par ailleurs, le tribunal a statué que la garde des enfants serait provisoirement partagée entre les parents.

3. En août 2009, la plaignante a adressé une copie du jugement à l'Office de gestion et liquidation des droits individuels (PMO) de la Commission en lui demandant de lui verser directement les allocations familiales que son mari percevait de la Commission. Par courriel du 3 août 2009, le PMO a informé M. X et la plaignante que, compte tenu du régime de garde partagée sur la base d'une parité du temps de garde (50/50) entre les parents, les allocations familiales devaient, elles aussi, être partagées pour moitié, conformément aux règles en vigueur. Son message précisait en outre qu'il incombait à M. X de verser la moitié des montants correspondants à la plaignante.

4. Par courriel du 3 décembre 2010, la plaignante a informé le PMO que M. X ne lui avait pas reversé la moitié des allocations familiales depuis janvier 2009. Le jour même, le PMO a contacté M. X pour lui rappeler le message du 3 août 2009 et lui demander de réagir aux allégations de la plaignante. Le 25 février 2011, la plaignante a envoyé un rappel au PMO.

5. Le 28 février 2011, le PMO a adressé un rappel à M. X. Ce dernier a répondu le jour même en donnant des informations au PMO sur le développement des procédures judiciaires liées au divorce. Selon lui, une procédure en appel était en cours qui portait entre autres sur la pension alimentaire à payer pour les enfants ainsi que sur l'éventuel partage ou reversement des allocations familiales. Il a ajouté que la plaignante tentait de bloquer cette procédure. Il a également fait part au PMO que l'expert mandaté par le tribunal avait conclu que la garde des enfants devrait lui être accordée à lui plutôt qu'à la plaignante. Il a en outre indiqué que, pour diverses raisons, il n'avait pas reversé la moitié des allocations familiales à la plaignante.

6. Par courriel du 29 mars 2011, le PMO a fait part à la plaignante qu'il prendrait prochainement une décision quant au versement direct des allocations à celle-ci. Toutefois, il a ajouté que cette décision ne serait exécutable que pour l'avenir et que la plaignante aurait besoin d'une décision judiciaire si elle souhaitait se voir restituer par M. X les allocations qui avaient d'ores et déjà été versées directement à ce dernier par la Commission. Par courriel du 6 avril 2011, le PMO a informé la plaignante que, à la suite de l'installation d'un nouvel outil informatique, il était dorénavant possible de procéder à un paiement partagé des allocations familiales et de commencer à verser directement à la plaignante la partie des allocations qui lui revient.

7. Par note du 11 avril 2011, le PMO a informé Monsieur X que la moitié des allocations familiales serait versée directement à la plaignante à partir du 1er mai 2011. Le 2 mai 2011, le PMO a également adressé une lettre à la plaignante pour lui signifier qu'à compter du 1er mai 2011, il lui verserait directement, pour le compte et au nom de son ex-conjoint, la moitié des allocations familiales, à savoir: i) l'allocation de foyer, ii) l'allocation pour enfant à charge et iii) l'allocation scolaire. Il a ajouté qu'il déduirait de ces montants les éventuelles allocations familiales perçues par ailleurs.

8. Le 7 juin 2011, la plaignante a écrit au PMO pour l'informer qu'en dépit de sa lettre du 2 mai 2011, elle n'avait toujours pas reçu le paiement des allocations. Le 8 juin 2011, le PMO lui a répondu qu'en raison d'un problème technique, aucun paiement n'avait été effectué pour le mois de mai 2011, mais que la plaignante recevrait le montant des allocations à partir de juin 2011, avec effet rétroactif à compter du mois de mai 2011.

Le sujet de l'enquête

9. Le 14 novembre 2011, la plaignante a déposé une plainte auprès du Médiateur européen en alléguant qu'entre janvier 2009[1] et avril 2011, la Commission avait fait preuve de négligence en omettant de lui verser directement la moitié des allocations familiales. Elle a réclamé que la Commission lui verse les sommes dues depuis janvier 2009.

10. Le Médiateur a informé la plaignante et la Commission que, en ce qui concerne son allégation et sa demande pour la période de janvier à juillet 2009, il n'était pas justifié de les inclure dans l'enquête, dans la mesure où il s'agissait d'une période antérieure à l'ordonnance du 9 juillet 2009 du Tribunal de Première Instance de Bruxelles, laquelle instaurait le régime de garde partagée entre les parents. Le Médiateur a donc demandé à la Commission de lui faire parvenir un avis sur l'allégation et la demande suivantes:

Allégation:

Entre juillet 2009 et avril 2011, la Commission a fait preuve de négligence en omettant de verser directement à la plaignante la moitié des allocations familiales (allocation foyer, allocation pour enfant à charge et allocation scolaire).

