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Décision du Médiateur européen concernant la plainte 1024/98/OV contre la Commission européenne
Decision
Case 1024/98/OV - Opened on Monday | 05 October 1998 - Decision on Monday | 09 October 2000
Strasbourg, le 9 octobre 2000
Mesdames,
Le 31 juillet 1998, au nom de tous les agents locaux travaillant à la délégation de la Commission européenne à Rabat (Maroc), vous m'avez adressé, en ma qualité de Médiateur européen, une plainte dirigée contre la Commission européenne concernant une allégation de mauvaise administration dans la gestion du régime d'assurance maladie des agents locaux.
J'ai transmis votre plainte au Président de la Commission européenne le 5 octobre 1998. Le même jour, je vous ai envoyé les observations faites par la Commission sur une plainte similaire présentée par Mme B. (réf. 1148/97/OV). La Commission m'a envoyé son avis le 13 novembre 1998, et je vous en ai donné communication en vous invitant à formuler toutes observations que vous jugeriez utiles. Vos observations sur l'avis de la Commission européenne me sont parvenues le 27 novembre et le 23 décembre 1998.
Je vous fais part à présent des résultats de mon enquête en vous présentant mes excuses pour la durée de la procédure d'examen de votre plainte.
LA PLAINTE
Les plaignantes allèguent, au nom de tous les agents locaux travaillant à la Délégation de la Commission à Rabat, une mauvaise administration du système d'assurance maladie des agents locaux. Elles font état de la plainte déposée par Mme B. (1148/97/OV) et font référence aux documents joints à cette plainte. Les faits pertinents, tels qu'ils sont allégués par les plaignantes sont récapitulés ci-après.
Jusqu'à fin 1996, les agents locaux étaient couverts par une assurance maladie locale "Al Watanyia" qui remboursait 85% des frais médicaux, les 15% restants étant remboursés par la Délégation. Il en résultait une couverture à 100%, y compris pour les frais encourus en Europe. Toutefois, en 1997, lors de l'entrée en vigueur des nouvelles Conditions particulières d'emploi (CPE) pour les agents locaux en poste au Maroc, ces derniers ont dû s'affilier au régime d'assurance maladie de la Commission pour les agents locaux. À plusieurs occasions, au cours des négociations et après la signature des Conditions particulières d'emploi (CPE), les agents locaux avaient toutefois exprimé leur préférence pour le système existant "Al Watanyia". La raison majeure de la préférence des agents locaux pour le système existant était que le régime d'assurance de la Commission ne remboursait pas, contrairement à "Al Watanyia" les frais médicaux encourus à l'étranger.
Ayant été appelés à faire un choix entre le régime de la Commission et l'assurance "Al Watanyia" (note du 21 novembre 1996), les agents locaux ont opté clairement pour le maintien du régime "Al Watanyia" (note du 29 novembre 1996). Ils sont restés sans nouvelles supplémentaires jusqu'en avril 1997, date à laquelle le Chef de la Délégation a pris l'initiative de mettre en place un système temporaire (note du 7 avril 1997). Après une année d'application du système temporaire, il s'est avéré qu'en fait c'était les conditions du régime de la Commission qui étaient appliquées.
En ce qui concerne les frais à l'étranger, les plaignantes font observer que le Vade-mecum faisait état d'une proposition selon laquelle les agents locaux intéressés pourraient s'affilier à une assurance maladie privée, la Commission contribuant à hauteur de 50% de la prime. Les agents locaux n'ont cependant jamais été informés de l'adoption par la Commission de cette proposition.
Les plaignantes ont souligné qu'il existe trois catégories d'assurance pour le personnel non-fonctionnaire de la Délégation: 1) les agents locaux affiliés au régime d'assurance maladie de la Commission, 2) les agents locaux affiliés volontairement à la Caisse des français à l'étranger (CFE) qui rembourse les frais médicaux encourus à l'étranger et 3) le personnel local hors statut affilié à une assurance privée marocaine qui rembourse les frais encourus à l'étranger.
