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Décision dans l’affaire 602/2019/SRS concernant les suites données par la Commission européenne à une analyse coûts–avantages relative à un «projet d’intérêt commun» dans le domaine des infrastructures énergétiques
Decision
Case 602/2019/SRS - Opened on Wednesday | 18 December 2019 - Decision on Wednesday | 18 December 2019 - Institution concerned European Commission ( No maladministration found )
Plainte adressée à la Commission européenne
1. Cette plainte, présentée par une ONG française, concerne une décision de la Commission européenne visant à inscrire un projet d’interconnexion gazière entre la France et l’Espagne (connu sous le nom de projet STEP/MidCat)[1] sur une liste de « projets d’intérêt commun » de l’Union européenne dans le domaine des infrastructures énergétiques (la liste des PIC)[2]. Un avantage important de l’inscription sur la liste des PIC est que le projet peut être considéré comme prioritaire pour l’obtention de fonds de l’Union, y compris au titre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe.
2. En 2018, plusieurs députés au Parlement européen et ONG, y compris la plaignante, ont tenté de convaincre la Commission que le projet STEP/Midcat ne satisfaisait pas aux critères d’inscription sur la liste des PIC[3]. Ils affirmaient que, selon eux, une étude produite pour la Commission (étude Pöyry) concluait que le projet STEP/MidCat n’améliorait pas la sécurité des approvisionnements en énergie en France ou en Espagne et que ses avantages ne l’emportaient pas sur ses coûts.[4]
3. Dès lors, la plaignante a demandé à la Commission de ne pas inscrire le projet STEP/MidCat et ses composantes sur la quatrième liste des PIC et de publier des analyses coûts – avantages similaires pour les autres projets gaziers. La plaignante a également demandé à la Commission de ne pas accorder de soutien supplémentaire au projet au titre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe.
Réponse de la Commission à la plaignante
4. La Commission a informé la plaignante que les résultats de l’étude Pöyry mettaient en évidence un scénario dans lequel les avantages pour l’Espagne (et le Portugal) l’emportaient sur les coûts du projet. Concrètement, elle affirmait que, selon les résultats de l’étude, le projet se révélait bénéfique pour l’Espagne et le Portugal dans une situation où un marché du gaz naturel liquéfié extrêmement «tendu» serait associé à une réduction significative des approvisionnements en provenance d’Algérie (dans ce scénario, les avantages découleraient de l’accès à un gaz moins coûteux acheminé par gazoduc depuis le nord). Pour la Commission, ce scénario était compatible avec sa politique énergétique plus large et ses prévisions pour le système énergétique de l’UE à l’horizon 2030. Elle ajoutait que, même si l’UE avait fixé des objectifs d’efficacité énergétique ambitieux, et même s’il y avait un accord pour qu’au moins 32 % de son énergie provienne de sources renouvelables d’ici 2030, une grande partie du bouquet énergétique de l’UE devrait toujours être assurée, en 2030, par d’autres sources d’énergie, telles que le gaz. Dans ce contexte, elle affirmait que le projet STEP/Midcat donnerait accès à un gaz moins coûteux acheminé depuis le nord.
5. La Commission assurait donc que le projet continuait à satisfaire aux conditions d’inscription sur la liste des PIC.[5]
6. La Commission ajoutait que le recensement des PIC avait lieu d’une manière ouverte et transparente, les particuliers et les organisations de la société civile et autre parties prenantes ayant la possibilité d’exprimer leurs vues au travers de groupes régionaux. Elle invitait ces organisations à participer aux travaux relatifs à la quatrième liste des PIC, travaux qui étaient sur le point de débuter.
7. En ce qui concerne la demande de retrait du financement public, la Commission ne voyait pas la nécessité d’une telle mesure.
8. La plaignante ne s’est pas déclarée satisfaite par la réponse de la Commission. Elle s’est tournée vers la Médiatrice en affirmant que la Commission aurait dû retirer le projet de la liste des PIC. La plaignante soutient également que la Commission aurait dû publier plus tôt l’étude Pöyry.