Demande:

Il est demandé à la Commission de reverser directement à la plaignante la moitié des allocations familiales qui lui revient pour la période concernée.

11. Le Médiateur a également demandé à la Commission son avis sur l'application éventuelle de l'article 85 du statut ("Répétition de l'indu") comme base juridique pour récupérer des sommes indûment versées à l'ex-conjoint de la plaignante (c'est-à-dire des montants versés en violation de l'article 1, paragraphe 5, de l'article 2, paragraphe 7, et de l'article 3, paragraphe 1, de l'annexe VII du statut, lesquels prévoient que, si un enfant est confié à la garde d'une autre personne, l'allocation est directement versée à cette personne).

L'enquête

12. La plainte a été transmise à la Commission pour avis. La Commission a transmis son avis au Médiateur le 7 mars 2012. L'avis a été communiqué à la plaignante, qui a présenté ses observations le 25 mars 2012. Les services du Médiateur ont également répondu à plusieurs courriels qui leur avaient été adressés par la plaignante. Par une lettre en date du 10 avril 2013, la plaignante a prié le Médiateur de statuer rapidement sur le dossier. La plaignante a également eu des entretiens téléphoniques avec les services du Médiateur les 14 mars et 26 avril 2013. Le 29 avril 2013, les services du Médiateur ont demandé à la Commission des informations sur le développement des procédures judiciaires liées au dossier. La Commission a transmis les informations requises le 3 mai 2013. Le Médiateur a soumis à la Commission un projet de recommandation le 11 juin 2013. La Commission a adressé le 13 septembre 2013 un avis circonstancié au Médiateur. Le Médiateur a transmis le 17 octobre 2013 cet avis circonstancié à la plaignante qui a envoyé ses observations le 17 octobre 2013.

L'examen et les conclusions de la Médiatrice

A. Allégation de manquement de la Commission à verser la moitié des allocations familiales directement à la plaignante et demande y afférente

Les arguments présentés au Médiateur

13. La plaignante a affirmé qu'en dépit de ses demandes répétées, la Commission avait fait preuve de négligence en omettant de lui verser directement la moitié des allocations familiales (allocation foyer, allocation pour enfant à charge et allocation scolaire). La plaignante a avancé que la décision de la Commission de lui verser la moitié des allocations familiales à compter de mai 2011 ne réparait pas le dommage subi depuis janvier 2009. La plaignante a fait valoir que, du fait des réponses du PMO, elle avait été contrainte de retourner devant les tribunaux pour obtenir le paiement des allocations versées à son ex-conjoint entre janvier 2009 et avril 2011.

14. Dans l'avis qu'elle a transmis au Médiateur, la Commission s'est tout d'abord référé aux dispositions applicables du statut, en l'occurrence:

– l'article 1, paragraphe 5, de l'annexe VII du statut ("Règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais") qui porte sur l'allocation de foyer, dispose ce qui suit: "Lorsque … tous ses enfants à charge … sont confiés, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice … à la garde d'une autre personne, l'allocation de foyer est versée à celle-ci pour le compte et au nom du fonctionnaire. ... Toutefois, au cas où les enfants du fonctionnaire sont confiés à la garde de plusieurs personnes, l'allocation de foyer est répartie entre celles-ci au prorata du nombre d'enfants dont elles ont la garde." Par ailleurs, l'article 2, paragraphe 7, et l'article 3, paragraphe 1, de l'annexe VII qui portent, respectivement, sur l'allocation pour enfant à charge et sur l'allocation scolaire établissent que, lorsque l'enfant à charge est confié, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou de l'autorité administrative compétente, à la garde d'une autre personne, l'allocation pour enfant à charge et l'allocation scolaire sont versées à celle-ci pour le compte et au nom du fonctionnaire.

15. La Commission a fait observer que l'article 2, paragraphe 7, et l'article 3, paragraphe 1, de l'annexe VII ne prévoyaient pas le partage des allocations pour enfant à charge et scolaires, vraisemblablement parce que la situation de garde partagée après divorce n'était pas encore d'actualité en 1983, lorsque les dispositions citées ci-dessus ont été insérées dans le statut. Toutefois, le suivi à donner aux situations de garde partagée est régie dans la décision de la Commission établissant les dispositions générales d'exécution relatives à l'application des articles 67 et 68 du statut des fonctionnaires et des articles 1er, 2 et 3 de son annexe VII (C/2004/1364/4) (ci-après: "DGE"). Les articles 3 et 4 des DGE disposent ce qui suit:

"Article 3 - Le versement des allocations familiales s'effectue d'office au nom et pour le compte du fonctionnaire à une autre personne qui a la garde de l'enfant, celle-ci pouvant par ailleurs faire également valoir, par une documentation appropriée, son droit au versement direct des allocations familiales.