Elles font observer que les agents locaux de la Délégation sont des employés de la Commission européenne bénéficiant de contrats d'emploi à durée indéterminée et qu'à ce titre, ils devraient avoir droit à un traitement similaire à celui réservé aux fonctionnaires en ce qui concerne les conditions sociales de base. Le régime des agents locaux devrait comporter au moins les éléments suivants, comparables au régime d'assurance maladie des fonctionnaires: 1) le remboursement des soins en Europe, 2) la prise en charge à 100% des maladies de longue durée ou chronique, 3) le remboursement de la même gamme de prestations que le régime des fonctionnaires, et 4) la couverture après la retraite.
Les plaignantes attirent enfin l'attention sur le fait que, contrairement à la déclaration de la Commission selon laquelle elle est l'un des meilleurs employeurs de la place en matière d'assurance maladie, le régime de la Commission est inférieur aux normes pratiquées par d'autres employeurs, et que toutes les assurances maladie privées marocaines prévoient le remboursement des frais encourus à l'étranger.
Non satisfaites, les plaignantes ont présenté une plainte au Médiateur le 31 juillet 1998, alléguant qu'elles avaient été obligées de s'affilier au régime d'assurance maladie de la Commission, qui remplace l'assurance "Al Watanyia" et ne rembourse plus les frais médicaux encourus en Europe.
L'ENQUÊTE
L'avis de la Commission
Dans son avis, la Commission a tout d'abord attiré l'attention sur le fait que les plaignantes n'avaient pas respecté l'article 2, paragraphe 8 du statut du Médiateur qui prévoit que le Médiateur ne peut être saisi d'une plainte que si les possibilités de demandes ou de réclamations administratives internes, notamment les procédures visées à l'article 90, paragraphes 1 et 2 du statut des fonctionnaires ont été épuisées par l'intéressé. Pour les agents locaux au Maroc, l'article 35 des CPE, qui s'inspire largement de l'article 90, paragraphe 2, du statut, prévoit une procédure de réclamation administrative interne. La Commission fait observer que l'acte faisant grief est la résiliation du contrat "Al Watanyia" avec effet au 1er janvier 1997 et l'affiliation simultanée au régime d'assurance maladie de la Commission. Les plaignantes n'ont toutefois présenté aucune réclamation.
La Commission a cependant souhaité apporter des éclaircissements sur les problèmes de la couverture médicale des agents locaux en général et de ceux du Maroc en particulier. Une caractéristique fondamentale de la situation juridique de l'agent local est sa protection par la législation sociale locale. En outre, les agents locaux de la Commission bénéficient de Conditions particulières d'emploi (CPE) adoptées par la Commission avec l'approbation du personnel et qui comportent des garanties et des avantages dépassant ceux requis par la législation locale.
Avec l'adoption des CPE, des nouveaux contrats d'emploi reflétant l'acquis de ces CPE ont été conclus en remplacement des contrats antérieurs. Dès lors, il était hors propos d'invoquer les conditions antérieures même si certaines pouvaient être considérées comme plus avantageuses.
La Commission fait observer que la nouvelle situation des agents locaux au Maroc est conforme à l'article 23 des CPE qui dispose explicitement qu'en cas de maladie, l'agent local bénéficiera du remboursement à concurrence de 100% du coût des prestations locales (et non des coûts encourus à l'étranger). En outre, le deuxième paragraphe prévoit que l'autorité habilitée à conclure des contrats peut décider de diminuer progressivement le taux de remboursement jusqu'à concurrence de 75% ou d'affilier l'agent local à une compagnie d'assurance, avec participation de l'intéressé au paiement de la prime équivalente à un tiers du coût de cette assurance.
La Commission conteste l'affirmation des plaignantes selon laquelle elles ont été obligées de s'affilier au régime d'assurance de la Commission. La Commission fait observer qu'elle a proposé aux agents locaux de rester affiliés à "Al Watanyia" dans les conditions prévues par les CPE, c'est-à-dire en participant aux coûts. Les agents locaux n'ont pas accepté une telle participation qui implique que les conditions de leur assurance sont moins favorables que celles applicables avant l'entrée en vigueur des CPE. Suite à ce refus, la Commission a affilié à son régime les agents locaux qui ne s'opposaient pas à cette affiliation mais pas les plaignantes qui ont demandé à ne pas être affiliées.
