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Décision du Médiateur européen clôturant son enquête sur la plainte 224/2005/ELB contre la Commission européenne

LE CONTEXTE DE LA PLAINTE

1. La plaignante a participé à la procédure de sélection COM/R/A/01/1999 organisée par la Commission européenne en vue de la constitution d'une réserve de recrutement d'agents temporaires dans le domaine de la recherche.

2. Le comité de sélection ne l'a pas placée sur la liste de réserve. Elle a alors introduit un recours en annulation de la décision de ce comité devant le Tribunal de première instance (ci-après, «le Tribunal»).[1] Le Tribunal a annulé la décision du comité de sélection au motif qu'elle était entachée d'irrégularités et violait le principe d'égalité de traitement des candidats. D'autres candidats à cette procédure de sélection COM/R/A/01/1999 ont également introduit un recours devant le Tribunal,[2] qui a également annulé les décisions du comité de sélection, et ce pour les mêmes raisons.

3. Après l'annulation des décisions, la Commission a invité la plaignante, ainsi que les autres candidats qui avaient introduit un recours, à participer à une nouvelle série d'épreuves orales, à la suite desquelles le comité de sélection ne l'a à nouveau pas inscrite sur la liste de réserve.

4. Les autres candidats qui avaient participé à la nouvelle série d'épreuves orales ont introduit un recours auprès du Tribunal pour contester les nouvelles décisions relatives à leur exclusion de la procédure de sélection (affaires T-156/03 et T-400/03[3]). Le Tribunal a à nouveau annulé les décisions de la Commission au motif qu'elles étaient entachées d'irrégularités qui ont conduit à un traitement inéquitable des candidats.

5. La plaignante, elle, a déposé plainte auprès du Médiateur pour contester la seconde décision de la Commission de l'exclure de la procédure de sélection.

LE SUJET DE L'ENQUÊTE

6. La plaignante a allégué que:

(1) la Commission n'avait pas respecté le principe d'égalité de traitement des candidats;

(2) la Commission n'avait pas respecté l'article 233 du traité CE ni l'arrêt du Tribunal dans l'affaire T-92/01.[4]

7. La plaignante a demandé:

(1) l'annulation de la seconde décision du comité de sélection, l'inscription de son nom sur la liste de réserve et le prolongement de la durée de validité de la liste;

(2) une indemnisation pour les dépenses encourues pour la procédure devant le Tribunal et pour avoir dû repasser la procédure de sélection, ainsi que pour les pertes matérielles et non matérielles, évaluées à 150 000 EUR.

L'ENQUÊTE

8. La plainte a été déposée auprès du Médiateur le 17 janvier 2005. Le 31 janvier 2005, le Médiateur a ouvert une enquête et transmis la plainte à la Commission. Le 4 mai 2005, la Commission a envoyé son avis au Médiateur concernant la plainte, avis transmis à la plaignante pour observations. La plaignante a remis ses commentaires au Médiateur le 22 juillet 2005.

9. Le 18 janvier 2006, le Médiateur a demandé à la Commission d'autoriser ses services à inspecter le dossier, ce qui a été fait le 13 février 2006. Le 16 mars 2006, la plaignante en a été informée et a reçu une copie du rapport d'inspection.

10. Le 29 septembre 2006 et le 2 février 2007, le Médiateur a demandé des informations complémentaires à la Commission. Le 24 novembre 2006 et le 15 mars 2007, la Commission a envoyé ses réponses au Médiateur, qui les a transmises à la plaignante en l'invitant à formuler des observations, qu'elle a envoyées le 30 mai 2007.

11. Le 29 janvier 2008, le Médiateur a proposé une solution à l'amiable à la Commission. Le 30 avril 2008, celle-ci a envoyé au Médiateur sa réponse, dont une copie a été transmise à la plaignante le 20 mai 2008, l'invitant à formuler des observations, qu'elle a envoyées le 5 juin 2008.