En cas de garde alternée d'un même enfant entre deux personnes, les allocations familiales sont versées, en l'absence d'une décision de justice ou d’une décision de l’autorité administrative compétente ou, à défaut, d'un accord stable des intéressés fixant le prorata exact de la durée de la garde, par moitié à chacune de ces personnes. Le droit de visite n'est pas à considérer comme une garde."

Article 4 – "Le versement des allocations familiales à une autre personne s'effectue indépendamment de l'existence d'une obligation alimentaire à charge du fonctionnaire.

En cas de coexistence entre ledit versement et une obligation alimentaire, il appartient au fonctionnaire de prendre les mesures nécessaires afin qu'il soit tenu compte du versement direct des allocations familiales à cette autre personne.

Toutefois, l'Institution tient compte, lors des versements des allocations familiales à une personne autre que le fonctionnaire au cours d'une période déterminée, des montants qu'elle est tenue de verser ou qu'elle a versés à cette autre personne en application d'un titre exécutoire national relatif à une obligation de paiement de même nature."

16. Pour ce qui est de la date à partir de laquelle il est procédé au versement à une tierce personne, la Commission a fait observer que les articles 1er, 2 et 3 de l'annexe VII du statut prévoient comme condition pour pouvoir procéder au versement des allocations familiales à une autre personne que le fonctionnaire (ci-après: "tierce personne") l'existence d'une décision de justice ou d’une décision de l’autorité administrative compétente en vertu de laquelle les enfants ont été confiés à la garde de cette tierce personne. Sauf décision de justice contraire, le (re)versement des allocations familiales à la tierce personne ne saurait commencer qu'à partir de la date de cette décision. Par ailleurs, pour des raisons de sécurité juridique, la Commission procède au versement direct à une tierce personne à partir du moment où la décision de justice ou de l'autorité administrative a été communiquée à ses services.

17. En cas de garde partagée, chaque partie ne reçoit qu'une partie des allocations familiales. La Commission a indiqué que, alors que le reversement de l'entièreté des allocations familiales se faisait automatiquement, jusqu'à récemment, le partage des allocations familiales ne pouvait pas, quant à lui, être effectué de façon automatique; il demandait un suivi manuel de mois en mois. Avec le nombre de dossiers de divorce à gérer (environ 500 dossiers ouverts), la gestion manuelle des situations de garde partagée était physiquement impossible, a précisé la Commission. Ainsi, au moment où la plaignante a communiqué la décision judiciaire au PMO en août 2009, ce dossier a été géré à l'instar de tous les dossiers de garde partagée: tant le fonctionnaire que la tierce personne étaient informés qu'il incombait au fonctionnaire de reverser une partie des allocations familiales à la tierce personne. Avec l'introduction de la nouvelle application informatique pour la gestion des droits individuels Sysper2, le partage automatique des allocations familiales est néanmoins devenu possible. Après quelques problèmes de lancement du nouveau système, la généralisation de la gestion automatique des dossiers de garde partagée a commencé dans la deuxième partie de 2011.

18. La Commission a fait observer que M. X avait marqué son désaccord avec la décision de la Commission de verser directement à la plaignante la moitié des allocations familiales. Il a invoqué que la situation de garde partagée n'était pas couverte par l'annexe VII, que les règles des DGE n'étaient d'application qu'en l'absence d'une décision de justice et que les versements à son ex-épouse auxquels il était tenu se limitaient aux montants tels qu'indiqués dans la décision de justice. Il mentionnait également que la décision en appel était imminente et qu'elle porterait notamment sur la pension alimentaire et les allocations familiales. Il a en outre précisé que la plaignante essayait de créer des faits accomplis plutôt que de permettre aux instances judiciaires de rendre des décisions sur la base de documents et de conclusions soumis par les parties concernées.

