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Décision du Médiateur européen concernant la plainte 1536/2001/(BB)OV contre la Commission européenne
Decision
Case 1536/2001/OV - Opened on Friday | 07 December 2001 - Decision on Wednesday | 24 July 2002
Madame,
Le 26 octobre 2001, agissant au nom de l'association RVDAGE/VL, vous m'avez présenté, en ma qualité de Médiateur européen, une plainte concernant le rejet de la proposition que vous aviez soumise à la suite d'un appel à propositions organisé par la Commission.
J'ai transmis votre plainte au Président de la Commission européenne le 7 décembre 2001. La Commission m'a envoyé son avis le 5 mars 2002, et je vous en ai donné communication en vous invitant à formuler vos observations, ce que vous avez fait le 29 avril 2002.
Je vous fais part à présent des résultats de mon enquête.
LA PLAINTE
Les faits pertinents, tels qu'ils sont allégués par la plaignante, sont récapitulés ci-après.
La plaignante, une association ayant son siège à Bruxelles, a présenté un projet dans le cadre d'un appel à propositions organisé par les services de la Commission, concernant la lutte contre les discriminations qui touchent les minorités ethniques. La proposition présentée par la plaignante, qui s'intitulait "Réseau européen pour l'égalité sociale et la participation citoyenne des minorités ethniques" a été rejetée. Après avoir étudié les trois motifs de rejet avancés par la Commission et les explications complémentaires communiquées par cette dernière, la plaignante estime que son dossier a été traité de façon discriminatoire.
Après avoir fourni une première réponse évasive dans sa lettre du 12 juillet 2001, la Commission, dans son courrier du 2 août 2001, a exposé les trois motifs de rejet suivants:
l) la Commission fait observer que la plaignante fait un travail national, alors que la plaignante a indiqué, dans sa proposition, que son action s'inscrit dans une logique transeuropéenne;
2) la Commission prétend que la plaignante a établi un budget de fonctionnement en phase II, alors qu'elle est censée donner son avis sur le budget de la phase I;
3) la Commission fait observer que la ligne budgétaire VP/2001/012 à laquelle la plaignante a répondu n'est pas la bonne et qu'il fallait répondre à la ligne VP/2001/013. La plaignante estime que cette dernière ligne budgétaire ne correspond pas à sa proposition et que c'est bien la ligne budgétaire VP/2001/012 qui est la bonne.
La plaignante a fait observer que les arguments avancés par la Commission étaient en contradiction avec les propres textes de cette dernière.
Le 26 octobre 2001, la plaignante a donc écrit au Médiateur en faisant valoir que, au vu des trois motifs de rejet de sa proposition VP/2001/012, il apparaît que son dossier a été traité de façon discriminatoire.
L'ENQUÊTE
L'avis de la CommissionDans son avis, la Commission commence par décrire le contexte de l'affaire. Le 27 décembre 2000, le Conseil a adopté la décision 2000/750/CE établissant le programme communautaire de lutte contre la discrimination. Ce programme couvre une période allant de 2001 à 2006 et dispose d'un budget total de 100 millions . Le soutien aux activités de lutte contre la discrimination est divisé en deux volets. Le premier concerne les activités transnationales et le second les coûts de fonctionnement d'organisations non gouvernementales opérant au niveau européen, qui représentent et défendent les droits des personnes victimes de discriminations. Les actions transnationales sont scindées en différentes phases:
La phase I consistait en la soumission à la Commission d'un premier projet d'action transnationale identifiant un partenaire d'un autre État membre et en la présélection par la Commission de certaines organisations qui reçoivent un cofinancement communautaire de 50 000 pour préparer avec leur partenaire un projet d'action transnationale définitif et plus détaillé.
Les organisations présélectionnées disposaient d'un délai de six mois à partir du 1er octobre 2001 pour soumettre leur proposition de subvention pour la phase II dite opérationnelle. Sur les 71 propositions présélectionnées, entre 25 et 30 seront finalement sélectionnées, après accord du Comité des États membres, pour cette seconde phase qui doit démarrer au 1er septembre 2002 et ce pour deux ans.
À la suite de la publication de l'appel à propositions VP/2001/012, la Commission a reçu 129 demandes, dont la demande introduite par la plaignante. En conformité avec le vade-mecum sur la gestion des subventions, un comité de sélection composé de personnes appartenant à quatre unités différentes de la Direction générale de l'emploi et des affaires sociales a été mis en place. Ce comité a dressé une liste de 71 bénéficiaires présélectionnés, liste qui a été soumise pour accord au Comité du programme lors de sa réunion du 10 juillet 2001.
Le 12 juillet 2001, la plaignante a été informée qu'elle n'était pas présélectionnée parce qu'elle "n'avait pas su présenter une proposition qui satisfasse l'ensemble des critères de sélection établis spécifiquement pour ce soutien financier". Le 25 juillet 2001, la plaignante a adressé un courrier à la Commission, dans lequel elle demandait des précisions sur les raisons du rejet de sa proposition. Le 2 août 2001, la Commission a adressé une réponse dans laquelle elle exposait ces raisons.