Conclusions de la Médiatrice européenne
9. L’établissement d’une liste des PIC découle de l’évaluation par la Commission d’objectifs et de priorités stratégiques dans le secteur de l’énergie.[6] Il n’appartient pas à la Médiatrice de se prononcer sur ces objectifs et priorités stratégiques. La Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour déterminer si, et comment, les critères énoncés dans les règles applicables[7] sont satisfaits. La Médiatrice ne pourrait contester l’évaluation de la Commission qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation.
10. La Médiatrice peut veiller à ce que la Commission soit aussi transparente que possible en ce qui concerne les choix stratégiques qu’elle fait, de sorte que les citoyens et leurs représentants puissent lui demander des comptes par rapport à ces choix. En outre, le rôle de la Médiatrice est de veiller à ce que le processus de décision soit aussi participatif que possible et à ce que la Commission soit disposée à engager le débat avec les citoyens et leurs représentants lors de l’élaboration de sa stratégie. C’est d’autant plus important dans des domaines tels que la politique énergétique, où de nombreux citoyens s’inquiètent de l’impact du changement climatique.
11. La Commission, comme il ressort de ses documents examinés par la Médiatrice, estimait que l’analyse coûts/avantages prise en compte dans l’étude en question était positive, à la lumière des objectifs et prévisions de sa politique énergétique pour 2030. Sur la base de cette évaluation, la Commission a décidé d’inscrire le projet sur la liste des PIC.
12. La Commission a réagi de manière raisonnable et dans le respect de sa marge d’appréciation.
13. En outre, la Médiatrice relève que la Commission établit la liste des PIC après avoir reçu la contribution de l’Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER). Le projet de liste de PIC ne peut être adopté que si ni le Parlement, ni le Conseil ne soulève d’objection. En l’occurrence, le Parlement et le Conseil n’ont pas soulevé d’objection. En ne soulevant pas d’objection par rapport à la liste, les deux branches du pouvoir législatif de l’Union européenne ont fait le choix politique d’avaliser, activement ou tacitement, la façon dont la Commission a exercé son pouvoir d’appréciation.
14. La plaignante critique également le fait que l’étude n’ait pas été publiée en temps utile. Comme il est dit ci-dessus, la Médiatrice estime que la Commission devrait être aussi transparente que possible en ce qui concerne sa prise de décision. Comme l’étude a été communiquée à la plaignante peu après qu’elle eut demandé d’accéder au rapport, la Médiatrice estime qu’aucune enquête supplémentaire ne se justifie sur cet aspect de la plainte.
15. La Médiatrice relève que la Commission a invité la plaignante et d’autres organisations à exprimer leurs avis sur la quatrième liste des PIC au travers des travaux des groupes régionaux. Cela montre que la Commission est ouverte à la participation des groupes d’intérêts au processus décisionnel.
16. La plaignante a demandé à la Commission de retirer le projet de la liste des PIC.
17. L’équipe d’enquête de la Médiatrice a constaté que, dans l’intervalle, la quatrième liste des PIC a été publiée et que le projet STEP/MidCat n’y figure pas.[8] Comme il est indiqué plus haut, la Commission a une large marge d’appréciation pour ce qui est d’inscrire un projet sur la liste des PIC (ou de l’en retirer). Le projet n’étant pas inscrit sur la liste actuelle des PIC, il n'y a pas lieu de poursuivre l'enquête sur cet aspect de la plainte.