12. Le 2 juillet 2008, le Médiateur a transmis un projet de recommandation à la Commission. Le 1er octobre 2008, la Commission a envoyé son avis détaillé concernant ce projet de recommandation. Le 8 octobre 2008, une copie de cet avis détaillé a été transmise à la plaignante, qui a été invitée à formuler des observations, ce qu'elle a fait le 21 novembre 2008.

13. Le 4 décembre 2008, le Médiateur a écrit au Commissaire Potočnik concernant cette plainte. Il a reçu une réponse le 19 janvier 2009, qu'il a transmise à la plaignante, qui a à son tour remis ses observations le 25 mars 2009. Le Commissaire Potočnik a donné davantage de précisions dans une lettre du 11 juin 2009, envoyée à la plaignante, qui a remis ses observations le 14 septembre 2009.

L'EXAMEN ET LES CONCLUSIONS DU MÉDIATEUR

A. Allégation de non-respect du principe d'égalité de traitement des candidats, du traité CE et d'un arrêt du Tribunal, ainsi que les demandes y afférentes

Arguments présentés au Médiateur

14. En résumé, la plaignante a affirmé que, pour la seconde série d'épreuves orales, la Commission n'avait pas respecté le principe d'égalité de traitement des candidats pour plusieurs raisons: la composition du comité de sélection; le contenu de l'épreuve orale; et l'évaluation comparative des mérites des candidats. Pour ce qui est du non-respect par la Commission de l'article 233 du traité CE et de l'arrêt du Tribunal dans l'affaire T-92/01, elle a affirmé que la Commission aurait dû annuler la procédure de sélection COM/R/A/01/1999 et, si ce n'était pas possible, qu'elle aurait dû être indemnisée pour ne pas avoir été inscrite sur la liste de réserve.

15. À deux reprises, le Médiateur a prié la Commission de l'informer si elle estimait que son avis initial sur la plainte concernant le respect de l'affaire T-92/01 et la question des évaluations comparatives des candidats se justifiait au regard des affaires T-156/03 et T-400/03.[5] Ces deux affaires traitent de la même procédure de sélection que celle couverte par la présente plainte. Dans ces affaires, les requérants ont été, comme la plaignante, exclus de la procédure de sélection après les épreuves orales initiales et après les épreuves orales supplémentaires (organisées à la suite de l'annulation de la décision du comité de sélection par le Tribunal). Contrairement à la plaignante, les requérants ont à nouveau introduit un recours devant le Tribunal contre la seconde décision du comité de sélection de ne pas inscrire leur nom sur la liste de réserve. Dans les deux cas, le Tribunal a annulé les décisions du comité de sélection.

16. La Commission a estimé que les affaires T-156/03 et T-400/03 avaient pour seuls effets d'annuler les décisions individuelles concernant les deux requérants. Comme la plaignante n'a pas introduit de recours contre la seconde décision du comité de sélection devant le Tribunal, elle ne pouvait se prévaloir de ces deux affaires. La Commission a également reconnu que si la plaignante avait contesté cette décision devant le Tribunal, comme les deux autres requérants, elle aurait vraisemblablement bénéficié d'un arrêt allant dans le même sens.

L'analyse préliminaire du Médiateur conduisant à une proposition de solution à l'amiable

17. Le Médiateur a noté que l'affaire de la plaignante était identique aux affaires T-156/03 et T-400/03. Les faits sont les mêmes et les arguments présentés devant lui sont similaires aux arguments présentés dans les affaires T-156/03 et T-400/03.