19. La Commission soulignait par ailleurs que la gestion de situations qui sont le résultat d'un divorce ou d'une séparation est très délicate et que, souvent, les relations entre les ex-époux sont tendues. L'administration n'a pas à s'ingérer dans ces relations et devrait rester le plus neutre possible. Elle doit également veiller à ne pas abuser de ses pouvoirs en prenant des mesures qui appartiendraient plutôt aux prérogatives d'un tribunal. L'article 4 des DGE prévoit d'ailleurs explicitement que l'administration doit tenir compte, lors des versements des allocations familiales à une personne autre que le fonctionnaire au cours d'une période déterminée, des montants déjà versés, telle une pension alimentaire. En effet, il arrive souvent que le juge prévoie le versement d'une pension alimentaire élevée, sans tenir compte du montant des allocations familiales statutaires de l'Union, qui sont généralement nettement supérieures aux allocations familiales nationales. Ajouter les allocations familiales de l'Union à la pension alimentaire déjà versée par le fonctionnaire lui-même pourrait, dans certains cas, mener à des situations aberrantes. Dans de tels cas, il appartient au fonctionnaire de s'adresser au juge pour demander une adaptation de la décision judiciaire (voir article 4, deuxième alinéa, des DGE). Mais l'administration a tout de même l'obligation de tenir compte des paiements déjà effectués (par le fonctionnaire à son ex-épouse), au moins jusqu'au moment où le fonctionnaire aura obtenu une modification de la décision judiciaire.

20. En l'espèce, le PMO a décidé d'instaurer un paiement direct des allocations familiales à la plaignante pour le futur seulement, sur base des éléments suivants:

– l'administration n'a pas les moyens de vérifier si les dires de la plaignante sur le non-reversement d'allocations sont corrects. M. X a toutefois confirmé qu'il n'avait pas reversé la moitié des allocations familiales à la plaignante;

– M. X avait invoqué qu'il payait correctement la pension alimentaire, qui s'élevait à 400 euros par enfant pour les deux semaines par mois que les enfants passaient avec la plaignante. Très souvent, aucune pension alimentaire n'est à payer dans les situations de garde partagée, chaque parent prenant en charge les frais d'entretien pendant la période où les enfants sont avec lui. Dans ces circonstances, une pension de 400 euros par moitié de mois peut être considérée comme élevée et, donc, à prendre en compte conformément à l'article 4, troisième alinéa, des DGE;

– M. X avait annoncé une décision de justice en appel, portant entre autres sur la pension alimentaire et les allocations familiales, et qu'un revirement de la décision de garde était également possible. Dans ces circonstances, une décision rétroactive du PMO pouvait éventuellement mettre en cause la décision en appel.

21. Pour ce qui est de l'applicabilité de l'article 85 du statut, la Commission a fait valoir qu'il convient d'appliquer ce moyen avec prudence, dans les circonstances délimitées par le législateur. La récupération de sommes payées à un fonctionnaire n'est possible que lorsqu'il s'agit de paiements indus. Dans le cas présent, il est évident que M. X a droit aux allocations familiales pour ses enfants: il n'a donc pas reçu de paiement indu. Les paiements faits à M. X pourraient devenir des paiements indus si la Commission procédait au paiement de la partie rétroactive à la plaignante: il s'agirait alors d'un double paiement (au moins pour la moitié des allocations familiales). Pour les raisons exposées ci-dessus, le PMO n'a pas (encore) procédé au versement rétroactif de la moitié des allocations familiales à la plaignante. Le PMO a recontacté M. X pour savoir si la décision en appel avait déjà été prononcée. Comme ce dernier avait indiqué que la plaignante était à l'origine des retards dans la procédure en appel, la Commission a supposé que cette procédure n'était pas encore arrivée à son terme.

22. Pour ce qui est de la rétroactivité du paiement, la Commission a précisé que la décision de justice ne datait que de juillet 2009 et avait été communiquée au PMO en août 2009. Le versement d'allocations familiales à la plaignante ne peut être fait que sur base d'une décision judiciaire concernant le régime de garde des enfants. Ainsi, la décision ayant été portée à la connaissance du PMO en août 2009, une éventuelle rétroactivité dans le cas présent devrait être limitée à août 2009.

23. La Commission conclut que la décision initiale du PMO d'août 2009 d'imposer à M. X de reverser la moitié des allocations familiales à la plaignante était conforme à la pratique de l'époque. La décision ultérieure du PMO, en date du 2 mai 2011, qui prévoyait le versement direct à la plaignante de la moitié des allocations familiales avec effet au mois de mai 2011, était conforme à l'article 4 des DGE et prenait en compte le montant important de la pension alimentaire déjà versée, ainsi que le fait qu'une procédure judiciaire en appel était en cours. La Commission a estimé qu'elle pouvait envisager de verser, rétroactivement, à la plaignante la moitié des allocations familiales auxquelles elle avait droit pour la période antérieure à mai 2011 après avoir procédé à la récupération des montants correspondants auprès de M. X. Elle a néanmoins ajouté qu'elle considérait opportun de d'abord connaître le jugement du tribunal d'appel devant se prononcer définitivement sur les conséquences économiques du divorce, avant de prendre une décision dans ce sens.