Compte tenu du problème que peut poser le fait que le régime de la Commission ne couvre que les frais de maladie encourus dans le lieu de travail, la Commission a établi le 30 octobre 1996 et le 29 mai 1997 une facilité permettant à la Commission de participer à concurrence de 50% au montant de la prime due en vertu d'un contrat d'assurance maladie conclu par les agents locaux en vue de couvrir les coûts des soins médicaux encourus à l'étranger. Cette facilité est ouverte à tous les agents locaux.
La Commission fait en outre observer qu'une augmentation du niveau de couverture impliquerait nécessairement une augmentation des cotisations et qu'un régime plus permanent est à l'étude avec les représentants du personnel.
Les observations des plaignantes
Les intéressées maintiennent leur plainte. Concernant la recevabilité de leur plainte, les intéressées affirment qu'il appartient au Médiateur de la déclarer ou non recevable. Elles en concluent toutefois que dans la mesure où la Commission a donné son avis sur leur plainte, ainsi que sur celle de Mme B., elle la considère recevable.
Sur le fond, les plaignantes font observer que l'affiliation au régime d'assurance de la Commission n'est pas intervenue au moment de la résiliation du contrat "Al Watanyia". Entre janvier et octobre 1997, les plaignantes n'ont bénéficié d'aucune couverture. Elles n'ont pas reçu de réponses à leur lettre 1811/96 du 29 novembre 1996 dans laquelle elles exprimaient leur volonté de rester affiliées à "Al Watanyia". Il en a toutefois résulté une affiliation de facto au régime d'assurance de la Commission.
Les plaignantes affirment qu'elles ont exprimé leur volonté de ne pas être affiliées au régime de la Commission lorsqu'il est apparu que le régime local temporaire proposé par le Chef de la Délégation était en fait le régime de la Commission. C'est au nom de tous les agents locaux concernés par la gestion de ce dossier que les plaignantes ont déposé la présente plainte.
En ce qui concerne la déclaration de la Commission acceptant de participer à hauteur de 50% au paiement de prime des contrats d'assurance médicale privée conclus par les agents locaux en vue de couvrir leurs frais médicaux en dehors du lieu de travail, les plaignantes font observer qu'elles n'ont jamais été informées de la note du 29 mai 1997 et que cette proposition n'offrait pas de solution pour les maladies qui se sont déclarées avant leur affiliation au niveau régime. En outre, dans ce cas les agents locaux devront payer deux fois pour une couverture dont ils bénéficiaient auparavant.
Concernant la déclaration de la Commission selon laquelle un régime plus permanent est en cours d'étude, les plaignantes espèrent que ce régime permanent reprendra les 4 points mentionnés dans leur plainte.
LA DÉCISION
1 Recevabilité de la plainte
1.1 Dans son avis sur la plainte, la Commission affirme que les plaignantes ne se sont pas conformées à l'article 2, paragraphe 8 du statut du Médiateur, dans la mesure où elles n'avaient pas préalablement présenté de réclamation à la Commission sur la base de l'article 35 des Conditions particulières d'emploi (CPE). La Commission fait observer que l'acte qui fait grief a été la résiliation du contrat "Al Watanyia" avec effet au 1er janvier 1997 et l'affiliation simultanée au régime d'assurance maladie de la Commission. Les plaignantes affirment qu'il appartient au Médiateur de juger de la recevabilité de la plainte et que dans la mesure où la Commission a finalement donné son avis sur la plainte, elle l'a considérée comme recevable.
1.2 Le Médiateur note avec satisfaction que la Commission a finalement répondu sur le fond des allégations des plaignantes. Il n'y a pas lieu en conséquence de se pencher plus longtemps sur la question de la recevabilité.
2 Allégations relatives à l'affiliation obligatoire au régime d'assurance maladie de la Commission
2.1 La principale allégation des plaignantes porte sur le fait qu'elles ont été forcées de s'affilier au régime d'assurance maladie de la Commission qui remplace l'assurance "Al Watanyia" et ne rembourse plus les frais médicaux encourus à l'étranger. La Commission fait observer que la nouvelle situation des agents locaux au Maroc est conforme à l'article 23 des CPE qui dispose explicitement qu'en cas de maladie, les agents locaux bénéficient d'un remboursement à 100% du coût des prestations locales (et non des coûts encourus à l'étranger). La Commission souligne qu'elle a proposé aux agents locaux de rester affiliés à "Al Watanyia" dans les conditions prévues par les CPE, c'est-à-dire en participant aux coûts de l'assurance.