18. Le Médiateur a en outre observé que dans les affaires T-156/03 et T-400/03, le Tribunal avait conclu que l'organisation d'une nouvelle série d'épreuves orales pour les requérants n'était pas le moyen approprié de respecter l'annulation de la première décision du comité de sélection. Il a également estimé que dans la seconde procédure, la Commission n'avait pas corrigé les irrégularités constatées lors de la première procédure, mais que l'action choisie par la Commission les avait même aggravées. Le Tribunal a considéré que la Commission aurait pu soumettre les requérants à une procédure de sélection spécifique autonome ou convenir, en concertation avec les intéressés, d'une solution équitable aux problèmes résultant de leur exclusion illégale de la procédure de sélection initiale. Il a ajouté que lorsqu'il est particulièrement difficile d'exécuter un arrêt, l'institution peut prendre une décision indemnisant équitablement les candidats pour le désagrément subi en raison de l'illégalité de l'acte annulé.[6]

19. Le Médiateur a totalement reconnu que l'autorité de la chose jugée de la jurisprudence susmentionnée ne s'appliquait pas au cas de la plaignante.[7] Il a également compris que la décision du comité de sélection relative à la plaignante était définitive, ce qui impliquait que la «légalité» de la décision ne pouvait être remise en cause. Toutefois, il a insisté sur le fait que si la «légalité» de la décision ne pouvait plus être contestée devant le Tribunal, cela n'impliquait pas que l'administration n'avait pas, conformément aux principes de bonne administration, l'obligation de tirer toutes les conclusions raisonnables des arrêts des tribunaux européens lorsqu'une affaire similaire est portée devant le Médiateur. Ce raisonnement s'applique d'autant plus pour les affaires où les faits et les arguments présentés au Médiateur sont en tout point identiques aux faits et arguments présentés au Tribunal.

20. Le Médiateur a affirmé que sa mission était de traiter des cas de mauvaise administration, lorsqu'un organe public n'agit pas conformément à une règle ou un principe contraignant. Son examen ne se limite donc pas à un examen judiciaire - s'il traite du respect de normes juridiques, il va au-delà des questions de légalité.

21. Le Médiateur a également affirmé que les tribunaux communautaires avaient jugé que le traité donnait aux citoyens de l'Union un recours alternatif à l'action en justice devant le tribunal communautaire, en vue de protéger leurs droits.[8] Le Médiateur a considéré que dans ses réponses à ses demandes d'informations complémentaires, la Commission avait effectivement rejeté le rôle spécifique du Médiateur, dans la mesure où elle a refusé l'idée même de considérer que le raisonnement des arrêts susmentionnés pouvait être appliqué à un plaignant lors d'une affaire portée devant le Médiateur.

22. Le Médiateur a noté que la Commission avait admis que si la plaignante avait contesté la seconde décision du comité de sélection de ne pas l'inscrire sur la liste de réserve devant le Tribunal, cette décision aurait vraisemblablement été annulée.

23. Dès lors, le Médiateur a estimé que la Commission avait admis implicitement qu'elle n'avait pas, dans le cas de la plaignante, exécuté de manière appropriée l'arrêt rendu par le Tribunal dans l'affaire T-91/02, qui annulait la première décision du comité de sélection.

24. Le Médiateur a également fait référence à la jurisprudence concernant la «perte d'une chance»[9].

25. Sa conclusion provisoire était que la Commission n'avait pas pris dûment en compte l'arrêt rendu par le Tribunal dans l'affaire T-91/02 et qu'il s'agissait d'un cas de mauvaise administration. Il a suggéré que la Commission applique à la plaignante les conclusions rendues dans les affaires T-156/03 et T-400/03, et envisage une indemnisation pour le préjudice subi à la suite de la perte d'une chance de passer l'épreuve de manière appropriée.

Les arguments présentés au Médiateur à la suite de sa proposition de solution à l'amiable

26. La Commission a rejeté la proposition de solution à l'amiable du Médiateur. Elle a admis que la situation de la plaignante était similaire à celle des requérants dans les affaires T-156/03 et T-400/03 et que si la plaignante avait contesté la seconde décision du comité de sélection devant le Tribunal, elle aurait vraisemblablement bénéficié d'un arrêt allant dans le même sens. Elle a toutefois affirmé que la plaignante n'avait pas introduit de recours devant le Tribunal et que, pour cette raison, la décision la concernant devenait définitive. En traitant la plaignante de la même manière que les deux autres requérants, la Commission enfreindrait le principe de sécurité juridique.