En ce qui concerne la motivation de la décision de rejet, la Commission a rappelé que l'appel à propositions avait pour objectif de soutenir des propositions qui consisteront à "transférer les informations, les leçons tirées et les bonnes pratiques et comporteront une comparaison de l'efficacité des processus, méthodes et outils liés aux thèmes choisis, le transfert mutuel et l'application des bonnes pratiques, des échanges de personnel, le développement conjoint de produits, de processus, de stratégies et de méthodologies, ainsi que l'adaptation aux différents contextes des méthodes, outils et processus identifiés comme constituant de bonnes pratiques" (p. 3 des lignes directrices de l'appel à propositions).
Or, la demande introduite par la plaignante, intitulée "Réseau européen pour l'égalité sociale et la participation citoyenne des minorités ethniques", visait à "créer un début de conseil représentatif des minorités ethniques, qui serait peu à peu représenté dans tous les États membres". Cette possibilité était expressément exclue par les lignes directrices, lesquelles stipulent que "les demandes de subventions pour les frais de fonctionnement ordinaires" ne peuvent bénéficier d'une subvention.
La Commission a argumenté sa position en faisant référence au budget prévisionnel de la phase II qui était joint à la demande. La Commission a fait observer que "la position du comité a été renforcée par l'examen du budget provisionnel". Cet examen n'a pas constitué la cause déterminante du rejet de la demande. Toutefois, conjointement avec d'autres indices concordants, le fait qu'il s'agissait d'un budget de "fonctionnement" a renforcé la position de la Commission qui a rejeté la demande de subvention. En effet, l'allocation des coûts entre les différents postes budgétaires était symptomatique d'un budget de "fonctionnement".
Nulle part dans l'échange de courriers entre la Commission et la plaignante, le caractère transnational n'a été contesté. Dans sa réponse en date du 20 septembre 2001 au courrier de la plaignante, la Commission a fait observer que "le comité n'a pas, contrairement à ce que vous dites dans votre lettre, contesté le caractère transnational de votre proposition mais bien son objet qui visait à terme la création de cette structure".
La Commission a indiqué à la plaignante qu'un autre volet du soutien financier avait pour objectif de financer "les frais de fonctionnement d'organisations européennes représentant les personnes victimes potentielles de discrimination". Ce soutien faisait toutefois l'objet d'un appel à propositions distinct (VP/2001/013), sur lequel la Commission a attiré l'attention de la plaignante.
En conclusion, la Commission a affirmé qu'elle n'avait pas traité de manière discriminatoire la proposition de la plaignante. Cette proposition ne pouvait être retenue parce que ses objectifs ne rentraient pas dans le cadre des termes de l'appel à propositions. L'argumentation de la Commission, développée dans les différentes réponses adressées à la plaignante, n'a jamais changé.
Les observations de la plaignanteLa plaignante a fait observer que, une fois de plus, la Commission n'avait pas fourni d'explications complémentaires quant à sa position et qu'elle n'avait pas répondu, sur le fond, à sa lettre du 30 août 2001. Selon la plaignante, la Commission a réduit sa proposition à la création d'une structure alors qu'il s'agit en réalité d'un réseau d'échanges de réflexions et d'actions communes, à l'échelle européenne, comme il ressort du dossier. Le sujet de la proposition est donc conforme à l'objet de la ligne budgétaire VP/2001/012.
Selon la plaignante, une analyse pertinente de sa proposition n'aurait pu amener la Commission à conclure qu'il s'agissait d'un "budget de fonctionnement". La plaignante fait observer que la création d'un conseil représentatif était placée comme la finalité, au terme de deux ans de travail d'échanges d'informations et de pratiques. Une description détaillée des actions à mener en phases I et II montre que ces actions portent uniquement sur une étude comparative des expériences, la mise en commun des conclusions et l'élaboration commune de stratégies préventives des discriminations. Le budget demandé était uniquement destiné à la réalisation de ces actions. La plaignante avait prévu la location de salles de séminaires dans divers pays, ainsi que les frais de voyage et de séjour.
Une analyse du budget montre que celui-ci ne peut être considéré comme un "budget de fonctionnement" puisque les frais généraux ne représentent que 10% du montant total. La plaignante fait en outre observer que l'appel à propositions ne contenait pas de modèle de budget ni de critères qui définissent ce qu'est un "budget de fonctionnement". L'appréciation de la Commission est donc purement subjective.
L'organisation d'une structure permanente n'était, pour la plaignante, qu'un moyen de perpétuer les résultats qui auraient été atteints grâce au soutien européen après les phases I et II. Le refus de la Commission est donc erroné.