24. Le 3 mai 2013, la Commission a informé les services du Médiateur que M. X lui avait indiqué que le pourvoi formé contre la décision du 9 juillet 2009 du tribunal belge avait été déclaré irrecevable. M. X a en outre précisé à la Commission qu'en février 2013, la plaignante avait engagé une nouvelle procédure devant le tribunal de la jeunesse de Bruxelles concernant, entre autres, le paiement des allocations familiales entre 2009 et 2011 (l'audition préparatoire était prévue pour le 5 juin 2013). La Commission a également mentionné qu'il incombait à la plaignante d'informer le Médiateur des procédures qu'elle engageait parallèlement à la plainte déposée devant celui-ci.

25. Dans ses observations, la plaignante faisait remarquer qu'elle ne pouvait pas comprendre pourquoi la Commission n'était pas en mesure de lui verser la moitié des allocations correspondant aux deux années qui ont suivi la communication de la décision judiciaire. La plaignante a fait par ailleurs valoir qu'elle ne jugeait pas acceptable l'argumentation exposée par la Commission sur la valeur pécuniaire des allocations familiales par rapport à la pension alimentaire qui lui était versée par M. X. La plaignante a souligné qu'il n'existait aucun appel en cours sur les allocations familiales et les pensions alimentaires des enfants. Elle a en outre précisé que les arguments avancés pour expliquer la non-application de l'article 85 du statut n'étaient pas fondés. En définitive, la plaignante maintenait sa demande de versement rétroactif de la moitié des allocations, de juillet 2009 à avril 2011.

26. Lors d'un entretien téléphonique avec les services du Médiateur, le 14 mars 2013, la plaignante a indiqué qu'aucune procédure d'appel n'était en cours pour le paiement des allocations.

L'analyse du Médiateur conduisant à un projet de recommandation

27. Le Médiateur a observé que l'article 1, paragraphe 5, l'article 2, paragraphe 7, et l'article 3, paragraphe 1, de l'annexe VII du statut prévoient que si un enfant a été confié, par décision de justice, à la garde d'une personne autre que le fonctionnaire, l'allocation de foyer, l'allocation pour enfant à charge et l'allocation scolaire sont directement versées à cette personne, au nom et pour le compte du fonctionnaire. L'article 3 des DGE dispose que le versement des allocations familiales s'effectue d'office, au nom et pour le compte du fonctionnaire, à la personne qui a la garde de l'enfant.

28. En vertu de son ordonnance du 9 juillet 2009, le Tribunal de Première Instance de Bruxelles a statué sur un régime de garde partagée sur la base d'une parité du temps de garde (50/50) entre la plaignante et M. X. Ainsi, conformément aux dispositions précitées, la Commission devrait avoir versé la moitié des allocations familiales directement à la plaignante à partir du moment où elle a été informée de la décision du tribunal, à savoir à compter du mois d'août 2009. La Commission a expliqué, dans son avis, que, pour des raisons techniques, il n'avait pas été possible d'effectuer automatiquement le versement direct de la moitié des allocations jusqu'en juin 2011. Grâce à l'introduction de l'application informatique Sysper 2, la Commission a ensuite commencé à verser directement à la plaignante la moitié des allocations. Le premier paiement direct a eu lieu en juin 2011. Ce versement correspondait aux allocations dues pour le mois de mai 2011.

29. De l'avis du Médiateur, contrairement aux dispositions du statut et des DGE, la Commission a omis de verser la moitié des allocations directement à la plaignante, pour la période comprise entre août 2009 et avril 2011. Dans son avis, la Commission n'a invoqué aucun argument juridique pour justifier pour quelle raison elle pouvait ne pas agir de la sorte. Elle a uniquement fait référence à des problèmes techniques qui l'empêchaient de transférer la moitié des allocations directement à la plaignante. À cet égard, la Commission a même indiqué que, même si l'application informatique Sysper 2 pour la gestion des dossiers individuels avait été instaurée à la fin de l'année 2010, la généralisation de la gestion automatique des dossiers de garde partagée n'avait débuté qu'au cours du deuxième semestre de 2011. Cet argument ne peut pas, à l'évidence, constituer un motif valable pour ne pas verser directement à une tierce personne les montants dus en vertu du statut. Le fait que la Commission ait commencé à verser directement à la plaignante la moitié de ces allocations à partir de juin 2011 confirme qu'il n'existait aucun obstacle juridique à ce paiement. En fait, la lettre que la Commission a adressée à la plaignante le 2 mai 2011 pour l'informer qu'elle lui verserait directement la moitié des allocations a simplement mis en place ce qui aurait dû l'être auparavant si le statut avait été appliqué correctement.