27. La Commission a ajouté que dans huit autres procédures de recrutement, la plaignante avait contesté les décisions de la Commission devant le Tribunal et avait obtenu une indemnisation pour avoir perdu une chance d'être recrutée.[10]

L'évaluation du Médiateur conduisant à un projet de recommandation

28. Le Médiateur a estimé que la position de la Commission était erronée pour les raisons suivantes.

29. Le Médiateur a rappelé que les articles 21 et 195 du traité CE établissent le droit d'adresser une plainte au Médiateur. Ces articles ouvrent aux citoyens de l'Union une voie alternative à celle du recours devant le juge communautaire afin de protéger leurs intérêts à l'égard de l'administration communautaire.[11] Ces articles doivent être interprétés et appliqués d'une manière qui soit en accord avec leur objectif et préserve leur effet utile. À cet égard, le Médiateur a fait référence à une situation dans laquelle une plainte dont il est saisi concerne une décision d'un comité de sélection dans une procédure de recrutement et les tribunaux communautaires ont annulé des décisions similaires du même comité de sélection. Dans une telle situation et eu égard aux articles précités du traité, la Commission ne peut pas simplement se référer à l'effet limité, ratione personae, de la décision du tribunal, lorsque le Médiateur lui demande d'apprécier également l'affaire au regard des conclusions de la décision concernée du Tribunal, qui a constaté des erreurs de la part du comité de sélection.

30. Bien entendu, le Médiateur a compris les implications de l'autorité de la chose jugée d'une décision de justice. Cependant, il est également soucieux de l'exigence générale qui veut que la Commission se doit d'agir en toute légalité, que le candidat s'adresse au Médiateur ou aux tribunaux. Cette exigence, combinée au droit des citoyens de l'UE de se plaindre auprès du Médiateur prévu par le traité, implique que la Commission, lorsqu'elle est confrontée à une enquête du Médiateur, doit résoudre de manière appropriée les problèmes de légalité identifiés par le Médiateur, y compris ceux indiqués en référence à une décision de justice concernant d'autres candidats dans des circonstances suffisamment similaires ou complètement analogues à celles de la plaignante. Au vu de ce qui précède, le Médiateur a adressé le projet de recommandation suivant:

«La Commission doit reconsidérer sa position et prendre des mesures afin de fournir à la plaignante un recours effectif contre la décision illégale adoptée par le comité de sélection dans cette affaire.»

Les arguments présentés au Médiateur à la suite de son projet de recommandation

31. La Commission a affirmé qu'elle ne pouvait accepter le projet de recommandation du Médiateur, car en agissant de la sorte, elle adopterait une décision arbitraire.

32. Dans ses observations, la plaignante a fait part de sa déception quant à la réponse de la Commission. D'après elle, le rejet du projet de recommandation du Médiateur par la Commission fait fi du rôle du Médiateur.

33. La plaignante a également informé le Médiateur des développements en cours concernant la situation des requérants dans les affaires T-156/03 et T-400/03. D'après elle, la Commission leur a accordé une indemnisation de trois mois de salaire, montant qu'ils ont estimé insuffisant. La Commission leur a ensuite demandé d'évaluer le montant de leur préjudice. La plaignante a demandé au Médiateur de ne pas clore l'affaire avant que les requérants aient obtenu une réponse de la Commission.

34. La plaignante espérait que le Médiateur pourrait trouver une solution équitable dans son dossier.

Correspondance entre le Médiateur et le Commissaire Potočnik

35. Le Médiateur a demandé au Commissaire Potočnik d'intervenir personnellement pour garantir un examen complet de la position de la Commission dans ce dossier, afin d'éviter que la Commission se retrouve dans une situation où elle pourrait sembler enfreindre le droit fondamental accordé aux citoyens, prévu par le traité, de se plaindre auprès du Médiateur, et traiter la plaignante de manière inéquitable en refusant de lui accorder une indemnisation au motif que le Tribunal lui avait accordé des indemnités auparavant, dans une autre affaire totalement distincte.