2.2 Le Médiateur note que le statut des agents locaux est régi en premier lieu par les articles 79 à 81 (Titre IV, Agents locaux) du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes. En ce qui concerne notamment la sécurité sociale, l'article 80 dispose que l'institution assume, en matière de sécurité sociale, les charges incombant aux employeurs en vertu de la réglementation existant au lieu où l'agent est appelé à exercer ses fonctions. Les conditions d'emploi applicables aux agents locaux en poste dans des pays non-membres sont en second lieu régies par les règles fixant les modalités d'emploi des agents locaux de la Commission, en poste dans les pays non-membres, adoptées par la Commission le 21 novembre 1989 et entrées en vigueur le 1er janvier 1990.
2.3 L'article premier, paragraphe 2 de ces règles dispose que les conditions particulières d'emploi pour chaque lieu de travail sont établies par le Directeur général du personnel et de l'administration, après consultation du Comité central du personnel, sur proposition du Délégué ou du Chef de la Délégation qui consulte dans un premier temps les représentants des agents locaux. Il appartient donc au Médiateur de décider dans un premier temps si les représentants des agents locaux de la Délégation de Rabat ont été consultés avant l'adoption des Conditions particulières d'emploi.
2.4 Le règlement fixant les Conditions particulières d'emploi des agents locaux de la Délégation de la Commission au Maroc a été adopté par le Directeur général de la DG I.A le 12 juin 1996 et est entré en vigueur le 1er juillet 1996. En application des Conditions particulières d'emploi, de nouveaux contrats ont été conclus en remplacement des contrats précédents avec effet au 1er juillet 1996, prévoyant la participation des agents aux coûts de sécurité sociale, en application d'une nouvelle réglementation applicable à toutes les délégations de la Commission.
2.5 À la lecture du dossier accompagnant la plainte, il apparaît que le Comité du personnel a approuvé les Conditions particulières d'emploi, et plus particulièrement l'article 23 concernant le remboursement des frais de santé en cas de maladie (voir en particulier la note du 29 octobre 1996 à l'attention du Chef de la Délégation). L'article 23, paragraphe 1, dispose qu'en cas de maladie, l'agent local bénéficiera du remboursement à concurrence de 100% du coût des prestations locales. Le second paragraphe prévoie toutefois que l'autorité habilitée à conclure des contrats pourra décider de diminuer progressivement le taux de remboursement jusqu'à concurrence de 75% ou d'affilier l'agent local à une compagnie d'assurance, avec participation de l'intéressé au paiement de la prime équivalente à un tiers du coût de cette assurance.
2.6 Le Médiateur note que les deux nouveaux régimes d'assurance maladie proposés par les Conditions particulières d'emploi sont à l'évidence moins avantageux que l'assurance "Al Watanyia" car cette dernière proposait une couverture de 100% des coûts, y compris des coûts encourus en Europe. Toutefois, l'introduction du nouveau régime d'assurance, basé sur une nouvelle réglementation de la Commission exigeant une augmentation de la participation des agents locaux aux coûts de sécurité sociale, ne constitue pas un cas de mauvaise administration.
2.7 En ce qui concerne une éventuelle violation du contrat dans ce cas, le Médiateur européen traite des plaintes de mauvaise administration prenant naissance dans des relations contractuelles. Il ne cherche cependant pas à déterminer s'il y a eu violation du contrat par l'une ou l'autre des parties. Cette question ne peut être traitée que par le tribunal compétent conformément à l'article 36 des Conditions particulières d'emploi, qui pourra entendre les arguments des parties concernant le droit national applicable et évaluer les dépositions contradictoires faites sur les différents points de droit.
3 Conclusion
Son enquête l'amenant à conclure qu'il n'y a pas eu en l'occurrence mauvaise administration de la part de la Commission, le Médiateur classe l'affaire.
Le Président de la Commission européenne sera également informé de cette décision.
Veuillez agréer, Mesdames, l'expression de mes sentiments distingués.
Jacob SÖDERMAN
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