30. Le Médiateur a relevé que, dans son avis, la Commission avait explicitement indiqué qu'elle pouvait envisager de verser à la plaignante, avec effet rétroactif, la moitié des allocations familiales auxquelles elle avait droit pour la période antérieure à mai 2011 après avoir procédé à la récupération des sommes concernées auprès de M. X. La Commission a toutefois précisé qu'avant de procéder à ce versement, elle devait connaître le jugement du tribunal d'appel devant se prononcer définitivement sur les aspects financiers du divorce. À partir des informations transmises par la Commission en mai 2013, il apparaissait que l'appel a été rejeté comme irrecevable. Il n'existait donc plus d'obstacle juridique empêchant la Commission d'effectuer, avec effet rétroactif, des versements à la plaignante pour la période en question.

31. Pour ce qui est des montants à verser à la plaignante par la Commission, le Médiateur a également remarqué qu'en vertu de l'article 4, deuxième alinéa, des DGE, "en cas de coexistence entre ledit versement et une obligation alimentaire, il appartient au fonctionnaire de prendre les mesures nécessaires afin qu'il soit tenu compte du versement direct des allocations familiales à cette autre personne". Cette règle signifie que, si la Commission décide de verser directement à une ex-épouse, au nom d'un fonctionnaire, la moitié des allocations familiales, il incombe au fonctionnaire de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les pensions alimentaires et allocations familiales pour les enfants qui doivent, en vertu de la décision du tribunal belge, être versées par celui-ci à son ex-conjointe soient diminuées, de façon à tenir dûment compte des allocations familiales qui seront versées par la Commission, au nom du fonctionnaire, directement à l'ex-épouse de ce dernier. Si le fonctionnaire n'était pas autorisé à agir de la sorte, cela voudrait dire qu'il paierait deux fois pour couvrir les mêmes coûts liés à ses enfants, et l'ex-épouse serait par là même payée deux fois pour les mêmes frais.

32. Il a été, de toute évidence, possible pour M. X, dès lors qu'il avait été informé par la Commission des versements directs effectués par cette dernière à son ex-épouse en son nom, de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'à l'avenir, les pensions alimentaires et allocations familiales pour les enfants à verser par lui-même à son ex-conjointe soient diminuées, de façon à tenir dûment compte des allocations familiales versées par la Commission, au nom du fonctionnaire, directement à son ex-épouse. Il n'est, en revanche, pas possible pour lui de s'assurer qu'il n'existe pas de double paiement lié aux montants qu'il a déjà versés à son ex-épouse. Dans ces circonstances, il ne serait que juste et correct que les montants à verser rétroactivement à l'ex-épouse du fonctionnaire par la Commission soient diminués pour tenir dûment compte des versements de même nature déjà effectués directement à l'ex-épouse par le fonctionnaire (en l'occurrence, 800 euros par mois pour couvrir les frais liés à la garde des deux enfants). Le Médiateur a observé que la plaignante estimait à ce propos que M. X ne lui a pas versé l'ensemble des sommes qui lui étaient dues. Dans ce contexte, la Commission devrait, avant de procéder à un quelconque paiement rétroactif à la plaignante pour la période en question, demander à M. X de lui fournir la preuve des montants transférés à son ex-épouse en termes de pensions alimentaires et d'allocations scolaires pour leurs enfants entre les dates correspondantes de 2009 et de 2011.

33. Le Médiateur a également attiré l'attention de la Commission sur le fait que, si elle conclut que M. X doit lui restituer certaines sommes en vertu de l'article 85 du statut, elle doit veiller au respect de ses droits de défense.

34. Le Médiateur a en outre observé que, au cas où la procédure engagée devant le tribunal de la jeunesse de Bruxelles, devrait conduire à un quelconque changement dans le paiement des allocations entre les deux parties, il appartiendrait à M. X et à la plaignante de prendre contact avec la Commission afin de s'assurer que ces modifications sont dûment prises en compte.