36. Le 19 janvier 2009, le Commissaire Potočnik, après avoir examiné le cas, a informé le Médiateur qu'il estimait que la position de la Commission était justifiée en relation à cette affaire. Il a affirmé que l'incapacité de la Commission à accorder la même indemnisation financière à la plaignante qu'aux requérants dans les affaires T-156/03 et T-400/03 ne bafouait pas le droit fondamental, prévu par le traité, de se plaindre auprès du Médiateur ni l'autorité de celui-ci. Le Commissaire Potočnik a également précisé que la plaignante avait déjà obtenu une indemnisation financière dans le cadre de l'affaire T-10/02 concernant d'autres procédures de sélection où la plaignante avait échoué. Dans ce dossier, la plaignante avait été indemnisée car, suite à la décision de la Commission, elle avait perdu une chance sérieuse d'être recrutée. D'après la Commission, il est impossible de l'indemniser une deuxième fois pour une perte de chance sérieuse d'être recrutée.

37. D'après le Commissaire Potočnik, l'indemnisation accordée aux requérants dans les affaires T-156/03 et T-400/03 tiendrait compte des éléments utilisés pour déterminer l'indemnisation déjà octroyée à la plaignante dans l'affaire T-10/02. En conséquence, la plaignante a été traitée de la même manière que ces requérants.

38. Le Commissaire Potočnik a estimé que la situation juridique de la plaignante était différente de celle des requérants dans la mesure où elle n'avait pas contesté la seconde décision de la Commission de ne pas l'inscrire sur la liste de réserve. D'après lui, le fait que la plaignante ait porté plainte auprès du Médiateur ne lui permet pas de réclamer une indemnisation financière. Il a ajouté que la présente plainte avait été déposée plus d'un an après la date-limite pour saisir le Tribunal de première instance. Le Commissaire a souligné que le dépôt d'une plainte auprès du Médiateur n'avait pas un effet suspensif sur les délais dans les procédures judiciaires. Ce type de plainte ne peut rouvrir les délais pour l'octroi d'une indemnisation financière, qui ne peut être obtenue qu'en saisissant un tribunal.

39. Le Commissaire a également souligné que, conformément à la jurisprudence communautaire, un citoyen doit choisir entre saisir un tribunal ou porter plainte auprès du Médiateur. De plus, le Médiateur doit clore son enquête si des procédures judiciaires sont ouvertes pour les mêmes faits. Dans le cas présent, le Commissaire se demandait s'il ne pouvait conclure que l'objet de la présente plainte était le même que celui de l'affaire T-10/02. Les objectifs des procédures sont les mêmes, à savoir obtenir une indemnisation pour la perte d'une chance sérieuse de recrutement par la Commission.

40. Le Commissaire a conclu en disant que la Commission ne pouvait accepter le projet de recommandation du Médiateur, car cela signifierait que le Médiateur est un recours supplémentaire, permettant aux plaignants de contourner les règles statutaires pour obtenir une indemnisation financière, ce que seuls les tribunaux peuvent décider.

41. Dans ses observations, la plaignante est restée sur sa position, soulignant qu'elle avait perdu une chance supplémentaire d'être recrutée dans le cadre d'une autre procédure de sélection. Elle a fourni des informations sur le mode de calcul de l'indemnisation obtenue du Tribunal et affirmé que ce calcul ne tenait compte que d'une partie de son préjudice. Elle a estimé que la position de la Commission enfreignait les dispositions du traité concernant le rôle du Médiateur. De plus, la Commission ne respecte pas le principe du traitement équitable pour des affaires similaires. Enfin, elle a indiqué que sur la base du calcul du Tribunal dans l'affaire T-10/02, elle devrait obtenir une indemnisation à hauteur de 11 598 EUR, plus 10 000 EUR de préjudice moral, pour la présente procédure de sélection. Ce montant total de 21 598 EUR correspond à trois mois de salaire.

