- Export to PDF
- Get the short link of this page
- Share this page onTwitterFacebookLinkedin
Décision du Médiateur européen concernant la plainte 1312/2001/SM contre la Commission européenne
Decision
Case 1312/2001/SM - Opened on Tuesday | 23 October 2001 - Decision on Wednesday | 24 July 2002
Monsieur,
Le 12 septembre 2001, vous m'avez présenté, en ma qualité de Médiateur européen, une plainte au nom de votre société, Sviluppo s.r.l., concernant le défaut de paiement par la Commission du solde restant dû aux termes d'un contrat de fournitures financé par le Fonds européen de développement, pour le projet ACP-GRED-013 - "Farm Road Rehabilitation".
Le 23 octobre 2001, j'ai transmis la plainte au Président de la Commission européenne. La Commission a envoyé son avis le 11 février 2002. Je vous en ai donné communication en vous invitant à formuler toutes observations que vous jugeriez utiles, que vous avez envoyées le 27 mars 2002.
Je vous informe à présent des résultats de mon enquête.
LA PLAINTE
Le plaignant, une société, se plaint que la Commission ne l'a pas soutenu pour obtenir le paiement du solde dû à sa société dans le contexte d'un contrat ACP de fournitures avec Grenade (projet ACP-GRED-013 - "Farm Road Rehabilitation") financé par la Commission européenne au titre du Fonds européen de développement (FED). Le plaignant avait signé un contrat avec le ministère de l'Agriculture de Grenade et il était convenu qu'il fournirait des camions bennes, un véhicule personnel et des bétonnières en trois lots séparés. Les conditions de paiement, telles que stipulées dans les conditions spéciales et générales relatives au contrat de fournitures financé par le FED étaient les suivantes : le plaignant devait recevoir une avance équivalant à 60% du prix du contrat; cette avance devait être suivie, après réception provisoire des marchandises, d'un deuxième versement sous forme d'un acompte de 30%, et d'un troisième et dernier versement correspondant aux 10% restants du prix du contrat après acceptation définitive des marchandises par le pouvoir adjudicateur, l'Ordonnateur National (O.N.) de Grenade. Mais le plaignant n'a jamais reçu le paiement des 40% restants de la valeur du contrat (les deuxième et troisième versements) auxquels il considère avoir droit, et il a demandé l'aide du Médiateur afin d'obtenir la somme qui lui est due, majorée des intérêts de retard.
Le plaignant affirme que la Commission n'a pas répondu à sa lettre du 25 octobre 1999 dans laquelle il réclame le paiement final conformément au contrat.
Le plaignant soutient que la Commission doit ordonner à l'Ordonnateur National de Grenade de payer le solde dû, majoré des intérêts de retard.
L'ENQUÊTE
Avis de la CommissionDans son avis, la Commission fait les commentaires suivants :
La Commission déclare que les contrats financés par le FED restent des contrats nationaux conclus entre le pouvoir adjudicateur de l'État ACP, l'O.N. et la partie cocontractante, et que le rôle de la Commission se limite obligatoirement à vérifier si les conditions du financement au titre du FED sont réunies. L'État ACP et son O.N. sont responsables de la préparation, de la négociation et de la conclusion des contrats conformément à la Convention de Lomé IV et, dans le cas examiné, au règlement financier du septième FED. Dans ce contexte, la Commission considère qu'il est correct de conclure que, dans le présent cas, les conditions financières n'étaient pas réunies en ce qui concerne le paiement du solde de 40% du prix du contrat.
La Commission explique que le contrat a été souscrit le 20 septembre 1993 par l'O.N., le ministère de l'Agriculture de Grenade, et le cocontractant Sviluppo s.r.l. Une avance correspondant à 60% de la valeur du contrat a été payée le 11 janvier 1994. Aux termes des conditions spéciales stipulées dans le dossier d'appel d'offres, la société du plaignant s'engageait à livrer les marchandises convenues trois mois au plus tard à compter de la signature de la "lettre de contrat". Face aux retards de livraison et à la livraison incomplète d'un des lots, l'O.N. a décidé d'appliquer les pénalités contractuelles correspondant à 15% du prix du contrat pour chaque jour écoulé entre la date initiale prévue pour la livraison et la date de livraison complète(1) et en a informé le plaignant dans sa lettre du 29 avril 1994. L'O.N. a informé le plaignant par lettre du 7 avril 1995 que le certificat d'acceptation provisoire (nécessaire pour le deuxième paiement de 30%) ne serait pas délivré, puisqu'il n'avait aucune information sur la date à laquelle les pièces détachées manquantes seraient livrées. Dans sa lettre du 21 septembre 1995, l'O.N. a informé la DG Développement de la Commission, par l'intermédiaire de la Délégation de la CE à Grenade, que le gouvernement de Grenade souhaitait savoir si une résiliation du contrat pouvait être envisagée aux termes des Conditions générales du FED pour inexécution du contrat.