35. À la lumière de ce qui précède, le Médiateur conclut que la Commission a commis un cas de mauvaise administration en n'envisageant pas d'effectuer des paiements rétroactifs à la plaignante. Le 11 juin 2013, le Médiateur a, dès lors, fait le projet de recommandation ci-dessous, en vertu de l’article 3, paragraphe 6, du statut du Médiateur européen.Compte tenu des conclusions du Médiateur, la Commission est invitée à verser à la plaignante la moitié des allocations familiales pour la période comprise entre août 2009 et avril 2011 et, ce faisant, à tenir dûment compte des montants déjà versés par M. X à son ex-épouse, au titre des pensions alimentaires et allocations scolaires au bénéfice de leurs enfants, pour la période considérée.

Les arguments présentés au Médiateur après son projet de recommandation

36. Dans son avis circonstancié, la Commission renvoie au paragraphe 30 du projet de recommandation où le Médiateur fait observer qu'il n'existait plus d'obstacle juridique empêchant la Commission d'effectuer, avec effet rétroactif, des versements à la plaignante pour la période en question. La Commission précise que ce constat se fonde sur les informations fournies par la plaignante selon lesquelles aucun appel n'était pendant devant les juridictions belges pour ce qui est du versement des allocations. La Commission a fait savoir au Médiateur que les informations que lui avait fournies la plaignante ne reflétaient pas la vérité factuelle.

37. La Commission fait observer que la plaignante a, le 15 février 2013, introduit une nouvelle demande auprès du tribunal de la jeunesse concernant le paiement de la pension alimentaire et le partage des allocations familiales versées par l'UE. Dès lors, la Commission reste, contrairement aux constatations du Médiateur, confrontée à un obstacle juridique qui l'empêche d'effectuer, avec effet rétroactif, des versements à la plaignante pour la période allant d'août 2009 à avril 2011.

38. La Commission renvoie également à la proposition du Médiateur préconisant que la Commission, avant de procéder à un quelconque paiement rétroactif à la plaignante pour la période en question, demande à M. X de lui "fournir la preuve des montants transférés à son ex-épouse en termes de pensions alimentaires et d'allocations scolaires pour leurs enfants entre les dates correspondantes de 2009 et de 2011." La Commission souligne qu'elle n'était pas en mesure de procéder à une telle évaluation, dès lors qu'il n'appartient pas à ses services de s'ingérer dans un dossier de divorce où, comme en l'espèce, les versements dus entre les ex-époux sont contestés et où une procédure est pendante devant une juridiction nationale. En outre, la Commission ne connaît pas tous les éléments de la situation financière personnelle des fonctionnaires (et encore moins des personnes qui ne sont pas employées par l'UE, à l'instar des ex-épouses) et elle ne peut raisonnablement demander des informations de cette nature à caractère personnel.

39. La Commission fait observer que, même si elle essayait de procéder à une telle évaluation, il demeurerait très difficile de déterminer les éléments qui devraient être pris en compte: ses services peuvent-ils, se demande-t-elle, limiter leur évaluation au versement de la pension alimentaire ou convient-il également de tenir compte des frais additionnels exposés par le fonctionnaire? Selon la Commission, ce sont des questions pour les juridictions compétentes auxquelles les parties sont tenues de transmettre l'information financière personnelle. La Commission est simplement tenue de se conformer aux décisions de justice une fois qu'elles lui ont été dûment notifiées.

40. Par ailleurs, la Commission n'est pas (et ne devrait pas être) à même d'informer le Médiateur de l'état réel des relations qu'entretiennent la plaignante et M. X. La Commission a connaissance de certains désaccords entre les parties concernant notamment l'existence supposée de frais supplémentaires du fait que les enfants ont emménagé chez leur père ou la prétendue absence de paiement, par la plaignante, de la moitié des frais de scolarité pour la fréquentation de l'établissement qu'elle avait choisi pour les enfants. La Commission indique qu'elle est loin d'appréhender complètement la situation, ce qui relève, de toute façon, de la compétence de la juridiction actuellement saisie.