42. Dans sa lettre du 11 juin 2009, le Commissaire Potočnik a précisé que, s'agissant du droit d'indemnisation pour mauvaise administration, la Commission reconnaissait qu'une personne ayant subi un préjudice moral avait droit à une indemnisation financière. Il a reconnu que, par le passé, la Commission a déjà versé ce type d'indemnisation «à titre gracieux», sans décision de justice. Il a ajouté que la Commission continuera d'agir de la sorte si nécessaire. Pour ce qui est de la plaignante, la Commission a considéré qu'il était impossible de verser une indemnisation, car elle avait déjà reçu 92 785 EUR à titre de compensation pour pertes de revenus potentiels à la suite de son recours devant le Tribunal de première instance dans l'affaire T-10/02. Même si cela concernait une autre procédure de sélection que celle faisant l'objet de l'enquête du Médiateur, le préjudice subi par la plaignante était identique, à savoir la perte d'une chance sérieuse d'être recrutée par la Commission. C'est pourquoi la Commission ne peut verser deux fois une indemnisation pour le même préjudice.

43. Dans ses observations, la plaignante est à nouveau restée sur sa position. Elle a rappelé qu'elle avait perdu une chance supplémentaire d'être recrutée après cette procédure de recrutement. Comme la Commission refuse de l'indemniser, elle devrait proposer une autre solution à la non-exécution de l'arrêt du Tribunal. En outre, elle a affirmé que la Commission n'avait pas respecté le principe de traitement équitable puisqu'elle avait indemnisé les requérants dans les affaires T-156/03 et T-400/03, mais avait refusé de l'indemniser elle.

44. Enfin, elle a réitéré son argument selon lequel la Commission a enfreint les dispositions du traité CE concernant le Médiateur européen. Elle a estimé qu'en lui accordant une indemnisation de trois mois de salaire, la Commission respecterait la recommandation du Médiateur, la décision du Tribunal, les conclusions des affaires jointes T-331/00 et T-115/01,[12] et le principe d'égalité de traitement. Elle a ajouté qu'elle pourrait envoyer son dossier à la Cour des comptes. Elle a également remercié le Médiateur pour son travail.

L'évaluation du Médiateur après son projet de recommandation et sa correspondance avec le Commissaire Potočnik

45. Les articles 21 et 195 du traité CE prévoient le droit de se plaindre auprès du Médiateur européen. Ce droit offre aux citoyens de l'Union qui rencontrent un problème avec l'administration publique européenne une autre voie de recours que l'action devant les tribunaux communautaires.

46. Si la Commission elle-même ne peut annuler des décisions d'un comité de sélection[13], elle peut décider de traiter de manière appropriée les problèmes de légalité dans les travaux d'un comité de sélection identifiés par le Tribunal ou le Médiateur. Elle peut notamment inviter le comité de sélection à prendre une nouvelle décision pour corriger ses erreurs. Si ce n'est pas possible, la Commission peut décider d'indemniser les parties concernées pour les préjudices subis en raison des erreurs du comité de sélection.

47. La présente plainte concerne une décision d'un comité de sélection dans une procédure de sélection. Dans les affaires T-156/03 et T-400/03, le Tribunal a annulé des décisions totalement analogues prises par le même comité de sélection au cours de la même procédure de recrutement. La plaignante dans la présente affaire a décidé de porter plainte auprès du Médiateur au lieu de s'adresser au Tribunal. Si elle s'était tournée vers le Tribunal, le Médiateur pense qu'il serait arrivé à la même conclusion concernant les irrégularités commises dans la procédure de sélection: il aurait annulé la décision du comité de sélection et aurait considéré que l'organisation d'une nouvelle série d'épreuves orales n'était pas appropriée. La Commission convient elle-même que si la plaignante s'était adressée au Tribunal, celui-ci serait arrivé à la même conclusion concernant les irrégularités dans la procédure de sélection.