Les services de la Commission ont informé l'O.N. par télécopie du 9 novembre 1995 qu'en vertu de l'article 21 des Conditions générales l'O.N. était en droit, non seulement de résilier le contrat après notification au fournisseur, mais également de réclamer les pénalités et dommages-intérêts contractuels en compensation des frais subis à cause du retard et de l'inexécution du contrat par le contractant. Ayant évalué ces aspects financiers, les services de la Commission ont également informé l'O.N. que les 40% du contrat restant dus ne couvraient pas la déduction obligatoire des pénalités contractuelles correspondant à 15% du prix du contrat, le coût du défaut de livraison des pièces de rechange manquantes et autres frais causés par le retard.
Les pièces de rechange manquantes ayant été livrées tardivement le 17 octobre 1995, l'O.N. a toutefois informé les services de la Commission (la Délégation de la CE à Grenade) par courrier du 17 janvier 1996 qu'il ne souhaitait plus appliquer les pénalités contractuelles ni résilier le contrat pour inexécution de la part du plaignant, et joignait une copie du certificat de réception provisoire et l'ordre de paiement. L'O.N. a également informé le plaignant par courrier daté du même jour, le 17 janvier 1996, que malgré les retards son gouvernement le paierait intégralement à la réception d'un manuel relatif aux pièces de rechange.
Compte tenu de la mauvaise exécution du contrat, la Délégation de la CE a cependant informé l'O.N. par lettre du 28 février 1996 que les conditions pour un financement communautaire de l'ordre de paiement n'étaient pas réunies. Aux termes du contrat, les pénalités contractuelles, les dommages-intérêts et autres frais supplémentaires doivent être déduits de l'ordre de paiement final de 40%. En conséquence, l'O.N. était invité à approuver cette position et à soumettre un ordre de paiement révisé indiquant la réduction. Les services de la Commission n'ont toutefois reçu aucun ordre de paiement révisé de la part de l'O.N. qui, par courrier du 10 mai 1996, a informé le plaignant que le paiement intégral ne pouvait pas être effectué et regrettait les inconvénients que cela pourrait provoquer. L'ordre de paiement a été suspendu le 29 mai 1996 par les services de la Commission. Après approbation par l'O.N. en juillet 1997, le programme "Farm Road Rehabilitation" a été clôturé en octobre 1998.
Par lettre du 6 mars 1998, les services de la Commission ont fait savoir au plaignant que les conditions d'un financement par le FED des 40% restant dus n'étaient toujours pas réunies vu les divers manquements aux obligations contractuelles de sa part et que toute requête quant à sa plainte devait être présentée au ministère de l'Agriculture de Grenade, puisque la Commission elle-même n'était pas partie au contrat.
En ce qui concerne le silence allégué de la Commission suite au courrier du plaignant en date du 25 octobre 1999, la Commission a effectué des recherches et mis à jour dans ses archives une lettre de la société Sviluppo comportant la même date mais avec de légères divergences par rapport à celle présentée par le plaignant. La Commission ne peut donc pas confirmer avoir reçu le même document. La Commission souligne néanmoins qu'après vérification du dossier, elle estime que la lettre du 25 octobre 1999 ne faisait que réitérer la demande du plaignant reçue le 8 janvier 1998 et à laquelle la Commission avait répondu par courrier daté du 6 mars 1998 en précisant sa position et en invitant le plaignant à s'adresser à l'O.N. pour toute démarche ultérieure.
Enfin, la Commission conseille à nouveau au plaignant d'adresser sa requête en suspens au ministère des Finances de Grenade.
Les observations du plaignantDans ses observations, le plaignant maintient sa plainte.
Il estime que le paiement de l'avance de 60% du prix du contrat aurait dû être payée dans un délai de 60 jours, ce qui n'a pas été le cas. Du fait d'un manque d'information à cet égard du pouvoir adjudicateur, l'O.N. de Grenada, le plaignant a dû annuler l'expédition des marchandises qui, à ce moment-là, étaient prêtes dans les locaux du fournisseur. À sa grande surprise, le plaignant a reçu le paiement de l'avance le 28 février 1994.
Enfin, le plaignant souligne que, compte tenu du délai de 90 jours fixé pour la livraison aux termes du contrat, il n'y a eu qu'un retard de vingt jours dû lui-même au retard de paiement de la part de l'O.N. et qu'en conséquence l'on ne devrait pas lui tenir rigueur des retards enregistrés.