18. Sur la base des informations fournies par la plaignante, la Médiatrice clôt l’affaire en concluant qu’il n’y a pas de mauvaise administration de la part de la Commission européenne en ce qui concerne l’inscription du projet sur la troisième liste des PIC, qu’aucune enquête supplémentaire ne se justifie en ce qui concerne la plainte selon laquelle l’étude n’a pas été publiée en temps utile et qu’aucune enquête supplémentaire ne se justifie en ce qui concerne la demande de suppression du projet de la liste des PIC.[9]
Fergal Ó Regan
Chef de l’unité 2 - Enquêtes
Fait à Strasbourg, 18 décembre 2019
ANNEXE
La procédure d’adoption de la liste des PIC par la Commission est la suivante:
1) chaque proposition individuelle de projet d'intérêt commun requiert l'approbation d’au moins deux États membres de l’UE dont le territoire est concerné par les projets;
2) l’évaluation initiale et la sélection des PIC sont effectuées par des groupes régionaux[10] composés:
- de représentants des ministères compétents;
- d’autorités de régulation nationales;
- des différents gestionnaires de réseau de transport de gaz et d'électricité et d’autres promoteurs de projet;
- du Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport (REGRT) d'électricité et de gaz;
- de l’Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER), et
- de la Commission européenne.
Les groupes régionaux évaluent les demandes par rapport aux critères généraux et spécifiques définis dans le règlement sur les PIC, en se concentrant particulièrement sur la contribution de ces projets à l’intégration des marchés, à la durabilité, à la sécurité d’approvisionnement et à la concurrence.[11]
L’ACER rend un avis qui se penche sur l’application cohérente des critères d’évaluation et sur l’analyse coûts/avantages à travers les régions;[12]
3) au terme de ces évaluations, la Commission adopte la liste des PIC approuvés en suivant la procédure des actes délégués;
4) la liste des projets est ensuite présentée par la Commission au Parlement européen et au Conseil. Ces institutions ont deux mois pour s’opposer à la liste, ou elles peuvent demander une prolongation de deux mois pour mettre au point leur position. Si ni le Parlement, ni le Conseil ne rejette la liste, elle entre en vigueur. Le Parlement et le Conseil ne peuvent demander d’apporter des modifications à la liste.
[1] Le Trajet Sud par l'est des Pyrénées (South Transit East Pyrenees - STEP) est la première phase d’un projet plus vaste, le projet Midi-Catalogne (Midcat) Le projet STEP relierait Martorell, en Catalogne, à la frontière française.
[2] Voir le règlement délégué (UE) 2018/540 de la Commission du 23 novembre 2017 modifiant le règlement (UE) nº 347/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la liste des projets d’intérêt commun de l’Union.
[3] Règlement (UE) n° 347/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes.
[4] La Commission a publié l’étude en ligne, voir https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/13aad129-4cea-11e8-be1d-01aa75ed71a1.
[5] Article 5, paragraphe 8, du règlement 347/2013.
[6] Voir l’annexe pour un aperçu du processus de décision aboutissant à l’établissement d’une liste des PIC.
[7] Article 4, paragraphe 1, point b du règlement (UE) nº 347/2013.
[8] https://ec.europa.eu/info/news/commission-publishes-4th-list-projects-common-interest-making-energy-infrastructure-fit-energy-union-2019-oct-31_en
[9] L’espèce a été examinée dans le cadre de la délégation des tâches relatives au traitement des plaintes, prévue à l’article 11 de la décision du Médiateur européen portant adoption des dispositions d’exécution.
[10] Voir: https://ec.europa.eu/energy/en/topics/infrastructure/projects-common-interest/regional-groups-and-their-role.
[11] Les réunions des groupes régionaux sont ouvertes à toutes les parties intéressées, telles que les organisations de protection de l’environnement et des consommateurs et les représentants de la société civile, qui sont invitées, consultées et censées contribuer aux travaux effectués par ces groupes.
[12] L’avis rendu en l’espèce par l’ACER est daté du 10 octobre 2017 et peut être consulté ici: https://www.acer.europa.eu/Official_documents/Acts_of_the_Agency/Opinions/Opinions/ACER%20Opinion%2013-2017.pdf#search=PCI%20list%20opinion%202017. Les organes de décision des groupes régionaux ont adopté les listes régionales le 17 octobre 2017.
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