48. Comme mentionné plus haut, si la Commission elle-même ne peut annuler la décision du comité de sélection concernant la plaignante, même si cette décision est entachée des mêmes erreurs que celles identifiées dans les affaires T-156/03 et T-400/03, elle peut certainement convenir de traiter de manière adéquate des problèmes de légalité dans les travaux du comité de sélection identifiés par le Tribunal. En résumé, la Commission pourrait décider d'indemniser la plaignante pour les préjudices subis en raison de l'erreur du comité de sélection.

49. Le Médiateur salue le fait que, même si la Commission pensait au départ qu'une plainte auprès du Médiateur ne pouvait donner lieu à une indemnisation, elle a ensuite précisé qu'en cas de mauvaise administration, elle avait déjà versé des indemnisations «à titre gracieux» lorsque cela s'avérait approprié. Le Médiateur estime qu'il s'agit d'une précision importante qu'il salue.

50. La Commission a poursuivi en disant que dans la présente affaire, elle ne pouvait indemniser la plaignante car celle-ci avait déjà reçu une indemnisation dans le cadre de l'affaire T-10/02 pour avoir perdu une chance d'être recrutée par la Commission. En conséquence, elle estime qu'elle ne peut indemniser deux fois pour le même préjudice.

51. Il apparaît maintenant, à la lecture des lettres du Commissaire Potočnik des 19 janvier 2009 et 11 juin 2009, que la plaignante a déjà été indemnisée pour les conséquences négatives liées à la perte d'une chance de travailler dans une institution européenne entre le 1er avril 2001 et le 31 mars 2006.[14] Le Médiateur convient tout à fait que la plaignante ne peut être indemnisée deux fois pour le même préjudice. En résumé, si la plaignante a déjà été indemnisée pour la perte d'une chance de recrutement pour une période donnée, elle ne peut être indemnisée pour la perte d'autres chances similaires pour la même période. Si l'erreur commise par l'institution concerne effectivement un autre concours, le préjudice subi (à savoir la perte d'une chance de travailler pour l'institution) couvre la perte d'une chance pour laquelle elle a déjà obtenu réparation. Le Médiateur note à cet égard que rien ne garantit que si la plaignante avait réussi la procédure de sélection COM/R/A/01/1999, le nouveau contrat qu'elle aurait pu obtenir aurait dépassé la période pour laquelle elle a déjà été indemnisée (au‑delà du 31 mars 2006). Il convient donc que tout versement additionnel en relation avec ce même préjudice ne serait pas garanti. 

52. Toutefois, le Médiateur note que si la plaignante ne peut obtenir une indemnisation supplémentaire, cela ne signifie pas que la Commission n'a pas commis d'erreur dans son traitement du présent dossier. Le Médiateur estime qu'il aurait été nécessaire, pour traiter de manière adéquate des conséquences liées à l'annulation des décisions du comité de sélection par le Tribunal de première instance dans les affaires T-156/03 et T-400/03, que la Commission s'excuse d'abord auprès de la plaignante pour les erreurs commises au cours de la procédure de sélection et ensuite explique, en détail, ce qu'elle a finalement fait au cours de l'enquête du Médiateur sur ce cas, pourquoi elle a estimé, dans son cas spécifique, qu'il ne serait pas justifié de lui accorder une indemnisation supplémentaire.

53. C'est pourquoi le Médiateur confirme son constat de mauvaise administration qu'il avait fait dans sa proposition de solution à l'amiable et dans son projet de recommandation, à savoir que la Commission n'a pas pris dûment en compte l'arrêt du Tribunal dans l'affaire T-91/02 et n'a pas tiré les conclusions appropriées des arrêts du Tribunal dans les affaires T-156/03 et T-400/03. Si, généralement, le Médiateur chercherait une autre solution à l'amiable pour demander à la Commission de s'excuser auprès de la plaignante, il estime que, vu le temps déjà écoulé pour effectuer l'enquête, il est préférable de clôturer le dossier avec un commentaire critique.