LA DÉCISION
1 Défaut allégué de réponse à la lettre du 25 octobre 19991.1 Le plaignant soutient que la Commission n'a pas répondu à sa lettre du 25 octobre 1999 dans laquelle il demande le paiement de 40% de la valeur du contrat dans le contexte du projet ACP-GRED-013 - "Farm Road Rehabilitation" financé par le FED.
1.2 La Commission affirme que le contenu de la lettre du 25 octobre 1999 était identique à celui de la lettre envoyée par le plaignant à la Commission le 8 janvier 1998. Elle considère par conséquent qu'elle a répondu en substance aux réclamations du plaignant par son courrier daté du 6 mars 1998 dans lequel elle précise sa position et invite le plaignant à adresser sa requête au pouvoir adjudicateur, l'O.N. de Grenade, pour toute démarche ultérieure.
1.3 Le Médiateur note que, selon les bonnes pratiques administratives, tout courrier doit recevoir une réponse sans délai. Dans le cas examiné, il s'avère que la Commission n'a pas répondu à la lettre du plaignant datée du 25 octobre 1999. Il observe toutefois que la Commission a répondu en substance aux requêtes du plaignant par son courrier daté du 6 mars 1998 précisant sa position et l'informant de la possibilité de s'adresser au pouvoir adjudicateur de Grenade. De plus, il apparaît que la Commission a subséquemment pris des mesures pour garantir que les lettres recevraient une réponse conforme à son Code de bonnes pratiques administratives, applicable depuis le 1er janvier 2001(2). De ces éléments, il ressort qu'il n'y a pas eu de mauvaise administration de la part de la Commission concernant cet aspect de la plainte.
2 Requête d'enjoindre à l'Ordonnateur national de Grenade de payer le solde restant dû majoré des intérêts de retard de paiement2.1 Cette requête concerne les obligations découlant d'un contrat conclu entre le ministère de l'Agriculture de Grenade et la société du plaignant, Sviluppo s.r.l., et financé par la Commission au titre du Fonds européen de développement. Le plaignant réclame au gouvernement de Grenade le paiement du solde restant dû de 40% de la valeur du contrat augmenté des intérêts pour retard de paiement. Or la Commission fait valoir que dans le cas examiné, les conditions de financement par le FED n'étaient pas réunies et que, par conséquent, le paiement ne peut pas être effectué au moyen de fonds du FED. La Commission estime également que le plaignant doit présenter sa requête au pouvoir adjudicateur de Grenade pour toute démarche ultérieure.
2.2 Aux termes de l'article 195 du Traité CE, le Médiateur européen est habilité à recevoir des plaintes "relatives à des cas de mauvaise administration de la part des institutions ou organes de la Communauté européenne". Le Médiateur considère qu'il y a mauvaise administration lorsqu'un organisme public omet de se conformer à une règle ou à un principe obligatoire. Ainsi, il peut également y avoir mauvaise administration dans le contexte de l'exécution des obligations découlant de contrats conclus par les institutions ou organes de la Communauté.
2.3 Toutefois, le Médiateur considère que l'étendue de l'enquête qu'il peut effectuer dans de tels cas est nécessairement limitée. En particulier, le Médiateur estime qu'il ne doit pas chercher à établir s'il y a eu rupture de contrat par l'une des parties, si cette question est litigieuse. Une telle question ne pourrait être réglée efficacement que par un tribunal compétent, qui aurait la possibilité d'entendre les arguments des parties concernant la législation nationale pertinente et d'évaluer les preuves contradictoires relatives à toute question de fait litigieuse.
2.4 Le Médiateur estime donc que, dans les cas de litiges contractuels, il est justifié qu'il limite son enquête à vérifier que l'institution ou l'organe communautaire lui a fourni un rapport cohérent et raisonnable de la base légale de ses actions et des raisons pour lesquelles il/elle croit que sa position contractuelle est justifiée. Si c'est le cas, le Médiateur conclura que son enquête n'a pas révélé de cas de mauvaise administration, ceci sans préjudice du droit des parties à porter leur litige contractuel devant un tribunal compétent qui le réglera définitivement.
2.5 Dans le cas examiné, la Commission a fourni un rapport cohérent et raisonnable des raisons pour lesquelles elle croit que les conditions de financement au titre du FED ne sont pas réunies.
2.6 De ce fait, il apparaît qu'il n'y a pas eu de mauvaise administration de la part de la Commission.
3 ConclusionSur la base des enquêtes du Médiateur relatives à cette plainte, il n'y a pas eu de mauvaise administration de la part de la Commission. En conséquence, le Médiateur classe l'affaire.
Le Président de la Commission européenne sera également informé de cette décision.
Jacob SÖDERMAN
(1) Conditions spéciales applicables, partie A, paragraphe VIII.1.
(2) JO L 308/32 du 8.12.2000.
- Export to PDF
- Get the short link of this page
- Share this page onTwitterFacebookLinkedin