41. Dans ces conditions, la Commission ne peut faire sienne la conclusion de mauvaise administration formulée par le Médiateur. Elle fait valoir que cette conclusion se fondait sur une information factuelle erronée et sur une mauvaise compréhension des rôles respectifs de la Commission et des juridictions nationales. La Commission a examiné toutes les possibilités pour répondre à la demande de la plaignante et ce n'est qu'après avoir dûment réfléchi de manière approfondie qu'elle a décidé qu'il était impossible de procéder à des versements rétroactifs. Cette décision se basait essentiellement sur le fait que, contrairement aux informations fournies au Médiateur, une procédure concernant notamment les allocations familiales versées par l'UE est en cours devant une juridiction nationale. La Commission dénonce le fait que la plaignante n'a manifestement pas fourni au Médiateur des informations correctes sur l'existence d'une procédure pendante. À la lumière des observations ci-dessus, la Commission conclut qu'elle ne pourra pas donner suite au projet de recommandation du Médiateur. La Commission se propose toutefois de réexaminer la demande de la plaignante une fois que la juridiction nationale compétente aura statué définitivement sur le versement de la pension alimentaire et le partage des allocations familiales versées par l'UE.

42. Dans ses observations, la plaignante fait valoir que la Commission, suite aux informations trompeuses fournies par M. X, avait laissé entendre que la procédure d'appel en cours l'empêchait d'exécuter l'ordonnance du 9 juillet 2009. Elle indique que, en fait, l'appel avait été déclaré irrecevable le 28 juin 2011. La plaignante fait observer que, tant dans ses observations que lors de son entretien téléphonique du 14 février 2013 avec les services du Médiateur, elle avait souligné qu'aucune procédure d'appel n'était en cours pour le paiement des allocations. Elle indique que c'est à tort que la Commission prétend qu'elle aurait fourni au Médiateur des informations erronées.

43. La plaignante fait valoir que le rejet du projet de recommandation se base sur une argumentation et une interprétation trompeuses des faits dans le but de la discréditer.

44. Concernant le renvoi de la Commission à la procédure ouverte par la plaignante en février 2013 devant le tribunal de la jeunesse de Bruxelles, la plaignante explique que la Commission essaie de présenter cette démarche comme un signe de mauvaise foi.

45. La plaignante fait également valoir que, contrairement aux affirmations de la Commission, la procédure ouverte devant le tribunal de la jeunesse n'est pas de nature à constituer un obstacle juridique au versement des allocations. Il n'est pas non plus difficile de calculer le montant exact des allocations à verser à la plaignante. La Commission a donc affirmé à tort qu'elle n'était pas en mesure de demander à M. X ou à la plaignante des informations concernant leur situation financière. La plaignante a rappelé que M. X avait déjà reconnu ne pas avoir viré les sommes en question.

46. La plaignante souligne également que l'affirmation de la Commission selon laquelle les enfants vivraient avec leur père et que la plaignante n'aurait pas réglé les frais de scolarité était erronée.

L’analyse de la Médiatrice après le projet de recommandation

47. Selon la Médiatrice, le refus du projet de recommandation par la Commission n'est pas motivé par la volonté de ne pas procéder, par principe, à des versements rétroactifs à la plaignante mais bien par le fait qu'une procédure est actuellement toujours en cours devant le tribunal de la jeunesse de Bruxelles. Cette procédure vise, selon les dires de la Commission, le versement de la pension alimentaire et le partage des allocations familiales versées par l'UE. La plaignante n'a pas contesté cette assertion factuelle de la Commission concernant la nature de la procédure judiciaire en cours.

48. Eu égard à la nature particulière de la procédure pendante, la Médiatrice partage l'avis de la Commission selon lequel il convient d'attendre l'issue définitive de la procédure judiciaire en cours. Dans ce contexte, la Médiatrice fait observer que la Commission a explicitement indiqué qu'elle réexaminera la demande de la plaignante concernant les versements rétroactifs, dès que l'arrêt définitif aura été prononcé. La Commission a également reconnu qu'elle est tenue de se conformer aux décisions de justice une fois qu'elles lui ont été dûment notifiées.

49. Dans ces conditions, la Médiatrice estime que la position de la Commission est raisonnable et qu'elle n'a pas commis de mauvaise administration.

B. Conclusions

Sur la base de son enquête sur cette plainte, la Médiatrice classe l’affaire en formulant la conclusion suivante:

Il n'y a pas eu de mauvaise administration de la part de la Commission.

La plaignante et la Commission seront informées de cette décision. La Médiatrice ne doute pas que la Commission informera M. X de la présente décision.

 

Emily O'Reilly

Fait à Strasbourg, le 16 décembre 2013


[1] Étant donné que le jugement du Tribunal de Première Instance de Bruxelles a été prononcé le 9 juillet 2009, il est malaisé de déterminer sur quelle base s'appuie la plaignante pour réclamer que les paiements lui soient versés directement (avec effet rétroactif) à compter de janvier 2009.