54. Le Médiateur souligne qu'il a adressé un projet de recommandation similaire à l'EPSO dans la plainte 2826/2004/PB. Il souligne que l'EPSO a accepté sa position et a ainsi assuré la légalité des procédures de recrutement qu'il organise pour l'UE.

55. Le Médiateur note enfin que la Commission affirme que la plaignante a déposé plainte auprès du Médiateur un an après l'expiration du délai pour ester en justice. Il souligne que conformément à l'article 2, paragraphe 4, de son statut, une plainte doit être déposée dans les deux ans à compter de la date où les faits ont été portés à l'attention de la personne qui porte plainte.

B. Conclusion

Sur la base de son enquête relative à cette plainte, le Médiateur décide de clôturer le dossier avec le commentaire critique suivant:

Le Médiateur estime que la Commission n'a pas pris dûment en compte l'arrêt du Tribunal dans l'affaire T-91/02 et n'a pas tiré les conclusions appropriées des arrêts du Tribunal dans les affaires T-156/03 et T-400/03, ce qui constitue un cas de mauvaise administration.

La plaignante et la Commission seront informées de la présente décision.

P. Nikiforos DIAMANDOUROS

 

Fait à Strasbourg le 4 décembre 2009


[1] Affaire T-92/01 Girardot contre Commission [2002] REC-SC I-A-163 et II-859.

[2] Affaires T-102/01 Pérez-Diaz contre Commission [2002] REC-SC I-A-165 et II-871 et T-182/01 Bachotet contre Commission, arrêt du 24 septembre 2002, non encore publié.

[3] Affaire T-156/03 Pérez-Diaz contre Commission [2006] REC-SC I-A-2-135 et II-A-2-649; et affaire T-400/03 Bachotet contre Commission [2006] REC-SC I-A-2-141 et II-A-2-669.

[4] Affaire T-92/01 Girardot contre Commission, mentionnée plus haut.

[5] Affaire T-156/03 Pérez-Diaz contre Commission et affaire T-400/03 Bachotet contre Commission, mentionnées plus haut.

[6] Affaire T-156/03 Pérez-Diaz contre Commission, mentionnée plus haut, paragraphes 57-64 et affaire T-400/03 Bachotet contre Commission, mentionnée plus haut, paragraphes 35-42.

[7] Affaire C-310/97 Commission contre Assi Domän Kraft Products et autres [1999] REC I-5363, paragraphes 49-64.

[8] Affaire T-193/04 Tillack contre Commission [2006] REC II-3995, paragraphe 128.

[9] Affaires T-402/03 Katalarianakis contre Commission [2007], non encore publiée; T-430/03 Dascalu contre Commission [2007], non encore publiée et T-166/04 C. contre Commission [2007], non encore publiée.

[10] Affaire T-10/02 Girardot contre Commission [2004] REC-SC I-A-109 et II-483, et affaire C-348/06 P Commission contre Girardot, arrêt du 21 février 2008.

[11] Affaire T-193/04 Tillack contre Commission, mentionnée plus haut, paragraphe 128.

[12] Affaires jointes T-331/00 et T-115/01 Bories contre Commission [2003] REC-SC IA-309 et II-1479.

[13] Voir affaire T-306/04 Luxem contre Commission [2005] ECR-SC II-1209, paragraphes 22-24.

[14] L'indemnisation reçue par la plaignante dans l'affaire T-10/02 a été calculée sur la base de la différence de revenus entre un poste à la Commission et le poste occupé par la plaignante dans la fonction publique française entre le 1er avril 2001 et le 31 mars 2006. Cette différence, qui s'élève à 185 570 EUR, a été pondérée par un facteur 0,5, ce qui correspond à la perte d'une «chance sérieuse» de recrutement.