La plaignante n'a jamais demandé l'octroi d'un soutien financier pour une structure de représentation, sachant pertinemment que la Commission ne finance pas ce type d'action dans ce contexte. En outre, la plaignante ne disposant pas d'une structure représentative, il était impossible de demander un soutien financier pour son fonctionnement.
Eu égard à ce qui précède, la plaignante a fait valoir que l'analyse financière de la Commission avait été superficielle, erronée et discriminatoire.
LA DÉCISION
1. Discrimination alléguée dans l'évaluation de la proposition de la plaignante1.1 Selon la plaignante, il apparaît, eu égard aux trois motifs sur lesquels se fonde le rejet de sa proposition VP/2001/012, qu'il y a eu discrimination dans le traitement de sa proposition. La Commission a fait valoir qu'elle n'avait pas traité le dossier de la plaignante de manière discriminatoire. Cette proposition ne pouvait être retenue parce que ses objectifs n'entraient pas dans le cadre des termes de l'appel à propositions. L'argumentation de la Commission, développée dans les différentes réponses adressées à la plaignante, n'a jamais varié.
1.2 Il ressort de l'analyse du dossier par le Médiateur que, à la suite de la publication de l'appel à propositions VP/2001/012, la Commission a reçu 129 demandes, dont 71 ont été présélectionnées. Le 12 juillet 2001, la Commission a informé la plaignante, par lettre type, que sa proposition n'avait pas été retenue. Dans une lettre datée du 24 juillet 2001, la plaignante a demandé des informations complémentaires concernant le rejet de sa proposition. Dans sa réponse du 2 août 2001, la Commission a fourni à la plaignante une argumentation détaillée. En date du 30 août 2001, la plaignante a adressé un autre courrier à la Commission, dans lequel elle demandait que sa proposition soit réexaminée. Le 20 septembre 2001, la Commission a répondu de manière circonstanciée à ce courrier, en confirmant sa décision de rejet et son évaluation antérieure. Finalement, dans une troisième lettre datée du 17 octobre 2001, la plaignante a prétendu que le rejet de sa proposition était arbitraire et discriminatoire. Dans sa réponse en date du 25 octobre 2001, la Commission a renvoyé à ses lettres précédentes et rejeté l'allégation de la plaignante, selon laquelle sa proposition avait été exclue de manière arbitraire.
1.3 Le médiateur relève que, dans le contexte d'une procédure de sélection assortie d'une enveloppe budgétaire limitée, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire pour ce qui est de décider des propositions à retenir. Toutefois, la décision de la Commission doit rester dans les limites de son autorité légale, c'est-à-dire respecter les modalités de l'appel à propositions en question ainsi que les principes fondamentaux du droit communautaire, en ce compris le principe de non-discrimination que la plaignante reproche à la Commission d'avoir enfreint.
1.4 En l'espèce, la Commission a expliqué à la plaignante que si sa proposition n'avait pas été retenue, c'était principalement parce que, selon la formulation même de la proposition, son objectif premier était la création d'une structure, à savoir "la création d'un conseil représentatif des minorités ethniques, qui serait peu à peu représenté dans tous les États membres". La création d'une telle structure et les coûts y afférents ne sont pas couverts par l'appel à propositions en question. La plaignante conteste l'évaluation de la Commission et fait valoir que la création d'un conseil représentatif n'est qu'une finalité et que sa proposition concerne un réseau d'échanges de réflexions et d'actions communes.
1.5 Le Médiateur relève que, à la page 17 de la proposition de la plaignante, il apparaît que le premier objectif en fin de phase II consiste en fait à "créer un début de conseil représentatif des minorités ethniques, qui serait peu à peu représenté dans tous les États membres. Ce conseil serait composé des membres compétents du réseau européen mis en place". Les deuxième, troisième et quatrième objectifs décrivent les rôles et les tâches de ce conseil.
1.6 Eu égard à ce qui précède, le Médiateur estime que l'argumentation avancée par la Commission pour justifier le rejet de la proposition de la plaignante ne révèle pas d'erreur manifeste d'appréciation.
1.7 Conformément à la jurisprudence du juge communautaire, le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée(1).
1.8 La plaignante n'a pas fourni d'indications ou d'éléments de preuve portant à penser que des situations comparables ont été traitées de manière différente ou que des situations différentes ont été traitées de manière égale dans le cadre de l'appel à propositions. Sur la base de ce qui précède, le Médiateur n'a pu établir d'infraction au principe de non-discrimination. Il n'est donc pas constaté de cas de mauvaise administration.
2. ConclusionSon enquête l'amenant à conclure qu'il n'y a pas eu en l'occurrence mauvaise administration de la part de la Commission, le Médiateur classe l'affaire.
Le Président de la Commission européenne sera informé de la présente décision.
Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de ma considération distinguée.
Jacob SÖDERMAN
(1) Cf. affaire C-292/97, Karlsson et autres, Recueil 2000, p. I-2737, point 39.
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